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Profs d'Histoire lycée Claude Lebois
4 février 2009

crises politiques de 1870 à 1940 - devoir à la maison (DM)

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février 1934


qu'est-ce qu'une "crise politique"

sous la IIIe République ?



 

Qu'entendons-nous par "crises politiques" ? (...) Ce sont les grandes perturbations qui ont mis en danger le système de gouvernement républicain. De ce fait, on a éliminé une série de tensions et de commotions politiques (séquence anarchiste des années 1891-1893, "Panama", mouvement social de 1919-1920, Front populaire, "Munich"...), dans la mesure où elles n'ont pas exercé une véritable menace sur l'organisation des pouvoirs.

Les crises retenues sont en rapport direct avec la forme gouvernementale du pays remise par elles en question. Il s'agit :
1) de la Commune de Paris, dont une des causes est le danger de restauration monarchique ;
2) du 16 mai 1877, dont l'enjeu est la prééminence disputée entre l'exécutif et le législatif ;
3) du boulangisme, protestation contre la prépotence de la Chambre au préjudice du suffrage universel ;
4) de l'affaire Dreyfus, nouvelle offensive contre la souveraineté parlementaire sous les couleurs nouvelles du nationalisme ;
5) du 6 février 1934, qui traduit le ralliement d'une partie des classes moyennes aux solutions d'autorité contre le système parlementaire ;
6) du 10 juillet 1940, qui clôt, à la faveur de la défaite, la IIIe République.

Michel Winock, La fièvre hexagonale.
Les grandes crises politiques, 1871-1968
,
Points-Seuil, 1987, p. 10-11
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Devoir à la maison

Exposez, pour chacune de ces crises : a) le contexte politique (la situation générale, les rapport des forces, qui gouverne...), économique et sociale (crise ou pas crise...) ; b) les protagonistes des événements (qui affronte qui..., les positions et programmes des uns et des autres...) ; c) les principaux épisodes et le dénouement de chaque conflit.

 

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Base documentaire

Plusieurs documents évoquent les mêmes faits, ou une partie des mêmes faits, mais ne proposent pas toujours une interprétation identique. Ils doivent être comparés. Et sont à utiliser partiellement ; il ne faut pas les recopier, même en extraits...

 

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barricade parisienne, 18 mars 1871

1) une chronologie des années 1870 et 1871

 

1870
4 septembre : Chute du Second Empire. Proclamation de la République.
5 septembre : Formation de comités de Salut public en Province.
6 septembre : Étienne Arago est nommé maire de Paris par le gouvernement.
7 septembre : Le gouvernement annonce qu'il ne cédera pas face à la Prusse.
12 septembre : Soulèvement à Lyon.
15 septembre : Échec de l'entrevue de Ferrière entre Bismarck et le gouvernement.
19 septembre : Les troupes prussiennes assiègent Paris.
21 septembre : Rejets des conditions exigées par Bismarck pour un armistice.
27 septembre : Capitulation de Strasbourg à Koenigshoffen.
28 septembre : Insurrection lyonnaise sous l'impulsion de Bakounine.
2 octobre  : Gambetta s'échappe de Paris en ballon.

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le légendaire départ de Gambetta en ballon

5 octobre : Guillaume II s'installe à Versailles.
7 octobre : Garibaldi arrive à Marseille pour apporter son soutien contre la Prusse.
8 octobre : Les Prussiens entrent dans Orléans.
9 octobre : Arrivée de Gambetta à Tours.
9 octobre : Gambetta propose à Garibaldi, le commandement des corps francs.
13 octobre : Arrivée de Garibaldi à Dôle, où il installe son quartier général.
21 octobre : Entrevue entre Gambetta et Thiers à Tours.
26 octobre : Échec d'une offensive prussienne contre les troupes de Garibaldi à Lantenay.
27 octobre : Bazaine capitule à Metz.
30 octobre : Les troupes du général Fauconnet repoussent l'attaque prussienne sur Dijon.
31 octobre : Insurrection à Paris.
31 octobre : Capitulation de Dijon ; les armées prussiennes sentrent dans la ville.
3 novembre : Forte abstention des Parisiens appelés à un plébiscite.
7 novembre : Reprise d'Orléans par les troupes françaises.
8 novembre : Giuseppe Garibaldi à la tête de l'armée des Vosges s'intalle à Autun.

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19 novembre : Attaque de la IVe Brigade de Riciotti Garibaldi contre les Prussiens à Châtillon-sur-Seine.
26 novembre : Échec d'une offensive des troupes garibaldiennes sur Dijon.
1 décembre : Échec de l'offensive prussienne contre Garibaldi à Autun.
2 décembre : Échec de l'offensive française à Patay.
8-9 décembre : Transfert du gouvernement à Bordeaux.
13 décembre : Les Prussiens s'emparent de Tours.
18 décembre : Échec de l'offensive prussienne sur Nuits-Saint-Georges.
27 décembre : Les armées prussiennes évacuent Dijon.

1871
5 janvier : Bombardement de Paris par les armées prussiennes.
6-12 janvier : Bataille du Mans.
7 janvier : Garibaldi s'installe avec l'armée des Vosges à Dijon.
9 janvier : Défaite françaises à Villersexel.
10 janvier : Échec d'une tentative de sortie des armées parisiennes.
18 janvier : Guillaume Ier, roi de Prusse est couronné empereur d'Allemagne dans la galerie des glaces de Versailles.
21 janvier : Attaque de armées prussiennes contre Dijon repoussée par les combattants garibaldiens.
22 janvier : Manifestations devant l'hôtel de ville à Paris.
22 janvier : Négociations à Versailles entre Bismarck et le gouvernement.
22 janvier : Nouvel échec d'une offensive prussienne sur Dijon.
23 janvier : Nouvel échec des troupes prussiennes sur Dijon ; capture du drapeau du 8e Poméranien par la IVe brigade Riciotti Garibaldi.
28 janvier : Armistice franco-allemand (21 jours), capitulation de Paris.
29 janvier : Les forts parisiens passent sous contrôle des armées prussiennes.
6 février : Gambetta opposé à l'armistice démissionne.
8 février : Élection de l'assemblée nationale.
13 février : Première réunion de l'assemblée nationale à Bordeaux.
15 février : La garde nationale de Paris s'oppose à la paix.
17 février : Thiers devient chef du gouvernement.
26 février : Signature des préliminaires de paix entre la Prusse et la France.
26 février : Transfert des canons achetés par souscription nationale à Montmartre.
1 mars : Les Prussiens entrent dans Paris.
1 mars : L'assemblée nationale accepte les conditions de paix de Bismarck.
2 mars : Les armées prussiennes défilent sur les Champs-Elysées.
3 mars : Constitution de la Fédération républicaine de la garde nationale.
10 mars : Pacte de Bordeaux suspendant toute décision sur la nature du régime.
16 mars : Retour du gouvernement à Paris.
17 mars : Arrestation de Blanqui.
18 mars : Échec de la tentative gouvernementale de s'emparer des canons de Montmartre.
20 mars : Thiers et l'assemblée nationale s'installe à Versailles.
22 mars : Manifestation parisienne place Vendôme.
22 mars : Soulèvement de la Guillotière et instauration de la commune à Lyon.
23 mars : Instauration de la Commune de Marseille.
24 mars : Soulèvement à Narbonne, Saint-Étienne et Toulouse.

