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Profs d'Histoire lycée Claude Lebois
7 avril 2016

Morts pour la France (chap. I), École pratique de Saint-Chamond : enquête sur une plaque commémorative

Montdidier 1918

 

chapitre I

 

plan

Présentation

I - enquête sur une plaque commémorative

     1) photo et description stylistique

     2) l'emplacement initial de la plaque commémorative

     3) la plaque du souvenir dressée dans le nouveau lycée

     4) le graveur Maurice Bourdier

     5) une image de la plaque en 1936

     6) la commémoration du cinquantenaire de l'École en 1929

     7) des témoignages contradictoires

     8) quand la plaque a-t-elle été installée sur le site de l'actuel lycée

II - qui furent ces élèves et professeurs "morts pour la France" ?

     1) liste nominative gravée sur la plaque

     2) photos des anciens élèves de l'École Pratique (1936)

     3) fiches individuelles des 4 "maitres"

     4) fiches individuelles des 51 élèves

     5) statistiques :

        A) données démographiques sur les 51 élèves
        B) quelles ont été les années les plus meurtrières ?
        C) quelles ont été les unités (régiments) ?

III - transmettre la mémoire et perpétuer le patrimoine à Saint-Chamond

     1) pour une politique de patrimonialisation du cimetière

     2) le cas de la tombe de Pierre Frécon

        - lettre au Maire de Saint-Chamond (4 février 2014
        - réponse de la Mairie (13 mars 2014)
        - commentaire

 

 

I - enquête sur une plaque commémorative

rédaction provisoire

 

1) photo et description stylistique

 

27012159-1
les noms gravés sur la plaque

 - lycée Claude Lebois, Saint-Chamond (Loire) : plaque commémorative des "maîtres" et "élèves" de l'École Pratique "morts pour la France" durant la Première Guerre mondiale (1914-1918) et mention des victimes de la Deuxième Guerre (1939-1945) par l'association des Anciens élèves de l'école Claude Lebois.

 

Diapositive1
une plaque de marbre gravée ; légende stylistique

 

recherche : 2008

 

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2) l'emplacement initial de la plaque commémorative

 

- J'ai appris aujourd'hui (2 décembre 2013), grâce à l'archiviste Samuel Bouteille, où était apposée la plaque avant qu'elle n'arrive au lycée : sur les murs de l'ancienne École Pratique d'industrie, puis Collège Claude Lebois, juste à droite de l'actuelle entrée des Archives municipales, dans la cour intérieure de la Mairie (ancien cloître).

emplacement de la plaque mur mairie
juste à l'entrée droite du cloître (actuelle cour intérieure de la Mairie) quand on vient du Jardin public

 

emplacement de la plaque mur mairie (2)
entre les deux obus, on devine l'emplacement de la stèle

 

En respectant les proportions, la plaque occupait cet espace dans son emplacement initial :

plaque montage janvier 2014

- montage réalisé le 9 janvier 2014.

 

La plaque devait comporter, dans sa partie inférieure, une palme comme on peut en voir sur d'autres plaques commémoratives. Cette palme fut, sans doute, retirée, après la Libération, afin de faire graver l'évocation des victimes de 1939-1945.

 

Parné-sur-Roc (53) plaque avec palme
plaque de Parné-sur-Roc, en Mayenne (source)

 

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3) la plaque du souvenir dressée dans le nouveau lycée

- Je découvre aujourd'hui (3 décembre 2013) l'emplacement premier de la plaque, en mémoire des lycéens de Claude Lebois "morts pour la France", sur le site du nouveau lycée (1961) : carte postale en couleurs ci-dessous.

En recueillant le témoignage de l'actuel gardien, Gilles Samard (17 décembre 2013), lui-même ancien élève de l'établissement, j'apprends que :
- la date à laquelle le lycée a été victime d'un incendie est 1994 ;
- le bâtiment de l'administration, visible ici au premier plan, avait les mêmes dimensions qu'aujourd'hui (la photo ne le laisse pas voir de manière évidente...). Donc la plaque était élevée à l'endroit où les élèves passent aujourd'hui sous le porche pour accéder à la cour ;
- longtemps, le 11 novembre, le lycée a été ouvert le matin pour la cérémonie de dépôt de gerbe devant la plaque. Ce fait m'a été confirmé (19 décembre 2013) par Mme Simone Malosse, ancienne responsable de la Société des Anciens élèves du lycée d'État Claude Lebois ; dont j'ai découvert ce jour un dossier de demande subvention à la Mairie, datant de 1998.

lycée Claude Lebois années 1960_70
les bâtiments du lycée Claude avant l'incendie de 1994

 

Diapositive1

 

 - Elle était plus visible, et plus lisible, à l'époque qu'aujourd'hui. On devrait peut-être songer à la réinstaller dans la cour pour qu'elle soit plus présente à l'esprit des lycéens. Ce serait un bel hommage à l'occasion du centenaire des années 1914-1918.

