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Profs d'Histoire lycée Claude Lebois
13 novembre 2011

...et la France ? n'est-elle plus un "territoire" de proximité ?

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Mais où est donc passée la France ?

Rémy KNAFOU


Mis en oeuvre à partir de cette rentrée scolaire [2011], les nouveaux programmes de géographie de la classe de 1re ont été publiés dans l'indifférence générale, alors même qu'il s'agit d'un enjeu d'importance majeure pour la formation des jeunes Français et l'idée que nous pouvons nous faire de la France, de la République, de son territoire et de la société qui l'habite. On sait pourtant, ou on devrait le savoir, que l'enseignement de l'histoire et la géographie de la France a joué et joue encore un rôle important dans la manière dont se forge notre identité nationale.

Une identité ouverte, évolutive mais qui ne doit pas pour autant dépendre de l'air du temps interprété par un quarteron d'inspecteurs généraux de l'éducation nationale peu ou mal encadrés par ceux dont la responsabilité est de veiller à l'adéquation entre le contenu des programmes scolaires et l'idée qu'une collectivité souhaite se faire d'elle-même.

La «géographie de la France» n'est plus depuis longtemps celle d'un espace dont le mont Blanc est le point culminant et où la Loire prend sa source au mont Gerbier des Joncs, mais l'analyse raisonnée d'un territoire national produit, entretenu et renouvelé par une société qui elle-même s'est densifiée et transformée.

Autrement dit, la géographie de la France ne peut prétendre être uniquement un savoir positif et objectif ; elle est aussi pour partie - mais une partie politiquement déterminante - une idée que nous souhaitons collectivement proposer à nous-mêmes et aux jeunes que nous avons la charge de former.

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Or, à lire les nouveaux programmes de géographie de 1re, on reste pantois devant l'élision du niveau national : l'entité «France», celle de la République française, a purement et simplement disparu au profit de deux autres niveaux : le niveau européen, d'un côté, et celui des territoires qui composent la France, de l'autre, la part belle étant faite aux «territoires de proximité».

Il est permis de penser que la France ne se résume pas uniquement à l'addition ou à la juxtaposition des territoires qui la composent et que si, effectivement, on peut observer un recul du niveau national - l'État lui-même ayant transféré plusieurs de ses compétences ou prérogatives à des niveaux inférieurs ou à celui de l'Union européenne -, ce niveau existe toujours et constitue une partie importante du ciment qui lie une société. Le constat mérite d'être fait sans qu'on passe automatiquement pour un souverainiste.

À tout le moins, cet effacement aurait mérité un véritable débat politique et démocratique, car assurément, la question de l'identité nationale appelait une réflexion collective et non un médiocre travail d'experts sans vision générale et enfermés dans des enjeux disciplinaires de nature secondaire.

Quant à la consultation des enseignants qui a suivi, faite dans des délais anormalement limités, elle n'a été qu'un simulacre, ce qui en dit long sur l'idée que ceux qui nous gouvernent se font des professeurs : des intermédiaires, sortes d'opérateurs-relais, chargés de faire passer une vision très discutable de la géographie comme de l'histoire, et non des intellectuels pouvant avoir l'ambition de penser leur discipline, au contact qu'ils sont de la réalité sociale que constituent les élèves d'aujourd'hui et leurs familles.

Au-delà de la question de l'infaisabilité du nouveau programme d'histoire, cette indifférence de la hiérarchie au considérable potentiel que constitue le corps des professeurs d'histoire-géographie est probablement pour beaucoup dans le malaise qui alimente une fronde montante contre une réforme certes ambitieuse, mais mal pensée, sans appréciation des enjeux réels, et conduite avec une précipitation excessive.

On peut défendre l'idée qu'il est nullement incompatible de se sentir européen, de vivre dans des régions bien vivantes, de s'intéresser à son ou ses territoires de proximité et de penser que le niveau national signifie encore quelque chose, ne serait-ce qu'une certaine manière de vivre ensemble, qui ne ressemble pas tout à fait à celle des Allemands, des Britanniques, des Espagnols ou des Luxembourgeois.

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Et que ce vivre-ensemble ne peut se résumer au seul portage de la dette publique accumulée par un État de plus en plus empêtré dans ses contradictions et impuissant au point de payer des fonctionnaires littéralement irresponsables pour rédiger en toute bonne conscience l'acte de décès par omission de l'entité nationale.

Bref, ce nouveau programme de géographie de la classe de 1re est très représentatif d'une certaine désorientation collective et exemplaire de tout ce qu'il ne faut pas faire : une carence préoccupante d'interrogation sur l'objectif fondamental de formation des citoyens ; une absence inquiétante de mise en débat d'une question aussi importante ; une prise de pouvoir de la discipline au détriment de l'intérêt de la formation des jeunes : s'il est normal que les programmes scolaires s'appuient sur les avancées de la science, ils ne doivent pas pour autant devenir des béquilles pour les disciplines en mal d'affirmation.