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26 mars : Élections de la Commune de Paris.
26 mars : Reddition de la ville de Bitche.
27 mars : Fin de la Commune de Toulouse.
28 mars : Proclamation de la Commune à l'hôtel de ville.
28 mars : Fin de la Commune de Saint-Étienne.
31 mars : Fin de la Commune de Narbonne.
2 avril : La Commune de Paris proclame la séparation de l'élise et de l'état.
2 avril : Attaque des troupes gouvernementales au pont de Neuilly.
3 avril : Échec d'une tentative de sortie contre les troupes gouvernemantales à Versailles.
4 avril : Capture et exécution de Duval chef des troupes communardes.
5 avril : Cluseret prend la tête des armées communardes.
5 avril : Arrestation de 74 otages par les Communards.
1 mai : Création d'un comité de Salut Public à Paris.
1 mai : Cluseret est évincé au profit de Rossel.
5 mai : La commune de Paris interdit sept journaux pro-gouvernementaux.
9 mai : Prise du fort d'Issy par les armées versaillaises.
10 mai : Rossel (démissionnaire) est remplacé par Delescluze.
10 mai : Traité de Francfort instituant la paix avec l'Allemagne en contrepartie de l'Alsace, la Lorraine et d'indemnités.
13 mai : Prise du fort de Vanves par les troupes versaillaises.
16 mai : Les Communards mettent à bas la statue de Napoléon place Vendôme.
18 mai : Ratification du traité de Francfort par l'assemblée nationale.
21 mai : L'armée de Versailles entre dans Paris, début de la semaine sanglante.
23-24 mai : Incendie du palais des Tuileries par les Communards.
24 mai : Exécution de 6 otages par les insurgés.
24-26 mai : Exécution des Fédérés par les Versaillais (424†).
25 mai : Mort de Delescluze, chef des troupes communardes.
26 mai : Exécution de 52 otages par les Communards.
28 mai : Chute du dernier bastion communard.
8 juillet Victoire des républicains aux élections.
31 août : Thiers est élu président de la République et l'assemblée nationale devient constituante.

1872
novembre  : A. Thiers se prononce pour la République.

 

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Communards fusillés

 


2) le programme de la Commune

Élu le 26 mars 1871, le conseil municipal de Paris, dominé par des républicains radicalisés et des socialistes, s'est proclamé Commune de Paris. Ce gouvernement insurrectionnel expose son programme.

" Dans le conflit douloureux et terrible qui menace encore Paris des horreurs du siège et du bombardement, (...) la Commune de Paris a le devoir (...) de préciser le caractère du mouvement du 18 mars, incompris, inconnu et calomnié par les hommes politiques qui siègent à Versailles.
[Paris demande]
- La reconnaissance et la consolidation de la République, seule forme de gouvernement compatible avec les droits du Peuple.
- L'autonomie absolue de la Commune étendue à toutes les localités de la France et assurant à chacune l'intégralité de ses droits.
- Les droits inhérents à la Commune sont : le vote du budget communal, recettes et dépenses;  la fixation et la répartition de l'impôt ; (...) l'organisation de sa magistrature, de la police intérieure et de l'enseignement;  l'administration des biens appartenant à la Commune.
- Le choix par l'élection ou le concours, avec la responsabilité et le droit permanent de contrôle et de révocation des magistrats ou fonctionnaires communaux de tous ordres. La garantie absolue de la liberté individuelle, de la liberté de conscience et de la liberté de travail (...).
- L'intervention permanente des citoyens dans les affaires communales par la libre manifestation de leurs idées. (...)
- L'unité, telle qu'elle nous a été imposée jusqu'à ce jour par l'Empire, la monarchie et le parlementarisme, n'est que la centralisation despotique, inintelligente, arbitraire et onéreuse. L'unité politique telle que la veut Paris, c'est l'association volontaire de toutes les initiatives locales. (...)
La Révolution communale, commencée par l'initiative populaire du 18 mars (...) c'est la fin du vieux monde gouvernemental et clérical, du militarisme, du fonctionnarisme, de l'exploitation, de l'agiotage, des monopoles, des privilèges auxquels le Prolétariat doit son servage, la Patrie ses malheurs et ses désastres."

extrait de l'Enquête parlementaire sur l'insurrection du 18 mars 1871

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3) Victor Hugo et la crise du 16 mai 1877

Aux élections de 1876, les électeurs ont désigné une majorité républicaine, alors que le Président de la République, la maréchal de Mac-Mahon, espérait le retour d’une majorité monarchiste. Il décide le 16 mai 1877 de dissoudre la Chambre des députés pour tenter d’obtenir une majorité conforme à ses attentes.

Victor Hugo s’oppose à cette manœuvre qu’il considère comme attentatoire à la volonté des électeurs.

Finalement, Mac-Mahon échoue : la majorité républicaine est confirmée par les électeurs. Le Président Mac-Mahon doit se soumettre, puis se démettre. Il présentera en effet sa démission en janvier 1879.

Les institutions de la IIIe République exigeaient l’accord du Sénat avant toute dissolution de la Chambre des députés par le Président de la République. Victor Hugo, sénateur, refuse la dissolution de la Chambre des députés lors de la crise du 16 mai :

"Oui, à cette heure, l’esprit de gouvernement est dans l’opposition, et l’esprit de révolution est dans le gouvernement. […] Oui, soyez le gouvernement. Arrêtez net cette étrange insurrection du 16 mai. […] Le Sénat, en rejetant la dissolution, rassure la patrie et prouve qu’il est nécessaire."

Discours contre la dissolution, Sénat, 12 juin 1877

 

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Mac Mahon, Président de la République française
du 24 mai 1873 au 30 janvier 1879

4) présentation de la crise du 16 mai 1877

En 1877 la République instituée par les lois constitutionnelles de février et juillet 1875 n'est pas à l'abri d'un retour offensif des monarchistes.

