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Profs d'Histoire lycée Claude Lebois

7 octobre 2012

le temple du Parthénon

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le Parthénon

 

- notions d'architecture

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vocabulaire de l’architecture d’un temps grec - plan type

 

Verticalement, un temple comprend quatre parties distinctes : le podium, la colonne, l'entablement, le toit et le fronton.

Les colonnes peuvent être : à fût monolithe (d'une seule pierre), à fût à tambours (plusieurs tronçons), à fût crénelé.

Une colonne comporte : une base (sauf les colonnes doriques), un fût, un chapiteau.


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le Parthénon reconstitué par le dessin

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une partie de l'ensemble des édifices de l'Acropole

 

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les illusions d'optique

Les anciens Grecs avaient connaissance des illusions d'optique et maîtrisaient les savoirs mathématiques, géométriques et architecturaux pour édifier un bâtiment donnant l'impression d'être droit alors qu'aucune ligne de sa structure ne l'était...!
Le Parthénon ne comporte aucune ligne droite, aucun angle droit et chaque élément (il y en a des centaines de milliers) est unique et ne peut être interchangeable.

 

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1. Le temple tel que nous le voyons.

2. Le temple tel que nous le verrions s'il était construit avec des lignes droites.

3. Le temple tel qu'il est construit pour que nous ne voyons que des lignes droites.

 

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le temple du Parthénon vers 1870

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Adolphe Braun (1811-1877), Athènes, Le Parthénon, vers 1870

 

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les secrets du Parthénon (doculentaire de Gary Glassman, Arte, 2008)

 

Le documentaire Les secrets du Parthénon.. passionnant...!

- http://www.dailymotion.com/video/xl2t73_les-secrets-du-parthenon-1-2_webcam

- http://www.dailymotion.com/video/xl2sso_les-secrets-du-parthenon-2-2_webcam

 

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liens

- voir aussi : http://profshistoirelcl.canalblog.com/archives/2008/10/04/10831032.html

 

 

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3 octobre 2012

"Bel Ami", roman et film

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Littérature et société

Bel Ami, roman de Guy de Maupassant (1885)

et film de Philippe Triboit (2005)

 

Pourour mes élèves de 2e7 ("Littérature et société", 2012-2013)... un sublimissime dialogue du film Bel Ami, qui ne ne figure pas dans le roman de Maupassant, mais qui révèle avec une force inouïe le cynisme des rapports sociaux et la dépendance des sentiments et des relations entre les êtres à leurs égards...
(entre 1 mn 30 et 4 mn 32) :
http://www.youtube.com/watch?v=YxwtHigS0Fk

Bel Ami, roman de Guy de Maupassant (1885) et film de Philippe Triboit (2005).
 

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Dialogues d’une scène du film qui ne figure pas dans le roman (après le duel dont Bel Ami sort blessé... dans le film) :

- Bel Ami : …et tous les faux-culs, derrière, qui m’encourageaient. Ah, ils doivent bien rigoler maintenant.
Quand je pense que je me suis sacrifié pour eux, Clotilde… J’ai risqué ma vie et c’est eux qui ramassent. Je crois que je préfère encore le désert.
- Clotilde de Marelle : C’est ça, maintenant que tu as fait le plus difficile, tu veux fuir comme un lâche… Tu es devenu un héros, tu as investi et tires-en les bénéfices.
- Bel Ami : Les bénéfices ? J’croirais les entendre, tiens ! … Il doit bien y avoir autre chose. Une vie plus simple. J’ai commencé ici, je peux recommencer ailleurs Clotilde… Divorce et pars avec moi. J’ai fait un papier sur une colonie de Français au Mexique, j’ai gardé des contacts là-bas …
- Clotilde : …mais tu dis n’importe quoi… Mais qu’est-ce que j’irais faire au Mexique ?
- Bel Ami : Là ou ailleurs, peu importe. Le monde est vaste. Du moment que je suis avec toi… regarde-moi…Est-ce que tu divorcerais pour moi ?
- Clotilde :  …mais là n’est pas la question. Pour l’instant, tu vois tout en noir, mais ça va se passer.
- Bel Ami : Je ne parle pas de cela. Est-ce que tu divorcerais pour moi ? Pour porter mon nom, arrêter de me voir ici comme une voleuse, on a rien volé, pourquoi faudrait se cacher ? Et puis, je pourrais élever Laurine, tu sais…
- Clotilde : ... hein, hein… en donnant des cours de cheval ?
-
Bel Ami : Et alors, il n’y a pas de honte !
- Clotilde : Mais non.. mais…
- Bel Ami : Ce matin, tu es venue dans la prairie parce que j’allais mourir… alors est-ce que tu vivrais avec moi ? [Clotilde détourne la tête] REGARDE-MOI !
- Clotilde : Avec ma fille, tu es ce que j’ai de plus cher au monde…
- Bel Ami : Alors, divorce et épouse-moi.
- Clotilde:: C’est ridicule… mais on va parler de cela maintenant ? T’es en vie, on est là tous les deux, c’est ça qui est important .
- Bel Ami : Clotilde !
 