Si l'école n'enseigne pas l'idée républicaine en lien avec un territoire, une société et son histoire, qui le fera ? La France est-elle devenue un niveau si obsolète que l'Éducation nationale en arrive à le passer par pertes et profits ? On ne peut que souhaiter que les politiques se saisissent, même tardivement, d'un enjeu au moins aussi important que la plupart des questions qui agitent la scène politique française depuis plusieurs mois. Mais il s'agit, il est vrai, d'un enjeu de long terme et l'on sait que la France contemporaine éprouve une difficulté croissante à se penser positivement dans la longue durée.

En cédant, en histoire à la tyrannie contemporaine de la mémoire et en géographie à la démagogie territoriale de la quotidienneté et de la proximité qui conduit à consacrer chaque individu comme centre du monde, les nouveaux programmes de la classe de 1re illustrent cruellement l'impuissance de nos «experts» à penser cette version française de la démocratie que l'on appelle République.

Rémy Knafou
professeur émérite de géographie à l'université Paris-I-Panthéon-Sorbonne
Le Monde
, 5 octobre 2011

 

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12 novembre 2011

1 000 milliards de dollars d'aide à l’Afrique... Pour quel résultat ?

 Dambisa-Moyo

 

 

l'aide à l'Afrique est un échec

 Dambisa MOYO

 

Dans L’aide fatale, dont la traduction française est parue le 16 septembre 2009 aux éditions J.C. Lattès, un livre provocateur et implacablement documenté, Dambisa Moyo développe l’idée que l’aide à l’Afrique est en partie responsable des problèmes de développement du continent.

Elle affirme que l’assistance financière a été et continue d’être pour une grande partie du monde en développement un total désastre sur le plan économique, politique et humanitaire. Entre 1970 et 1988, quand le flux de l’aide à l’Afrique était à son maximum, le taux de pauvreté des populations s’est accru de façon stupéfiante : il est passé de 11% à 66%. Pourquoi ?

Adressée directement aux gouvernements, l’aide est facile à subtiliser, elle encourage la corruption à grande échelle et fragilise le pouvoir, objet des plus vives convoitises. Plus grave encore, l’aide sape l’épargne, les investissements locaux, la mise en place d’un vrai système bancaire et l’esprit d’entreprise. Dambisa Moyo propose une série de mesures souvent assez radicales pour sortir de cette spirale. On comprend pourquoi son livre a suscité de si vives réactions et débats au Nord comme au Sud et au cœur des institutions financières nationales et internationales.

Dambisa Moyo, diplômée en économie de Harvard et d’Oxford, a travaillé à la Banque mondiale et chez Goldman Sachs. Le site "la tribune.fr" a interviewé cette scientifique d’origine zambienne classée par le magazine Time parmi les cent personnalités les plus influentes du monde en 2008. Nous reproduisons ici cet interview. [l'Observatoire du Sahara et du Sahel]

 

Dans votre livre, vous défendez l’idée que l'aide à l'Afrique est en partie responsable des problèmes de développement. Pourtant, le plan Marshall a été très efficace pour relever l’Europe de la Seconde guerre mondiale...

Le plan Marshall était différent de l’aide accordée depuis près de cinq décennies à l’Afrique. Ce plan de 100 milliards de dollars était très ciblé et portait sur une période de cinq ans. En Afrique, il n’est pas question de sortir de l’aide qui est perçue comme une ressource permanente par les Etats récipiendaires. Cela permet à de nombreux gouvernements africains d’abdiquer leurs responsabilités puisqu’ils savent que d’autres financeront l’éducation, la santé ou les infrastructures nécessaires au décollage économique de leur pays.

 

Pourquoi l’aide ne marche pas ?

Au cours des cinquante dernières années, les pays riches ont déversé 1 000 milliards de dollars d'aide à l’Afrique. Pour quel résultat ? La croissance est moins forte et la pauvreté n’a cessé de grimper. Aujourd’hui, plus des deux tiers des Africains vivent avec moins d’un dollar par jour. L’aide des grands bailleurs de fonds, qu’il s’agisse de la Banque mondiale, des agences de développement ou encore de l’aide bilatérale, nourrit la corruption, alimente l’inflation, mine les services publics.

Aux États-Unis, un slogan affirme qu’il ne peut pas y avoir d’impôts sans représentation. En Afrique, c’est l'inverse. Les populations ne sont pas représentées car elles ne payent pas d’impôt. Nicolas Sarkozy se soucie de savoir ce que les Français veulent car il sait que l’action de gouvernement dépend de sa capacité à lever l’impôt. Les pays africains dépendant de l’aide n’ont pas à s’inquiéter de ce que souhaite véritablement la population puisque leurs ressources dépendent d’impôts levés à l’étranger.