Le 16 mai, Mac Mahon, président de la République depuis mai 1873 et partisan de la monarchie renvoie le président du Conseil, Jules Simon, qu'il estime responsable devant lui autant que devant la Chambre des députés. Celle-ci est dissoute le 25 juin, avec l'avis conforme du Sénat qu'exigeait la loi du 25 février 1875 (art. 5). Mac Mahon ouvre ainsi une crise politique majeure.

Gambetta prévient : «Quand le pays aura parlé, il faudra se soumettre ou se démettre» (discours prononcé le 15 août 1877 à Lille).

Pendant la campagne électorale, Gambetta déclare voir dans le suffrage universel une loi fondamentale de la démocratie (discours au Cirque du Château d'Eau à Paris le 9-octobre 1877).

Le 20 mai, 363 députés républicains conduits par Léon Gambetta avaient contracté alliance et publié un manifeste invitant les électeurs à combattre «une politique de réaction et d'aventure». 318 d'entre eux furent réélus aux élections législatives des 14 et 28 octobre 1877 (contre 208 conservateurs). La participation fut élevée : 80,6 % des suffrages exprimés. 98 % des sièges sont pourvus dès le 1er tour.

La crise du 16 mai résolue par la victoire du camp républicain puis, quelque temps après, par la démission de Mac-Mahon, a frappé les trois coups de la IIIe République.

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élections de 1877 à Paris : le boulevard des Italiens, soirée du 14 octobre

 

5) dossier chronologique sur la crise du 16 mai 1877

1. chronologie de la crise du 16 mai 1877

20 février et 5 mars 1876 : Élection à la Chambre des députés. Les Républicains remportent 393 sièges sur 533.

23 février au 9 mars 1876 et 9 mars au 2 décembre 1976 : Gouvernements Jules Dufaure III et IV.

12 décembre 1876 : Mac-Mahon nomme Jules Simon président du Conseil (c'est-à-dire 1er ministre).

2. les causes

16 mai 1877 : Le Président de la République, Mac-Mahon, exige la démission du Président du Conseil Jules Simon. Il considère que le Président du Conseil est à la fois responsable devant le Président et le Parlement, dans la lignée de la monarchie Orléaniste ou du régime parlementaire dualiste. Il reproche au Président du Conseil l’abrogation de la loi de 1875 sur la Presse et son manque de fermeté face à la Chambre des députés lors des débats sur les mouvements anticléricaux en Italie.

3. le déroulement

19 mai 1877 : Mac-Mahon nomme Du Broglie (prononcer "Breuille") Président du Conseil.

20 mai 1877 : 363 députés signent un manifeste pour faire savoir qu’ils contestent la démission de Jules Simon et qu’ils n’entreront pas en contact avec le gouvernement De Broglie.

16 juin 1877 : Mac-Mahon sollicité l’avis conforme du Sénat pour prononcer la dissolution de la Chambre des Députés, conformément à l’art. 5 de la loi Constitutionnelle du 25 février 1875.

17 juin 1877 : Le Sénat, encore majoritairement conservateur, approuve le Président à raison de 150 voix contre 130.

25 juin 1877 : Le Décret prononçant la dissolution de la Chambre des Députés est publié. La dissolution est effective. Les élections sont fixées au 14 octobre 1877.

15 août 1877 : Discours de Lille prononcé par Gambetta dans lequel il prévient que "Quand la France aura fait entendre sa voix souveraine, croyez-le bien, Messieurs, il faudra se soumettre ou se démettre"

14 et 28 octobre 1877 : Les élections à la Chambre des Députés sont favorables aux Républicains qui remportent 323 sièges contre 208. Avec une participation estimée à 80,6%, 98 % des sièges sont attribués dès le premier tour.

Mac-Mahon songe à une seconde dissolution, mais le Président du Sénat l’en dissuade.

19 novembre 1877 : Le Gouvernement de Broglie démissionne. Il est remplacé par le Gouvernement de Gaëtan de Rochebouët, proche du Président de la République.

24 novembre 1877 : La Chambre des députés refuse à 325 voix contre 208 de reconnaître ce gouvernement qui est pour elle "la négation des droits de la Nation et des droits parlementaires".

13 décembre 1877 : Mac-Mahon rappelle Jules Dufaure pour former un gouvernement.

 

4. sortie de crise

14 décembre 1877 : Dans un message aux assemblées, il capitule et reconnait que la dissolution n’est pas une règle de gouvernement, contrairement à l’indépendance du gouvernement vis-à-vis du Président et sa responsabilité devant le Parlement. Il se désavoue en revenant de lui-même sur les motifs qui avaient conduit à la démission du Gouvernement de Jules Simon le 16 mai 1877. [battu politiquement, Mac Mahon conserve son poste en 1878, année de la troisième Exposition universelle de Paris, du 1er mai au 31 octobre]

5 janvier 1879 : Renouvellement du 1er tiers du Sénat. Les sénateurs sortant sont principalement conservateurs et son remplacés, suite aux élections, par des Républicains. Le Sénat devient donc Républicain.

janvier 1879 : Le Parlement mène une politique d’épuration dans l’armée et l’administration afin que les fonctionnaires d’Etat nommés par Mac-Mahon ou trop conservateurs soient remplacés par des républicains. Mac Mahon refuse de signer les décrets en question.

30 janvier 1879 :  Sans soutiens, Mac-Mahon est contraint à la démission. Jules Grévy est élu Président de la République.

 

5. la fin de la crise

6 février 1879 :  Jules Grévy, ennemi déclaré du pouvoir personnel, opposé à l’élection du Président au Suffrage Universel Direct, déclare : «Soumis avec sincérité à la grande loi du régime parlementaire, je n’entrerai jamais en lutte contre la volonté nationale exprimée par ses organes constitutionnels.»

source

 

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Jules Grévy, Président de la République du 30 janvier 1879 à 1885
et de décembre 1885 au 2 décembre 1887


- biographie de Jules Grévy sur le site de l'Assemblée nationale

 



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caricature de Gambetta, 2 décembre 1877


6) Discours de Gambetta à Lille, 15 août 1877


La République sortira triomphante de cette dernière épreuve, et le plus clair bénéfice du 16 mai sera, pour l’histoire, d’avoir abrégé de trois ans, de dix ans, la période d’incertitude et de tâtonnements à laquelle nous condamnaient les dernières combinaisons de l’Assemblée nationale élue dans un jour de malheur.