Bel Ami tu veux vraiment que je te répondre
Clotilde de Marelle, maîtresse de Bel Ami


- Clotilde : Mais tu veux vraiment que je te réponde ?
- Bel Ami : [ne dit rien mais son visage attend une réponse]
- Clotilde :  J’te mentirai jamais… C’est ma façon à moi de t’aimer… Alors NON ! Je ne divorcerai pas… J’ai un nom, un rang, un mari, une fortune qui nous a bien aidé, je te le rappelle…, une vie agréable, une fille à élever… Tu critiques notre monde parce que t’en fais pas encore partie… hum, hum… Mais attends un peu quand t’auras pris leurs habitudes… Moi j’y suis née, j’my suis mariée, c’est dans ce monde-là que je t’aime, à ma manière… Bel Ami… il y a tant de rage en toi, et j’aime tellement le plaisir…
- Bel Ami :  Et comment tu peux m’parler de plaisir… C’est ma condition que tu me reproches !
 

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2 octobre 2012

symbolisme républicain à Saint-Chamond

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Parcours républicain à Saint-Chamond

 

En 1889, la municipalité de Saint-Martin-en-Coailleux fit ériger une statue commémorant le centenaire de la Révolution française, place de la Valette. Les quatre faces du socle comportent des inscriptions. Quelle en est la signification ?

 

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- réponse : Reprise d’une devise apparue, parmi d’autres, sous la Révolution française (Robespierre en décembre 1790), mentionnée ensuite dans la constitution républicaine de 1848 et finalement adoptée par la IIIe République par le décret n° 88 du 25 septembre 1870, qui reprend mot pour mot la décision de 1848, à propos du sceau de l'État.

 

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- réponse : L’interprétation est plus aléatoire. On peut formuler l’hypothèse qu’il s’agit de l’incident des coiffes. En effet, «à la séance du 5 mai, le roi s’étant couvert, et la noblesse après lui, le Tiers voulut en faire autant ; mais le roi, pour l’empêcher de prendre ainsi l’égalité avec la noblesse, aima mieux se découvrir», prétextant la chaleur (Michelet, Histoire de la Révolution française). Ou alors, on évoque les jours qui ont suivi au cours desquels le Tiers refusa la vérification par ordres : révolution juridique et politique qui conduisit à l’Assemblée nationale.

 

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- réponse : Les jours qui précèdent le 14 juillet inquiètent la population parisienne : rumeurs de complot aristocratique, renvoi du ministre Necker le 11 juillet dénoncé par Camille Desmoulins comme le «tocsin d’une Saint-Barthélemy des patriotes». Rassemblement des Gardes suisses favorables au roi La foule trouve des armes aux Invalides mais cherche de la poudre qu’elle sait entreposée à la Bastille. Après plusieurs délégations auprès du gouverneur de la Bastille, celle-ci se rend et les émeutiers s’emparent de la poudre et des balles au soir du 14 juillet.