 

Selon vous, la démocratie n’est pas indispensable au décollage économique, un dictateur éclairé serait parfois préférable...

Les parcours de la Chine, de Singapour ou encore du Chili illustrent le fait que la démocratie n’est pas un préalable au développement économique. Pas question pour moi de faire l’apologie de la dictature ou des régimes autoritaires. Mais la démocratie est un régime politique qui ne peut que se développer qu’avec l'émergence d’une classe moyenne en position de demander des comptes au pouvoir. Les pays occidentaux ont d’ailleurs pris acte de l’échec de la démocratie dans de nombreux pays africains. Au Kenya ou au Zimbabwe, la communauté internationale s’est efforcée de rapprocher la majorité et l’opposition pour qu’ils exercent le pouvoir ensemble. Il n’y a plus aujourd'hui d’opposition au Zimbabwe.

 

Que faire ?

L’aide des pays riches n’a jamais permis de sortir un pays de la pauvreté. Elle est un obstacle au développement car elle constitue une rente au même titre que le pétrole ou d’autres matières premières. C’est une incitation à ne rien faire pour améliorer l’environnement économique. Regardez le rapport annuel de la Banque Mondiale, ‘‘Doing Busines’’. Année après année, il montre que c’est en Afrique que l’environnement des affaires est le plus compliqué. Aussi longtemps que ces pays recevront de l’aide, ils n’ont aucune incitation à mettre en œuvre les réformes nécessaires.

 

Ne peut-on pas expliquer les difficultés du continent par la période coloniale ?

Combien de temps faudra-t-il attendre pour ne plus recourir à cette explication ? Cent ans ? Cela n’a rien à voir. La Chine, l’Inde, l’Indonésie ont été colonisés. Cela ne les empêche pas de se développer rapidement aujourd’hui.

 

Si l’aide est un échec, pourquoi les pays riches continuent de déverser autant d’argent en Afrique ?

Il faut souligner le poids des valeurs religieuses imprégnant le champ politique. Il y a comme un impératif moral pour les pays riches à aider les pays pauvres. Or, c’est une erreur de penser que le seul moyen d’aider l’Afrique est de l’assister financièrement. Les économies africaines tireraient un bien meilleur avantage d’une ouverture du marché européen à ses produits, notamment agricoles. Mais pour cela, il faudrait revoir la politique agricole commune (Pac) ; ce qui aurait pour conséquence de mettre les agriculteurs dans la rue et un grand nombre d’entre eux au chômage.

 

Que proposez-vous ?

Nous disposons de trois siècles d’expérience en matière de développement économique. Nous savons désormais ce qui marche et ce qui ne marche pas. La question qui se pose aujourd’hui est comment pousser les gouvernements africains à mettre en place les bonnes politiques. Il faut donc les préparer à la fin de l’aide. Les pays riches pourraient leur proposer un doublement de l’aide pendant dix ans avant d’y mettre un terme. Cela serait plus efficace que la perspective d’une aide permanente.

 

La Chine est de plus en plus présente en Afrique. Est-ce une bonne ou une mauvaise chose ?

Elle n’est pas en Afrique par charité mais pour y faire des affaires. Les Chinois ne donnent pas leur argent sans retour. Ils y sont pour les ressources naturelles qu’il s'agisse du pétrole, du cuivre ou des terres arables. Mais les investissements chinois se diversifient très rapidement vers d’autres secteurs comme la banque. Les Africains ont besoin de travail. Est-ce que l’aide des pays riches a permis de créer les emplois dont les jeunes en particulier ont besoin ? La réponse est clairement non ! Les entreprises chinoises viennent parfois avec leurs propres salariés, mais elles ont contribué à créer de nombreux emplois. Une enquête réalisée par l’Institut Pew dans dix pays africains révèle que la Chine dispose d’une très bonne image en Afrique. Au Sénégal et au Kenya, par exemple, neuf personnes sur dix estiment qu’elle a une influence positive sur leur économie.

 

L’aide fatale, de Dambisa Moyo, éditions JC Lattès, Paris, septembre 2009, 280 pages.

Source : latribune.fr

http://www.oss-online.org/index.php?option=com_content&task=view&id=947&Itemid=664

 

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commentaires sur le livre

 

- http://www.unmondelibre.org/Vuillemey_Moyo_aide_FR_240909

- une critique politique de Dambisa Moyo : http://enjodi.blog.lemonde.fr/2009/08/24/aide-a-lafrique-moins-de-dambisa-plus-daminata/

 

 

 

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