Messieurs, telle est la situation. Et j’ose dire que les espérances du Parti républicain sont sûres ; j’ose dire que votre fermeté, votre union, que votre activité sont les garants de ce triomphe. Pourquoi ne le dirais-je pas, au milieu de ces admirables populations du département du Nord, qui, à elles seules, payent le huitième des contributions de la France, dans ce département qui tient une des plus grandes places dans notre industrie nationale, aussi bien au point de vue mécanique qu’agricole ? N’est-il pas vrai que, dans ce pays, vous avez commencé aussi à faire justice des factions qui s’opposaient à l’établissement de la République et que vous n’attendez que l’heure du scrutin pour que tous vos élus forment une députation unanime ?

Vous le pouvez si vous le voulez, et vous savez bien ce qui vous manque : ce ne sont pas les populations disposées à voter pour des candidats républicains ; ce sont des candidats qui consentent à sortir définitivement d’une résistance dictée par des intérêts privés et comprennent qu’il s’agit aujourd’hui d’un service public et d’élections d’où dépendent les destinées de la France. Il faut que ces hommes fassent violence à leurs intérêts domestiques pour aborder la plate-forme électorale.

À ce point de vue, des adhésions significatives ont déjà été obtenues et vous avez su trouver des candidats qui vous mèneront à la victoire. Je devais plus particulièrement le dire ici, dans ce département qui, parmi les autres, tient la tête dans les questions d’affaires et de politique. Je devais le dire ici pour vous mettre en garde contre certains bruits qui ont été répandus et dont on alimente la basse presse, à savoir que si le suffrage universel dans sa souveraineté, je ne dirai pas dans la liberté de ses votes, puisqu’on fera tout pour restreindre cette liberté, mais dans sa volonté plénière, renomme une majorité républicaine, on n’en tiendra aucun compte.

Ah! tenez, Messieurs, on a beau dire ces choses ou plutôt les donner à entendre, avec l’espoir de ranimer par là le courage défaillant de ses auxiliaires et de remporter ainsi la victoire : ce sont là de ces choses qu’on ne dit que lorsqu’on va à la bataille ; mais, quand on en revient et que le destin a prononcé, c’est différent ! Que dis-je, le destin ?

Quand la seule autorité devant laquelle il faut que tous s’inclinent aura prononcé, ne croyez pas que personne soit de taille à lui tenir tête. Ne croyez pas que quand ces millions de Français, paysans, ouvriers, bourgeois, électeurs de la libre terre française, auront fait leur choix, et précisément dans les termes où la question est posée ; ne croyez pas que quand ils auront indiqué leur préférence et fait connaître leur volonté, ne croyez pas que lorsque tant de millions de Français auront parlé, il y ait personne, à quelque degré de l’échelle politique ou administrative qu’il soit placé, qui puisse résister.

Quand la France aura fait entendre sa voix souveraine, croyez-le bien, Messieurs, il faudra se soumettre ou se démettre.

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Gambetta



7) résumé de la crise du 16 mai 1877

Crise du 16 mai 1877 : crise politique française survenue sous la IIIe République, opposant le président de la République, Mac-Mahon, conservateur, au chef du gouvernement, le républicain Jules Simon, et qui a entraîné la démission de ce dernier.

Porté à la présidence de la République le 24 mai 1873, le maréchal de Mac-Mahon pratique une politique de rétablissement de «l’ordre moral». Légitimiste et conservateur, il accepte néanmoins la formation d’un gouvernement d’opposition lorsque celle-ci gagne les élections de février 1876. Un premier gouvernement est dirigé par Jules Dufaure ; en décembre 1876, celui-ci est remplacé par Jules Simon. Républicain et anticlérical, Jules Simon procède à une épuration de l’administration et refuse d’intervenir contre le gouvernement italien qui s’oppose au pape.        

Ne pouvant tolérer la politique du gouvernement, Mac-Mahon prend pour prétexte le vote d’une loi sur les délits de presse et adresse à Jules Simon, le 16 mai 1877, une lettre ouverte, dans laquelle il remet en cause son autorité. La lettre est publiée et Jules Simon démissionne sur-le-champ.

Un gouvernement d’«ordre moral» est immédiatement nommé avec, à sa tête, le duc de Broglie. Le 22 juin, les 363 députés républicains votent un ordre du jour de protestation et l’Assemblée est dissoute le 25 juin. Les élections qui suivent cette dissolution apportent une nouvelle majorité républicaine et Mac-Mahon finit par démissionner en janvier 1879.

source : encarta

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cliquer sur l'image pour l'agrandir
 

 

 

8) autre résumé de la crise du 16 mai 1877

Le 16 mai 1877, le maréchal de Mac-Mahon prend prétexte d'un désaccord à propos de la loi sur les délits de presse pour renvoyer Jules Simon et nommer un gouvernement dit de «l'ordre moral» dirigé par le duc de Broglie, en totale opposition avec la majorité républicaine de la Chambre. Le 19 juin 1877, les 363 députés du «Bloc des gauches» votent la défiance. Le maréchal demande l'accord du Sénat pour dissoudre la Chambre des députés. Malgré l'opposition de parlementaires influents tels Victor Hugo et Victor Schoelcher, le président de la République obtient l'autorisation de dissoudre le 22 juin 1877.

source : senat.fr

 

 

9) Mac-Mahon reconnaît sa défaite, décembre 1877

Message de Mac-Mahon aux chambres du 15 décembre 1877 par lequel le Président de la République reconnaît sa défaite électorale et confirme la lecture des institutions que préconisaient les républicains (primauté du législatif sur l'exécutif).

Messieurs les Sénateurs, Messieurs les députes,
Les élections du 14 octobre ont affirmé, une fois de plus, la confiance du pays dans les institutions républicaines. Pour obéir aux règles parlementaires, j’ai formé un cabinet choisi dans les deux chambres, composé d’hommes résolus à défendre et à maintenir ces institutions par la pratique sincère des lois constitutionnelles.
L’intérêt du pays exige que la crise que nous traversons soit apaisée : il exige avec non moins de force qu’elle ne se re­nouvelle pas.
L’exercice du droit de dissolution n’est, en effet, qu’un mode de consultation suprême auprès d’un juge sans appel, et ne saurait être érigé en système de gouvernement. J’ai cru de­voir user de ce droit et je me con­forme à la réponse du pays.
La Constitution de 1875 a fondé une République parlementaire en établissant mon irresponsabilité, tandis qu’elle a institue la responsabilité solidaire et individuelle des ministres.
Ainsi sont déterminés nos devoirs et nos droits respectifs. L’indépendance des ministres est la condition de leur responsabilité. Ces principes, tirés de la Constitution, sont ceux de mon gouvernement.