 

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- réponse : Deux dates : 4 août 1789 et 4 août 1889. La première fait référence à la célèbre «nuit du 4 août» où furent abolis les privilèges des différents ordres et les droits seigneuriaux. L’insurrection paysanne (la «Grande Peur» de juillet) multipliait les révoltes dans les campagnes qui inquiétèrent l’Assemblée. Dans le vocabulaire de l’époque, on proclama : «l’Assemblée nationale détruit entièrement le régime féodal». Des siècles d’Ancien Régime vacillaient.
Le 4 août 1889 fut le jour d’inauguration du monument par le conseil municipal de Saint-Martin-en-Coailleux.

 

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qui est l'auteur de cette statue ?

- le sculpteur porte le nom de Mudry et le fondeur est Louis Gasné.

 

liens

- autres photos de la statue et renseignements sur son auteur, Louis Gasné

 

 

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28 septembre 2012

la place de l'Europe dans le peuplement de la Terre

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l'émigration italienne en Amérique (États-Unis),

XIXe et début XXe siècle

 

- travail sur un extrait du film de Francis Ford Coppola, Le Parrain II (1974).

 

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- Vito Andolini, devenu "Corleone" lors de l'enregistrement
à Ellis Island (Oreste Baldini) :

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Vito Andolini et sa mère lors de l'enterrement de son père, au cours duquel son frère trouve aussi la mort

 

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la mère de Vito qui enjoint son fils de fuir pour sauver sa vie

 

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Vito Andolini voyant sa mère assassinée

 

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sur le bateau arrivant à New York

 

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Vito regarde la Statue de la Liberté,
mais il est désormais sur le territoire américain

 

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Vito dans sa chambre pour trois mois d'isolement

 


- Vito Corleone, jeune, à New York (Rober de Niro) :

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Vito Corleone dans Little Italy à New York

 

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Viro Corleone prend possession du quartier

 

- Don Vito (Marlon Brando) :

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Vito Andolini, "Corleone", devenue "Don Vito

 

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"Je lui ferai une proposition qu'il ne pourra pas refuser"

 

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"Que veux-tu...?"

 

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Les Italiens aux États-Unis

Quelques informations pour l’enseignant à partir de la traduction de deux articles «Les causes de l’émigration italiennede masse» et «Italiens en Amérique» de Linda Magnusson, visible sur le site :
http://library.thinkquest.org/26786/en/articles/list.php3

Au départ la plupart des émigrants italiens sont venus d’Italie du nord, mais au fur et mesure des années, le sud devient le lieu d’origine de la plupart des immigrants. En 1871, 400 000 Italiens ont déjà émigré aux États-Unis. Dans les années 1870, on compte 20 000 Italiens par année. Mais à partir de 1888 l’émigration devient une émigration de masse. En 1891, 1,5 million d’Italiens vit à l’étranger. De 1906 à 1915, 2 millions arrivent aux États-Unis.

Les raisons de cette immigration de masse sont nombreuses : les conditions de vie étaient devenues difficiles en Italie entre 1870 et 1900, spécialement à la campagne. Les maladies et la famine ont été les causes principales de l’immigration. Le nord connaissait la «pellagre» et le sud «la malaria.»

75 % des budgets des paysans était consacré aux dépenses alimentaires Le système agraire en Italie était archaïque, et à partir des années 1880 l’agriculture italienne connut une crise grave. Peu d’Italiens avaient également le droit de vote. L’essor du transport maritime rendit le voyage plus facile.

Mais pour la plupart des émigrants, il fut difficile de s’assimiler. Ils rencontrèrent la haine et durent affronter de nombreux préjugés. Leur foi catholique les rendit impopulaire. On les disait paresseux, manquant d’intelligence, et ils étaient toujours assimilés à des personnes de classe inférieure. La plupart était illettrée.

Les Italiens amenèrent avec eux bien sur leurs langages et leurs coutumes, notamment dans la façon de trouver un travail.

