Les 51 anciens élèves de l'École pratique de Saint-Chamond, morts pour la France
Marius FARA
mort pour la France
Marius Joannès Fara est né le 23 juin 1881 à Saint-Julien-en-Jarez. Son père se prénommait Antoine et sa mère avait pour nom Jenny Hélène Raymond. Il était marié, avait deux enfants. Sa profession était employé de banque et il résidait au 10, rue de la Corre, puis au 2, rue Pasteur.
recensement et service militaire avant 1914
Lors de son recensement, on le décrivit avec des cheveux et sourcils châtains clairs, des yeux bleus, un front rond, un nez moyen, une bouche moyenne, un menton rond, un visale ovale. Il mesurait 1m70.
À cette date, 1901, il avait été dispensé au titre d'enfant unique d'une mère veuve.
Marius Joannès Fara a tout de même effectué son service militaire entre le 14 novembre 1902 et le 20 septembre 1903. À cette date, il fut envoyé en congé avec un "certificat de bonne conduite". Il a, plus tard, effectué deux périodes d'exercices dans le 38e régiment d'Infanterie : entre le 24 août et le 20 septembre 1908 ; et entre le 29 mai et le 14 juin 1911.
Marius Fara (1881-1914), à l'âge de 20 ou 21 ans
le mariage de Marius Fara et de Anne-Marie Abel ("Jeanne"), le 13 juin 1906
Marius Joannès Fara en 1914
Le registre matricule mentionne qu'il fut rappelé à l'activité par l'ordre de mobilisation du 1er août 1914 (publié au J.O. le 2 août), qu'il est arrivé dans son régiment, le 38e d'Infanterie, le 12 août comme soldat de 2e classe.
En fait, son unité n'était pas le 38e mais le 238e R.I. : ce dernier est issu du premier et constituait un régiment de réserve.
Marius Joannès Fara appartenait à la 25e Compagnie du 238e régiment d'Infanterie. Il est mort le 25 septembre 1914 à Port Fontenoy dans l'Aisne. Un autre ancien élève, Joannès Bador, est mort, lui aussi, au même endroit deux jours plus tôt, le 23 septembre.
Un site internet propose des photos de soldats du 238e Régiment, antérieures à septembre 1915 (date de la mort du sergent Célestin Giraud dont la famille a conservé les clichés). Peut-être Marius Joannès Fara et Joannès Bador y figurent-ils, même si leur décès est précoce ?
les lieux de sa mort
Port-Fontenoy, Maison Hauvette
Le Port-Fontenoy dans le département de l'Aisne
Fontenoy, le port et la passerelle : l'Aisne dévastée
Fontenoy, le Port ; écrit et signé : "Campagne 1914-1915"
le témoignage de sa petite-fille
Marius Fara avait épousé en 1906 Jeanne (Anne-Marie à l'état civil) Abel, fille de Jean Abel entrepreneur de charpenterie à Saint-Chamond.
Il était employé à la Banque Raverot.
Son père Antoine était, en 1870, employé aux "forges aciéries". Sa mère, Jenny Hélène Raymond, était issue d'une famille de maîtres passementiers saint-chamonais, métier abandonné par le père de celle-ci qui est en 1870 employé aux Forges d'Onzain.
Antoine Fara était décédé en 1899 et Marius vivait avec sa mère (il était leur unique enfant) au 11 rue de la Corre. Sans doute est-ce à cette adresse qu'elle exerçait depuis son veuvage l'activité de débitante de boissons. Jenny Hélène Raymond est morte en avril 1906, un mois avant le mariage de Marius.
Saint-Chamond, coteau de Lavieu
Le jeune couple s'est installé Côte de Lavieu (Maison Fayard) où sont nés leurs deux enfants : Jean en septembre 1907 et Alice, ma mère, en novembre 1911.
Ma grand-mère m'a souvent raconté qu'en août 1914, sur le quai de la gare de Saint-Chamond, la petite Alice qui n'avait pas 3 ans s'accrochait à son père en disant "ne pars pas, mon Papa, ne pars pas". Elle ne l'a jamais revu.
Je peux expliquer pourquoi, quoique exempté, il a néanmoins accompli une année de service militaire. Le service militaire est alors régi par la loi Cissey (1872) complétée par la loi Freycinet (1889). La loi Cissey a supprimé la possibilité de remplacement tout en maintenant le tirage au sort. Les "bons numéros" devaient néanmoins accomplir une année de service. Cette loi prévoit aussi des cas de dispense, en particulier pour les soutiens de famille, et spécifiquement les fils uniques de veuves, ce qui était le cas de Marius Fara : ces "exemptés" devaient, comme les bons numéros, un an de service.
Nous n'avons jamais su où était enterré mon grand-père et son nom n'est pas dans le fichier des sépultures militaires, c'est un "soldat inconnu".
La date même de son décès n'est pas certaine comme on le voit sur sa fiche matricule, elle a officiellement été fixée par le jugement intervenu seulement en 1917. Jusque là il était "disparu", pour la plus grande angoisse de sa famille.
Quand elle l'a appris, ma grand-mère a dit "s'il a perdu ses lorgnons, il sera allé n'importe où", s'accrochant à cet espoir car il était très myope.
Vous remarquez qu'il est mort au même endroit et à peu près en même temps que Joannès Bador. J'ajoute qu'ils étaient peut-être cousins. Je me souviens en effet que, lorsque j'allais à Saint-Chamond avec ma grand-mère nous rendions visite à une cousine de mon grand-père nommée Jeanne Bador.
Notre famille fut durement éprouvée puisque le 14 novembre 1914, le beau-frère de ma grand-mère, Henri Abélard, était à son tour tué en Belgique : les deux soeurs étaient veuves, elles avaient 33 et 30 ans et étaient mères de famille.
On vivait à l'aise dans ces familles de petite bourgeoisie et les femmes ne travaillaient pas. Mais le salaire du mari était la seule ressource. Ces jeunes femmes qui n'avaient appris qu'à tenir une maison, recevoir et broder (magnifiquement) la lingerie durent chercher un emploi.
Les Forges et Aciéries de la Marine embauchaient : il fallait fournir l'armée alors qu'une bonne partie de leur personnel était au front. Nombre de ces veuves de guerre se retrouvèrent dans les ateliers à graisser les machines.
ouvrières aux Aciéries de la Marine à Saint-Chamond
Ma grand-mère, elle, avait jusqu'à son mariage (tardif, à 27 ans), assuré l'administration de l'entreprise de son père. Elle savait rédiger une correspondance commerciale, établir des factures et avait des notions de comptabilité, grâce à quoi elle fut prise dans les bureaux. Quand elle en parlait, elle disait "J'ai eu de la chance". Mais il lui a fallu élever seule ses enfants, et ce fut difficile.
Les veuves étaient si nombreuses que la pension qui leur était servie ne pouvait être très élevée. À la fin de sa vie ma grand-mère n'avait que cette pension et, si elle n'avait pas vécu avec nous, sa vie aurait été bien misérable (elle avait économisé sou à sou toute sa vie, réalisé ce qui lui est venu par héritage et, pour assurer ses vieux jours, placé le tout chez ce bon Monsieur Stavisky... elle a tout perdu).
Éliane Carouge
janvier 2015
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