10) Thiers proclamé "le libérateur du territoire", 16 juin 1877

 

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tableau de Jules Garnier

La scène décrite par ce tableau a lieu au cœur de la crise politique dont l'issue a enraciné la IIIe République. Le 16 juin 1877, quelques heures avant que la dissolution de la Chambre des Députés ne soit décidée par le maréchal Mac Mahon, président de la République, le ministre de l'Intérieur Fourtou remercie la Chambre d'être l'auteur de la libération du territoire après la guerre de 1870. La gauche républicaine rectifie et fait une ovation à Thiers, son chef de file dans le combat qui s'engage : «le véritable libérateur du Territoire, le voici» s'écrient-ils en désignant Thiers. Jules Garnier, contrairement à l'exactitude historique a fait de Gambetta l'auteur de cette phrase célèbre.

source de ce commentaire

 



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11) origines et explication de la la crise boulangiste

En 1885, ont eu lieu des élections, marquées par le passage du scrutin d'arrondissement au scrutin de liste départemental. Contrairement à 1881, la droite participe activement au scrutin et parvient à doubler ses effectifs à la Chambre, tout en restant fortement minoritaire. La gauche républicaine s'est présentée divisée au premier tour et, malgré les alliances du second tour, elle ne parvient pas à constituer une majorité de gouvernement, les radicaux faisant désormais jeu égal avec les opportunistes.

C'est le début d'une instabilité gouvernementale accrue, les ministères se formant tantôt grâce à l'appui des radicaux, tantôt grâce à l'abstention bienveillante de la droite. Clemenceau, leader des radicaux y gagne sa réputation de "tombeur de ministères", mais la République parlementaire y perd son autorité. Le jeu parlementaire échappe de plus en plus dans sa complexité à la compréhension des électeurs, qui n'ont aucune prise sur la nomination du Gouvernement.

C'est dans le contexte d'un antiparlementarisme naissant qu'a commencé l'aventure de Boulanger. Le général, qui proclame son attachement à la légitimité républicaine, rallie d'abord autour de lui une partie des radicaux, les uns par amitié, comme Clemenceau, les autres parce qu'ils voient en lui l'homme capable de mettre fin à cette République opportuniste personnifiée par Ferry qu'ils haïssent ; de plus, comme l'a rappelé l'historien A. Dansette, le radicalisme est indissociable d'un penchant pour l'autorité, que pouvait satisfaire le "général Revanche". L'historien Jean-Marie Mayeur, à la suite de Zeev Sternhell, note que les radicaux ne sont les seuls hommes de gauche à soutenir Boulanger et que celui-ci a eu jusqu'au bout, parmi ses partisans des socialistes comme Lafargue. Selon Zeev Sternhell, l'appui des blanquistes aux candidats boulangistes dans la capitale en 1889 a ét éconsidérable.

On peut être sceptique lorsque cet historien, après avoir qualifié l'idéologie boulangiste de "socialisante, populiste et nationaliste", en fait l'un des prodromes du fascisme à la française, en s'appuyant sur le fait que son implantation correspond aux zones prochaines de diffusion du socialisme ; il n'en demeure pas moins vrai que, comme il le souligne, le boulangisme réussit, par exemple, très bien dans les villes minières du Nord. C'est qu'il bénéficie d'une conjoncture économique défavorable, dont la République opportuniste est rendue responsable. On retrouve ici les dangers d'un régime incapable de dissocier le gouvernement des institutions.

DuchesseCheval
la duchesse d'Uzès finança Boulanger en faveur
du comte de Paris, le prétendant au trône

Quant à la droite, elle voit, tardivement, en Boulanger l'homme qui peut restaurer l'autorité de l'État, dans la tradition plébiscitaire à laquelle le comte de Paris s'est rallié dans un manifeste de septembre 1887. La duchesse d'Uzès finit par mettre son immense fortune au service d'un général, dont certains milieux royalistes espèrent qu'il jouera au profit des Orléans le rôle d'un connétable restaurateur de la monarchie. Philippe Levillain a montré que le général a su utiliser ces appuis sans jamais s'engager, mais au contraire en maintenant son attachement à la République.

Quoi qu'il en soit, l'épisode marque l'aveuglement d'une droite, qui pense saisir l'occasion de reprendre l'initiative politique en rompant avec la tradition électorale et parlementaire qui était la sienne, pour abattre le régime qui l'en écarte sans être consciente de l'évolution de l'opinion publique, qui recherche, comme l'analyse électorale du scrutin de 1885 menée par Odile Rudelle le révèle de manière lumineuse, en dépit de la progression des extrêmes conservateurs et radicaux, l'apaisement politique. D'ailleurs tous les conservateurs ne devaient pas suivre Boulanger ; en juillet 1888, celui-ci est nettement battu dans l'Ardèche par suite de l'abstention des royalistes.

Cependant, un mois plus tard, Boulanger l'emporte dans trois départements, le nord, la Somme et la Charente-Inférieure, où sa candidature prend sa véritable signification : dans ces trois départements, pour des raisons diverses, dans le Nord, l'insatisfaction à l'égard d'une République socialement trop conservatrice, en Charente-Inférieure, le vieil attachement au bonapartisme déçu par le ralliement à une République modérée où le pouvoir semble se dissoudre dans les arcanes parlementaires, le vote Boulanger correspond à une sanction de la pratique institutionnelle développées par les "opportunistes".

Poussant plus loin l'analyse, Odile Rudelle insiste sur les succès obtenus par Boulanger dans des départements "mixtes", c'est-à-dire qui avaient élu en 1885 une députation de droite et de gauche, marquant à la fois leur désaccord avec la République opportuniste, mais aussi leur volonté de permettre l'apaisement politique en renforçant les positions de la droite, de façon à lui permettre de retrouver une chance de participer à l'alternance. (...)

La défaite finale du boulangisme est la victoire de la République parlementaire. Longtemps considérée par les républicains comme antinomiques, les deux termes s'associent désormais comme synonymes de démocratie. Les élections de septembre-octobre 1889 se font sur ce thème et consacrent le ralliement des radicaux aux opportunistes pour défendre cette conception de la République.

Mais en même temps, l'échec du boulangisme entraîne celui de ses partisans, qui n'ont d'autre solution, s'ils veulent participer à cette République qui sort renforcée de l'aventure, de s'y rallier. C'est la victoire de la "République absolue" (Odile Rudelle), où l'alternance est confisquée par l'association républicains modérés-radicaux. Une partie des royalistes tentèrent purtant de créer les conditions d'une alternance dans le cadre du "Ralliement" préconisée à partir de 1892 par Léon XIII. Mais, solés, ils allaient mesurer les limites de leur tentative à l'occasion de l'Affaire Dreyfus.