En Italie, un homme ou «patron» trouvait du travail pour différent candidat en étant un entremetteur avec l’employeur avec lequel il négociait. Ce système fut importé aux États-Unis, enrichissant les «pedrones» jusqu’ à ce que les nouveaux arrivants puissent négocier eux-mêmes.

Petit à petit, ils parlèrent anglais sur le lieu du travail, à l’école et même à l’église, alors que le service aurait du se faire en latin. Mais l’Église catholique en Amérique était dominée alors par les Irlandais. Les Italiens organisèrent donc leur propre paroisse et construisirent leurs propres églises.

Peu d’Italiens retournèrent au pays, ou seulement pour se marier. La plupart des immigrants italiens à l’origine étaient des hommes, mais le nombre de femmes et d’enfants qui immigrèrent devint de plus en plus important.
En Amérique, les Italiens étaient en compétition avec les Irlandais, d’un point de vue professionnel. Petit à petit, ils dominèrent dans des occupations qui autrefois étaient contrôlées par les Irlandais.

L’émigration italienne se dirigea massivement vers les villes et les États du nord-est des États-Unis, comme l’État de New York et de Pennsylvanie, qui attirèrent les immigrants les plus nombreux. Ils travaillaient surtout ici pour l’industrie lainière et la fabrication de chaussures. Quelques uns se firent également mineurs. Les femmes italiennes quant à elles entrèrent souvent en compétition avec les femmes juives dans les entreprises de vêtements.

Ce que l’Amérique doit aux Américains : un article intéressant d’Arte, mis à jour le 21 septembre 2005

www.histoire.ac-versailles.fr

 

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l’arrivée des immigrants à Ellis Island, dans le film Le Parrain 2

 

 

les trois temps de l’extrait du film

 

 

images

 

symboles

 

commentaire

 

 

 

 

 

 

 

l’arrivée des immigrés en bateau dans le port de New York en 1901

 

 

la proue du navire doublant la statue de la Liberté (travelling droite-gauche)

 

les visages fermés et émus des passagers

 

vêtements élimés

de certains émigrés

 

nouvelle image de la statue de la Liberté

 

 

 

la Liberté

 

 

l’attente :

fin du voyage et espoir d’une vie nouvelle

 

pauvreté


l’émancipation sociale attendue

 

- statue de la Liberté 1876-1886

- le nom du navire (Moshulu) fait référence à un batiment mis à la  mer en 1904, ancré maintenant dans le port de Philadelphie

 

pas de dialogues,
musique lyrique

 

plans rapprochés sur les visages qui espèrent tout de l’American Dream

 

 

 

 

l’enregistrement

dans le grand hall

d’Ellis Island

 

 

drapeau américain,

foule canalisée par des barrières métalliques et les bancs d’attente,

 

diversité culturelle, foule bigarrée

 

examen du  trachome, maladie occulaire contagieuse

 

officier d’état-civil
qui modifie le nom

 

 

multitude humaine

image biblique de Babel

 

image démographique du Melting-Pot

 

préoccupations prophylactiques

 

plan d’ensemble

 

presque pas de dialogues,

musique (violons)

 

 

 

 

 

 

dialogues administratifs

 

 

 

 

le passage à l’infirmerie et la mise en quarantaine

 

 

examen médical

maigreur des corps

 

diagnostic de variole (maladie infectieuse)

 

Vito, seul dans sa chambre, chante

 

pauvreté physiologique,
pauvreté sociale

 

 

isolement mais passage de l’autre côté : la statue de la Liberté est vue du territoire américain

 

 

 

le système américain a besoin d’immigrés : il fait attention à leur sélection

 

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le centre d'Ellis Island à New York

 

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le centre d'enregistrement du centre d'acuceil des immigrés à New York, Ellis Island

 

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détention d'immigrants à Ellis Island

 

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débarquement d'immigrants

 

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Little Italy à New York

 

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Mulberry Street à New-York, Manhattan, le charme de Little Italy,
une ville dans la ville
(source)

 

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(source)

 

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(source)

 

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(source)

 

- "Little Italy [petite Italie] est le quartier italien de Manhattan au nord de Canal Street. Auparavant la communauté italienne issue de l'immigration vivait dans un secteur beaucoup plus vaste qu'aujourd'hui, mais le quartier voisin de Chinatown s'est étendu considérablement, empiétant largement sur celui de la Petite Italie. C'est donc entre Broome Street et Canal Street, en particulier sur Mulberry Street que l'on découvre le secteur qui conserve le mieux les caractéristiques de Little Italy.