- 27 décembre 2013, rencontre, à la bibliothèque de Saint-Chamond, avec Christian Peyrard, ancien professeur d'EPS à la retraite depuis 2002. Il témoigne que le proviseur, Roger Moisy (1996-2001 ; nommé ensuite dans un lycée marseillais) souhaitait jeter la plaque commémorative...! Finalement, elle fut reléguée sur un mur de la maison du gardien, devenant quasiment invisible.

Mme Yvette Bonnet, ancienne du C.D.I. du lycée, témoigne pour sa part que la plaque était déjà installée au lycée en 1964-1965.

 

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Indi aux archives 9 déc 2013 (2)

 

4) le graveur Maurice Bourdier

L'auteur de la plaque du souvenir est Maurice Bourdier, dont "l'atelier de sculpture et marbrerie" existait dans les années 1920 et, sûrement, dès avant la Grande Guerre.

Comment le savons-nous ? D'abord, son nom figure au bas de sa réalisation : Bourdier M. Ensuite, les Archives municipales livrent des renseignements dans les cartons relatifs au Monument aux Morts du cimetière communal de Saint-Chamond et à l'École Pratique d'Industrie (ancêtre du lycée Claude Lebois).

On y découvre un courrier à entête de Maurice Bourdier, datée du 22 août 1922 (réf. 1 Msc 26).

Bourdier lettre (1)

 

Bourdier lettre (2)
la lettre à entête de Maurice Bourdier, graveur, 1922

 

données familiales sur le graveur Maurice Bourdier

On trouve aussi quelques informations sur Maurice Bourdier et sa famille dans le recensement des habitants de Saint-Chamond en 1911 (archives en ligne du département de la Loire).

Celui qui grava la plaque commémorative actuelle habitait rue Ventefol à Saint-Chamond, il était né en 1870 à Saint-Étienne ; son épouse se prénommait Virginie, née en 1876 dans la petite commune de Saugues [noté par erreur : Sauges] en Haute-Loire.
Ils avaient un fils, Marcel, né en 1897, à Saint-Étienne comme son père. Ce dernier nous apprend, dans sa lettre du 22 août 1922, que son fils a participé à la Première Guerre mondiale où il a été blessé deux fois et qu'il a reçu la Croix de Guerre.

Il est noté que Maurice Bourdier avait comme profession celle de marbrier et qu'il était patron.

 

Recensement Bourdier 1911 photo
recensement de Saint-Chamond en 1911, rue Ventefol

 

Dans le recensement de 1906, Maurice Bourdier est indiqué comme domicilié rue Ventefol à Saint-Chamond. Sa date de naissance est notée 1871 et non 1870 comme cinq ans plus tard (?). Aucun autre Bourdier n'est enregistré... mais son épouse est notée à la ligne suivante sous son nom de jeune fille : Chades Virginie.

Bourdier 1906 photo
Recensement de 1906, huitième ligne en partant du haut

 

La consultation de trois annuaires professionnels anciens recensant les commerces et industries du département livre les données suivantes.
Celui de 1924 inscrit : Bourdier, rue Ventefol (à Saint-Chamond, bien sûr), sous la rubrique "Monuments funéraires (entreprises de).
Celui de 1946 indique : Bourdier Maurice, marbrier ; 3, rue Ventefol.
Par contre, celui de 1955-1956 ne connaît plus de Bourdier. Mais, à la même adresse (3, rue Ventefol), on trouve, dans la rubrique "marbrier", un Bonnet.
Donc Maurice Bourdier a, professionnellement, disparu entre 1946 et 1955.
Mais quand précisément ? Sa tombe, au cimetière de Saint-Chamond, nous l'apprend : en 1953, à l'âge de quatre-vingt-trois ans.

 

la stèle de Maurice Bourdier au cimetière de Saint-Chamond

stèle Bourdier cimetière St-Cham
photo prise le 2 février 2014

 

Cette stèle nous apprend :
a) que Maurice Bourdier est décédé en 1953 à l'âge de 83 ans (sa première épouse était Virgine née Chades, 1876-1958) ;
b) que son fils Marcel est mort avant lui, en 1947 à l'âge de 50 ans (son épouse était Madeleine [ou Marie ?] née Bur, 1893-1967).
La dernière mention à la mémoire de Barbara Bustos, 1915-2002 est énigmatique. S'agit-il d'une seconde épouse de Maurice Bourdier, né en 1870 ? Cela est peu vraisemblable...
C'est, probablement, Maurice Bourdier qui a gravé les lignes supplémentaires sur la plaque commémorative du lycée évoquant les victimes de 1939-1945.

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5) une image de la plaque en 1936...

Les archives conservent un dessin révélant, presque à la dérobée, la plaque dans son emplacement d'origine : la galerie du cloître devenue élément architectural de l'École Pratique d'Industrie (aujourd'hui cour intérieure de la Mairie). Ce dessin datant d'environ 1936 (réf. 4 Msc 13).