Patrick Lagoueyte, La vie politique en France au XIXe siècle,
éd. Ophrys, 1990, p. 41-43.

Lagoueyte

 

 

 

 

 

 

 

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12) la crise boulangiste, 1886-1889

La menace qu’a fait peser le général Boulanger sur la République a été brève. Tout commence quand le général Boulanger, l’un des rares militaires à afficher des convictions républicaines, est nommé ministre de la Guerre en janvier 1886, sur la recommandation de Clemenceau.
Lors de la revue du 14 juillet 1886 à Longchamp, Boulanger, qui a amélioré l’ordinaire et l’organisation de l’armée, déclenche l’enthousiasme de la foule. Au printemps 1887, l’affaire Schnaebelé (1) oppose la France à Bismarck. Resté ferme dans un contexte de tension avec l’Allemagne, Boulanger profite du feu nationaliste attisé par Déroulède ou Barrès.
Inquiets de cette nouvelle menace sur le fragile équilibre républicain, les «opportunistes», Ferry en tête, décident d’écarter Boulanger… Rochefort n’hésite pas à appeler à la révolte autour du « général Revanche » dans L’Intransigeant. La scène d’hystérie collective provoquée par le départ forcé de Boulanger pour Clermont, le 8 juillet 1887, oblige Clemenceau à prendre ses distances : «La popularité du général Boulanger est venue trop tôt à quelqu’un qui aimait trop le bruit».
C’est alors que, poussé par Georges Thiébaud, Boulanger se présente en avril 1888 à une élection partielle en Dordogne, puis démissionne et entame un «steeple-chase électoral» (Barrès) à travers la France, qui le conduit au triomphe à Paris, le 27 janvier 1889. Refusant de marcher sur l’Elysée, menacé par la justice, Boulanger fuit à Bruxelles le 1er avril 1889. Il se suicide deux ans plus tard.

source

(1) incident diplomatique entre l’Allemagne et la France en 1887.
Le 20 avril 1887, Guillaume Schnaebelé, commissaire de police d’origine alsacienne qui a pris le parti de la France après la guerre de 1870, tombe dans un guet-apens tendu par les Allemands. Accusé d’espionnage au profit de la France, Schnaebelé est immédiatement arrêté de manière irrégulière par les Allemands. L’affaire est dénoncée par les milieux nationalistes français, sous l’impulsion de Paul Déroulède, Henri Rochefort et surtout du ministre de la Guerre, Georges Boulanger. La presse s’empare du scandale alors que le président de la République Jules Grévy cherche à apaiser la crise politique qui en découle. Le 30 avril 1887, le prince Otto von Bismarck fait libérer Schnaebelé après avoir obtenu, dans son pays, le vote d’une loi militaire.
L’affaire Schnaebelé met en lumière la personnalité du général Boulanger, nationaliste intransigeant. Au lendemain de la libération du fonctionnaire français, le ministre de la Guerre est devenu «celui qui a fait reculer Bismarck», le «général Revanche». Dangereux pour la diplomatie française, il est écarté du gouvernement lors du vote du budget (mai 1887). L’affaire lance l’aventure boulangiste.

source : encycloépdie encarta.fr

 

 

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Jean-Eugène Buland, Scène de propagande boulangiste, 1889

13) analyse d'une image boulangiste, 1889


voies et voix de la popularité de Boulanger

Jean Eugène Buland (1852-1926) a vraisemblablement peint son tableau juste après le dénouement de la crise boulangiste. Cette scène de genre traitée dans un style hyperréaliste, quasi photographique, met aux prises un colporteur d’imprimés et une famille paysanne, comme en témoignent les sabots du chef de maison, au premier plan.
L’étranger, debout et ventru, la main tendue, s’impose aux six personnages assis, les mains croisées ou les poings fermés. De la caisse du colporteur ont jailli trois portraits du général Boulanger : en buste, en plan américain et à cheval.
Les tons sombres des costumes font ressortir les couleurs bien plus claires de l’aîné (vieillard) et de la benjamine (petite fille). Si tous les regards sont concentrés sur le visage du colporteur, le portrait de Boulanger qu’il tient dans sa main gauche regarde bien ces deux personnages. Ce tableau dans le tableau met en abyme le rôle de l’image dans la soudaine popularité de Boulanger.

interprétation : la naissance de l'opinion publique dans la France du suffrage universel et de la liberté de la presse


Si la scène peinte par Buland est une scène de propagande, ni parole ni écrit n’y sont mis en avant. L’artiste soumet trois générations d’hommes et de femmes à la diffusion de l’image de Boulanger, avec un souci exemplaire du détail. Ainsi, à la cocarde tricolore du colporteur répondent le foulard rouge de l’homme mûr et le ruban bleu roi de la petite fille : Boulanger, homme providentiel presque malgré lui, a fédéré sur sa personne et surtout sur son nom et son image des tendances politiques opposées, qui se rejoignaient dans une critique de l’«opportunisme» des républicains modérés, comme Ferry. Cela dit, seuls deux des personnages sont en mesure de voter : quelle peut être l’influence du reste de la famille, et en particulier des femmes, sur ces participants à la démocratie ?

En 1881, par la loi du 29 juillet, furent instaurées des règles de presse et de réunion qui sont toujours en vigueur aujourd’hui. La multiplication des titres de presse et des imprimés en tout genre participe de la constitution d’une opinion publique naissante. Il est difficile de savoir si la chanson de Villemer, plutôt complexe, a vraiment été chantée au cours des manifestations de soutien à Boulanger. Mais nombre d’autres refrains et slogans sont restés et attestent de l’influence de ce mode de diffusion populaire. La mise en image, en mots et en musique de la popularité de Boulanger est de ce point de vue exemplaire. Elle préfigure le déluge d’information et de «propagandes» qui se déchaînera lors de l’Affaire Dreyfus, quelques années plus tard.

source

 

14) socialisme et boulangisme, fin des années 1880

En fait durant cette période de genèse du socialisme, tout opposant politique intellectuel à la République bourgeoise et opportuniste, des années 1880-1890, revendique l’étiquette socialiste... C’est ainsi que Maurice Barrès – principal théoricien des nationalistes français – s’affiche alors socialiste, mais pour un Socialisme “national”, en rupture avec le développement de la société industrielle.