Au début du XXe siècle Little Italy comptait plus de 120 000 habitants issus de l'immigration italienne, en particulier des Génois, Calabrais, Siciliens, Piémontais, Toscans et Napolitains qui se partageaient le quartier en secteurs. Mais dans les années 1950 la population d'origine italienne s'intégra presque totalement à la population new-yorkaise et Little Italy est plus aujourd'hui un quartier touristique avec ses restaurants italiens sur Mulberry Street, ses maisons à 6 étages, ses pâtisseries, ses cafés ou ses fabriques de pâtes fraîches." (source)

 

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21 septembre 2012

Hermès/Mercure, tableau de 1611

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Hermès-Mercure

 

 - Qui est l'auteur de ce tableau...? J'ai cherché plusieurs heures, sollicité plusiers avis a priori compétents... En vain. Finalement, j'ai trouvé que l'on pouvait questionner "Google images" en envoyant l'image comme requête quelque soit le nom du fichier jpg (enfin... cela ne fonctionne pas toujours...).

J'avais bien diagnostiqué la date de l'oeuvre comme appartenant au XVIIe siècle (la peinture à sujets mythologiques sous la Renaissance ne fait généralement pas cohabiter les personnages de la mythologie avec des "mortels"). Avant Nicolas Poussin (1595-1665) et d'une autre facture que française... j'ai cherché du côté de l'école espagnole et de la peinture russe... fausses pistes. Il s'agit d'un peintre flamand.

L'artiste est né en 1558 et mort en 1617 et s'appelle Hendrik Goltzius (cf. en langue anglaise ; sur Wikipedia). Le tableau date de 1611. Il est aujourd'hui au musée Frans Hals à Haarlem aux Pays-Bas. Le titre en flamand est : "Mercurius als personificatie van de schilderkuns" et en anglais "Mercury as personification of painting", soit, en français :  Mercure peintre.

Hermès est représenté avec ses attributs habituels. Le caducée, servant à guérir les morsures de serpents, symbole complexe attribué aux hérauts qui les rend inviolables, mais devenu également symbole du commerce et de l'éloquence. Le coq, symbole de la nouvelle journée. Les sandales ou le casque ailé, symbole du dieu messager des autres divinités.
La peinture...

Enfin, Mercure est aussi, un dieu "psychopompe", c'est-à-dire celui conduit les âmes récemment décédées en enfer.

 

Ce que je ne parviens pas à comprendre, c'est le sens de la présence de cette femme à gauche du tableau... Peut-être une image de la vie, jusque dans son impudence sommaire et crue, opposée à la mort évoquée sur le côté droit du tableau... Hermès psychopompe assurant l'inévitable passage entre l'une et l'autre...

 

(à suivre)

Michel Renard
professeur d'histoire

 

 

 

 

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20 septembre 2012

Abraham Drucker, médecin-chef au camp de Drancy

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tableau de Francine Mayran : www.fmayran.com

 

Abraham Drucker

arrêté par la Gestapo le 28 avril 1942

 

Abraham Drucker n’a pas été un collaborateur nazi comme certains irresponsables le prétendent (site d'Alain Soral...). D’abord, ce n’est effectivement pas dans le livre de Maurice Rajsfus (que j’ai bien connu il y a plusieurs années), Des juifs dans la collaboration, l’U.G.I.F., 1941-1944 (éd. EDI, 1980) qu’il est question d’Abraham Drucker mais dans un autre ouvrage du même auteur, Drancy. Un camp de concentration très ordinaire (éd. Le Cherche Midi, 1991 puis 1996 ; rééd en poche «J’ai lu», 2004, que j’utilise ici).