 

dessin 1936 plaque
projet de rénovation de l'École Pratique d'Industrie, env. 1936

 

Diapositive1

 

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6) la commémoration du cinquantenaire de l'École en 1929

 

avec la plaquette de 1929

Il est établi que la plaque commémorative dédiée aux élèves et professeurs morts en 1914-1918 existait dès les années 1920. Comme tous les monuments mémoriels relatifs à la guerre de 1914-1918.
En effet, à l'occasion du cinquantenaire de l'École Pratique, un hommage a été rendu à son fondateur, Claude Lebois, le 27 octobre 1929. Dans la plaquette éditée à cette occasion, il est fait mention de "l'hommage aux morts" rendu devant cette plaque et du dépôt d'une gerbe par le président de l'Association des Anciens élèves (arch. mun., 1 Rsc 20).

couv 1929

 

hommage aux morts 1929

 

- "Les personnes ayant pris part à la cérémonie se forment en cortège. Elles viennent se recueillir un instant devant la plaque  portant les noms des Professeurs et des Élèves Morts pour la France.
M. Parizot, Président de l'Association des Anciens Élèves, dépose des fleurs."

 

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7) des témoignages contradictoires...

Diapositive1
en fait, ce montage ne correspond pas à l'image de la plaque... (6 janvier 2014)


Au cours de cette enquête, des témoignages contradictoires, totalement incompatibles, ont été recueillis sur la date à laquelle la plaque, posée au début des années 1920, était encore visible.
L'ancien responsable des bâtiments de la Mairie (sollicité par l'archiviste municipal), en poste au début des années 1980, ne se souvient absolument pas d'avoir vu cette plaque. Samuel Bouteille, archiviste, affirme qu'elle n'était pas là en 2000, lors de son arrivée.
Par contre, deux employées de la Mairie, l'une à la retraite (entrée en 1973) et l'autre encore en activité (entrée en 1985), sont formelles : la plaque était toujours là à la fin des années 1980, voire au début des années 2000.
L'enquête continue... Tous les témoignages sont les bienvenus.

Gérard Ducarre
Gérard Ducarre

Le jeudi 19 décembre 2013, on a recueilli le témoignage téléphonique de Gérard Ducarre. Il a été Maire de Saint-Chamond de 1989 à 2008, c'est-à-dire pendant trois mandatures.

Bien qu'ancien élève de l'École Pratique d'Industrie, il ne se souvient pas de la plaque commémorative sous la première arcade du cloître (cour intérieure de la Mairie) à l'époque où il exerçait ses reponsabilités.

Premier édile de la ville, il entrait, la plupart du temps, par la façade principale de la Mairie. Cependant, il se rappelle s'être souvent demandé ce que signifiaient ces deux obus de part et d'autre de la base de cette arcade.

Mais il est formel sur un point : il n'y a jamais eu de délibération en Conseil municipal au sujet d'un éventuel retrait de cette plaque. Attaché à la mémoire des combats pour la France et des victimes qui ont donné leur vie pour elle, il aurait gardé mémoire d'une telle initiative.

Cela voudrait dire que la plaque aurait été retirée avant 1989. Ce qui est contradictoire avec d'autres témoignages... Mais, à force de croiser les déclarations et indices, il ressort que l'ancien maire avait raison...

 

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8) quand la deuxième plaque a-t-elle été installée sur le site de l'actuel

lycée Claude Lebois ?

Ce que j'ai découvert, c'est une démarche datant de 1966 évoquant le transfert de la plaque initiale. Le syndicat intercommunal qui a pris en charge le financement du nouveau lycée, avant les lois de décentralisation confiant ces établissements à la Région, a déposé aux Archives les PV de ses réunions.
À la date du 1er octobre 1966, il est question d'une demande de subvention adressée par l'Association des Anciens élèves du Collège Claude Lebois, à titre de participation "aux frais de transport, dans le nouvel établissement, de la plaque commémorative érigée dans l'Ancien Collège, à la mémoire des professeurs et élèves morts au champ d'Honneur". Coût total pour l'Association : 3 000 francs.
Cette demande reçoit une réponse favorable à hauteur de 1 500 francs. Approuvée par le Préfet le 25 novembre 1966.

Synd inter 1 oct 1966 (1)
archives communales Saint-Chamond, 1 S 2

Synd inter 1 oct 1966 (2)
archives communales Saint-Chamond, 1 S 2

 

Un autre registre, archivé, livre la même information.

1 S 1 pv 1966 (1)
archives communales Saint-Chamond, 1 S 1

 

1 S 1 pv 1966 (2)
archives communales Saint-Chamond, 1 S 1

 

1 S 1 pv 1966 (3)
archives communales Saint-Chamond, 1 S 1

 

À ce jour, on ignore les suites de cette démarche. Quel usage a été fait de cette subvention accordée à l'Association des Anciens élèves en octobre 1966 ? L'enquête se poursuit.

mars 2014
enquête : Michel Renard
professeur d'Histoire au lycée
collaboration : Kim Lekhal
assistante de recherche
remerciements à Samuel Bouteille
archiviste municipal

 

- retour à l'accueil

 

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