La crise économique, qui sévit à la fin des années 1880, amplifie les revendications populistes et antiparlementaires ; le rejet de la République bourgeoise par les classes populaires urbaines va trouver un évident débouché politique dans la montée du grand Parti National qui se constitue derrière le Général Boulanger. Et si, comme ce le fut démontré rapidement, les milieux monarchistes apportent les fonds nécessaires à la campagne boulangiste, c’est bel et bien à l’extrême gauche et chez les prolétaires parisiens que la "Boulange" recrute ces cadres, ces militants et ces électeurs.

Le boulangisme est un grand mouvement populaire, appuyé à la fois par des organisations de masse et des groupes révolutionnaires. La Ligue des Patriotes de Déroulède – dont certaines sections parisiennes s’intitulent "Comité républicain socialiste national" –, les principaux dirigeants du Comité Révolutionnaire Central (Roche, Granger, Rochefort...), des “socialistes nationaux” comme Barrès, des Radicaux comme Naquet (député du Vaucluse en 1887) se mettent au service du général, dont les discours développent un programme de justice sociale...Longtemps les marxistes français ne sauront que faire ; Lafargue écrivait en 1888 «les socialistes [...] entrevoient toute l’importance du mouvement boulangiste, qui est un véritable mouvement populaire pouvant revêtir une forme socialiste si on le laisse se développer librement.» Brousse et Allemane sont fréquemment mis en difficulté lorsqu’ils essaient de s’opposer aux grèves ouvrières boulangistes...

Et aux municipales, comme aux législatives, ce sont les arrondissements et les communes populaires qui fourniront les contingents boulangistes au détriment des socialistes. Guesde et Vaillant eux-mêmes se laissent tenter quelques temps, préférant jouer sur l’effondrement de la république bourgeoise quel qu’en soit les conséquences plutôt que sur l’éducation politique du prolétariat. Ce n’est que lorsque leur survie politique sera en jeu, que le programme boulangiste fera peu à peu disparaître la justice sociale au profit d’un socialisme national – c’est-à-dire pas de socialisme du tout –, que les collusions avec les réactionnaires seront reconnues, que Vaillant et Guesde se rallieront à l’avis de la Fédération des Travailleurs Socialistes “possibiliste”. Henri Rochefort, d’Ernest Roche et Ernest Granger fondent le Comité Révolutionnaire Socialiste Central, et poursuivent leur dérive antisémite et nationaliste. Guesde et Lafargue reprennent fermement en main tous leurs militants, et Edouard Vaillant avec les derniers Blanquistes rétablit le C.R.C. La rupture est désormais entamée entre la vieille garde communarde, populiste et nationale, et les socialistes…

source

 

lien

- sur ce blog : crise de la République (1889) et général Boulanger

- "le général Boulanger et la République", article de Francis Choisel, Revue de la cavalerie Blindée, n° 128, décembre 1984

 

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dessin de Alfred Le Petit, «Souvenir du 14 juillet», La Charge,
14/7/1888 (Général Boulanger et Jules Ferry)

 

15) proclamation du général Boulanger aux électeurs de la Somme, élection législative partielle du 19 août 1888

 

L'ancien ministre de la Guerre, populaire et donc encombrant, est mis à la retraite d’office, le 26 mars 1888. Rendu à la vie civile, il peut se consacrer à une carrière politique grâce à l'appui d'un véritable syndicat des mécontents de la Troisième République. Lors de deux élections partielles, le 8 avril 1889 en Dordogne puis le 15 avril dans le Nord, le "brave général" est élu avec une très forte majorité.

Le 19 août et grâce au système des candidatures multiples, il se présente de nouveau en Charente-Inférieure, dans ls départements du Nord et de la Somme. Dans cette proclamation, le général Boulanger dénonce la politique coloniale du gouvernement Ferry et des opportunistes, qui éloigne l'armée française de ce qui devrait être l'objectif essentiel, la "ligne bleue des Vosges". Le boulangisme prône également la révision de la constitution.

source : Marc Nadaux

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cliquer sur l'image pour l'agrandir

       

Boulangerdetail

 

Le 30 septembre 1891, le général Georges Boulanger se suicide sur la tombe de sa maîtresse, près de Bruxelles.

 

Un fringant militaire
Cinq ans plus tôt, en 1886, le leader du parti radical Georges Clemenceau avait fait de cet officier à la belle prestance un ministre de la Guerre. Le héros est applaudi à la revue du 14 juillet et chacun y va de sa chansonnette.
Par des mesures peu coûteuses et d'un bel effet, comme de faire peindre les guérites en tricolore, Boulanger ravive les espérances des ennemis de la République, des citoyens déçus par le régime des partis et de tous ceux qui rêvent d'une revanche militaire sur l'Allemagne, victorieuse en 1870.
Mais les qualités morales et le sens politique de Boulanger ne sont pas à la hauteur de sa popularité comme il ne tarde pas à le démontrer.
Le chancelier allemand Bismarck ayant fait arrêter un commissaire de police français à la frontière, le ministre tombe dans le piège de la provocation. Il en appelle à une mobilisation partielle. Le président de la République Jules Grévy, inquiet de la tournure des événements, se défait du gouvernement et démet Boulanger de ses fonctions ministérielles le 18 mai 1887.

Popularité au zénith
Le général Boulanger (chromo de l'époque, ci-dessus) Le général Georges Boulanger n'en devient que plus populaire. On ne l'appelle plus que «brave général» ou «général Revanche».
Ses partisans forment une troupe hétéroclite de mécontents, de la gauche radicale à la droite bonapartiste ou monarchiste.
La crise économique dans laquelle est plongé le pays depuis les années 1880 contribue à la popularité du général et au rejet de la gauche dite «opportuniste» qui gouverne la France sans se soucier de réformes sociales. La mise à jour du scandale des décorations, par lequel le gendre de Jules Grévy aurait fait attribuer la Légion d'honneur à ses affidés, aggrave le discrédit des institutions républicaines.
Le poète Paul Déroulède, fondateur de la Ligue des Patriotes, et le journaliste Henri Rochefort, marquis de Rochefort-Luçay, figurent parmi les plus chauds soutiens de Georges Boulanger.
Dans une tentative de se défaire du trop séduisant général, le gouvernement l'expédie à Clermont-Ferrand. Le 8 juillet 1887, à la gare de Lyon où ses admirateurs en délire tentent de le retenir, Boulanger doit monter à la sauvette sur la locomotive.
Il est enfin mis à la retraite des cadres de l'armée, ce qui lui permet de se faire élire dans plusieurs départements dont Paris, le 27 janvier 1889, avec l'appui financier de la duchesse d'Uzès, monarchiste et surtout héritière des champagnes de la Veuve Clicquot.