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Il faut d’abord savoir qu’Abraham Drucker, médecin, travaillait à Vire (Calvados) au sanatorium de Saint-Sever. Il a été arrêté le 28 avril 1942 et envoyé au camp de Compiègne.

Dans le livre de Rajsfus, Abraham Drucker est d’abord signalé comme arrivant à Drancy le 26 mai 1943, en provenance de Compiègne, avec une quinzaine de prisonniers : «on pouvait compter parmi ces hommes cinq futurs cadres juifs du camp de Drancy à l’époque de Brunner : Abraham Drucker (médecin chef du camp de Compiègne et qui occupera les mêmes fonctions à Drancy)…» (p. 202).

Le chef nazi Brunner quitta quelques mois Drancy, dont la «productivité» baissait, pour Nice : septembre-décembre 1943.

Rajsfus note : «Après le retour de Brunner et de son équipe, une base SS devait rester à l’Excelsior [à Nice] mais les rafles avaient déjà vidé Nice d’une grande partie des Juifs qui s’y étaient réfugiés. Les arrestations n’y seront plus que ponctuelles mais se poursuivront jusqu’à l’été 1944.

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l'hôtel Excelsior à Nice avant-guerre

 

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l'hôtel Excelsior à Nice, années 1960

Dans leurs fourgons, les SS avaient emmené une partie du personnel interné à Drancy, dont le docteur Abraham Drucker, médecin-chef du camp. Un "physionomiste" faisait également partie de l’équipe. Quant au délateur, il devait être recruté sur place. Après la Libération, le docteur Drucker témoigna :

"…Pendant les trois mois que j’ai été détenu à l’Excelsior, j’ai été témoin et victime d’une terreur et d’atrocités effroyables. Cette équipe comprenait douze à quatorze tortionnaires sous le commandement de Brunner, procédait à des arrestations d’hommes, de femmes et d’enfants juifs, pour la plupart du temps effectuées la nuit, subissant tous des interrogatoires interminables sous la menace du revolver et souvent brutalement frappés afin d’avouer la qualité des Juifs et d’indiquer l’adresse des parents, maris, enfants, frères, etc."

Témoin des séances de torture, Abraham Drucker fournissait les noms des SS tortionnaires qui s’étaient trouvés à l’Excelsior sous le commandement de Brunner : Vogel, Bruckler, Ullmann, Billartz, Zitter, Gorbing. Au cours des nombreuses chasses à l’homme conduites dans les rues de Nice, en septembre et octobre 1943, les nazis se faisaient accompagner par des "spécialistes" (juifs) chargés de vérifier, sous les porches des immeubles, si les hommes interpellés étaient circoncis ou non.» (p. 230-231)

 

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plaque commémorative dressée devant l'hôtel Excelsior en 2009 (source)

 

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cour du camp de Drancy

 

médécin-chef du camp de Drancy

Plus loin dans le livre, Rajsfus mentionne encore Abraham Drucker : «On mourrait beaucoup à Drancy mais les informations précises font défaut pour connaître le chiffre exact de ceux qui y sont morts de maladies diverses, de désespoir, quand ce n’est pas par suicide. Les quelques certificats de décès rédigés par le médecin-chef du camp, Abraham Drucker, que nous avons pu consulter portent tous la mention "mort due à des causes naturelles". Cette cause naturelle n’était autre que la condition concentrationnaire, mal supportée et néfaste aux plus faibles.

"Je soussigné A. Drucker, médecin-chef du camp de Drancy, certifie que Melle Schnir Madeleine née le 20 novembre 1913 à Dijon, de nationalité française et actuellement domiciliée au camp de Drancy, a mis au monde à date du 16 juillet 1943 un enfant mort-né de sexe féminin, à 19 h 30. Je déclare que la mort est due à des causes naturelles".