La fin du boulangisme
Les dirigeants de la IIIe République prennent la menace au sérieux... et ne veulent pas gâcher les fêtes du centenaire de la Révolution, qui doivent consacrer le triomphe de la République avec l'Exposition universelle et la Tour Eiffel.
Le gouvernement fait courir le bruit d'une arrestation imminente du général. Celui-ci, prenant son courage à deux mains, s'enfuit à Londres puis à Bruxelles, où il va rejoindre sa chère maîtresse, Mme Marguerite de Bonnemains, malade de la phtisie. Là s'achève son destin tandis que les leaders barbus de la IIIe République poursuivent leurs petites affaires : scandale des décorations, conquêtes coloniales, escroquerie de Panama, condamnation de Dreyfus,...
À l'annonce de la mort de Boulanger, Clemenceau dira de lui qu'«il est mort comme il a vécu, en sous-lieutenant».

Joseph Savès - source : herodote.net


 

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13 janvier 1898


16) dimensions et conséquences politiques de l'Affaire Dreyfus

 

Nous porterons notre attention sur les reclassements politiques auxquels l'Affaire a donné lieu, principalement à droite, et la façon dont elle a accéléré son exclusion du jeu institutionnel.
C'est la publication de l'éditorial de Zola, "J'accuse", qui favorise la politisation de ce qui n'était jusque-là qu'un drame personnel, en mettant en cause les autorités de l'État.

Avant cela, en effet, elle ne constitue pas un clivage entre la droite et la gauche, pour la bonne raison que la quasi-unanimité des parlementaires, de la droite monarchiste à la gauche socialiste, n'ont aucun doute sur la culpabilité du capitaine et ne se posent guère de questions. même si l'article de Zola provoque quelques reclassements, notamment à gauche, où Jaurès adhère au dreyfusisme, la Chambre des députés n'est pas immédiatement mobilisée. Jusqu'à ce que la menace nationaliste se précise, elle apparaît antidreyfusiste, plus par souci du respect dû à la chose jugée et à l'armée que par conviction profonde. Michel Winock parle à son propos d'un "antidreyfusisme institutionnel" qu'il oppose à un "antidreyfusisme de coup d'État".

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le livre antisémite de Drumont, La France juive

C'ets ce dernier qui nous intéresse ici. À la base, jouant le rôle de dénominateur commun à ses différentes composantes, on trouve l'antisémitisme, en plein essor en France, comme le révèle le succès de La France juive [1886] de Drumont, élu d'ailleurs député au moment où éclate l'Affaire, en 1898. La haine du juif associe les nationalistes héritiers de 1789, comme Déroulède ou Barrès, à ceux héritiers de la contre-révolution comme Maurras, et fait passer définitivement le nationalisme à droite : la sauvegarde de la nation passe par le respect de l'armée nécessaire à sa défense, mais aussi par l'instauration d'un pouvoir fort, seul capable de surmonter les divisions qui affaiblissent le pays. Mais c'est aussi parce qu'il se teinte d'antisémitisme que ce nationalisme reçoit le renfort de la très grande majorité des catholiques et des monarchistes, à l'imitation du duc d'orléans, qui retrouvent le moyen de reprendre le combat contre la République, interrompu par l'échec du boulangisme. Tout contribue donc à faire de ce nationalisme antidreyfusard la "droite révolutionnaire", nationaliste, antisémite et activiste dont Zeev Sternhell s'est fait l'historien.

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dessin de Caran d’Ache publié par Le Figaro le 14 février 1899

La première moitié de l'année 1899 est marquée par une agitation constante des nationalistes, qui tentent à plusieurs reprises de renverser par la force les institutions républicaines, sans d'ailleurs que leurs objectifs soient clairement précisés quant à la forme du gouvernement de substitution. Cette atmosphère de coup d'État finit par déclencher un réflexe de Défense républicaine, alors que Waldeck-Rousseau devient président du Conseil. Celui-ci décide d'accélérer la "républicanisation" du pays, à la fois en remplaçant les cadres militaires les plus compromis dans les aventures nationalistes et en relançant la question religieuse, par le vote de la loi de 1901 sur les associations, dont le titre III soumet à autorisation les congrégations religieuses. Le point d'aboutissement de cette politique fut la séparation de l'Église et de l'État [en 1905].

 

WaldeckRousseau1899
Pierre Waldeck-Rousseau en 1899

Ainsi, parce qu'ils n'avaient pas pu saisir l'opportunité de Ralliement, parce qu'ils s'étaient encore une fois associés à l'occasion de l'Affaire Dreyfus à la droite la plus extrémiste, celle qui se donnait pour but de renverser la République, les catholiques avaient pris la responsabilité de leur maintien à l'écart des devants de la scène parlementaire.

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Jean Jaurès, 1859-1914

Pour la raison inverse, sous l'impulsion personnelle il est vrai de Jaurès, alors que Jules Guesde traînait les pieds, lui qui s'obstinait à voir dans l'Affaire une querelle entre bourgeois et que le syndicalisme révolutionnaire refuse de le suivre sur cette voie, le socialisme se retrouve dans le camp des défenseurs de la République, trente ans après la Commune.

La gauche n'avait cependant pas encore assez d'atouts pour prétendre à l'alternance, alors que la droite, en finissant par accepter le jeu républicain, comme le relève le succès grandissant de partis comme l'Alliance démocratique, n'avait pas encore renoncé à détenir un jour à nouveau a direction de l'État. C'est finalement un événement extérieur, l'éclatement de la guerre mondiale, qui devait permettre, par les bouleversements et les reclassements qu'il allait entraîner, la pratique d'une véritable alternance, entre une droite nationaliste ralliée et la gauche radicale et socialiste.

 

 

Patrick Lagoueyte, La vie politique en France au XIXe siècle,
éd. Ophrys, 1990, p. 43-45.



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Commentaires
C
Chers collègues, <br /> <br /> Je vois que vous citez mon article sur Boulanger. Mais le lien a changé : <br /> <br /> http://musee.sitemestre.fr/6001/html/histoire/histoire_boulanger_republique.html<br /> <br /> (Mon site n'est plus actif mais est entré au "musée" de mon fournisseur d'accès et est donc consultable par ce biais).<br /> <br /> J'en profite pour vous signaler mon dernier ouvrage :<br /> <br /> http://www.cnrseditions.fr/histoire/7077-la-deuxieme-republique-et-le-second-empire.html<br /> <br /> Avec l'expression de ma cordiale considération.
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