 

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gendarme français en faction devant une entrée du camp de Drancy

Le 23 décembre 1943, le docteur Drucker s’adresse au commandant Schmidt pour s’étonner d’une situation dramatique qui n’est pas forcément de la responsabilité des SS :

"J’ai l’honneur de vous rendre compte de ce que malgré les réclamations répétées des Autorités allemandes au sujet de l’installation de la radio au dispensaire, les services auxquels je me suis adressé à de multiples reprises (architecture, menuiserie, électricité) n’ont pas encore donné suite à leurs promesses. Hier encore, les A.A. [Autorités Allemandes] ont fait une réclamation à ce sujet. Ils exigent la mise en place de l’appareil dans un délai de huit jours maximum. Je vous serais reconnaissant de bien vouloir faire le maximum immédiatement".

 

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internés au camp de Drancy

Le 17 avril 1944, un convoi quitte le camp mais comme de nombreux juifs sont raflés dans les jours suivants et internés à Drancy, un autre convoi de déportation se prépare pour le 29 avril. Le médecin-chef s’adresse au commandant du camp :

"J’ai l’honneur de vous rendre compte de ce que les internés des escaliers 8 et 9 (1er étage) couchent par terre et que l’état sanitaire des chambres est très mauvais : chaque jour on y constate des angines graves et des grippes fébriles. Il est indispensable de remédier à cet état de choses, soit en donnant un lit à chaque habitant, soit en décongestionnant les chambres".

Le médecin-chef parlait d’or car il savait qu’au bloc III, les "cadres" du camp vivaient au large…» (p. 287-288).

Maurice Rajsfus n’a jamais écrit que le médecin Abraham Drucker avait été un «collaborateur nazi». Il a été libéré du camp le 18 août 1944.

Michel Renard
professeur d’histoire

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Abraham Drucker

- lire aussi "Abraham Drucker" sur le site Mémoire vir(e)tuelle

 

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Maurice Rajsfus,
avec les élèves de 3e du collège Tristan-Derème à Oloron-Sainre-Marie

 

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tableau de Francine Mayran : www.fmayran.com

 

 

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14 septembre 2012

journée "intégration" des classes de Seconde

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après-midi dans la nature avec la 2e 7 :

journée "intégration" de septembre 2012

 

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quelques élèves de la classe de 2e7, le vendredi 14 septembre 2012

 

intégration 2e le 14 sept 2012 (2)
quelques élèves de la classe de 2e7, le vendredi 14 septembre 2012

 

Cela s'appelle la "journée d'intégration" pour les classes de 2e au lycée. Des professeurs accompagnent les nouveaux élèves pour une excursion ou une initiative de découverte du lycée. Finalement, c'est sympathique... et pédagogiquement efficace.

Nous sommes allés avec la 2e 7 au-dessus de Saint-Chamond, à Saint-Martin-en-Coailleux (ça ne s'invente pas...) : une heure de marche (évidemment menée en tête par M. Renard) et itinéraire de découverte conscienseusement préparé par la professeure de Physique, Mme Guillot... Les élèves se connaissent mieux entre eux et avec leurs professeurs. Soleil et vent frais...

Avant, on effectuait des sorties en fin d'année scolaire. J'avais remarqué, il y a longtemps déjà, qu'une sortie en début d'année avait beaucoup plus d'efficacité sur la cohésion de la classe et les relations professeurs/élèves (ou le contraire).

Bien sûr, une sortie au musée du Louvre serait plus stimulante intellectuellement parlant... Mais il faut compter avec le peu de moyens dont dispose un lycée de province. En revanche, ce lycée bénéficie d'un environnement qui permet de faire réfléchir les élèves à la grande histoire, par exemple à travers les vestiges des bombardements alliés de 1944 sur les Aciéries de la Marine à Saint-Chamond.

M. Renard, professeur d'histoire

 

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4 août 2012

regarder en soi-même pour y retrouver le monde

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Années, un roman d'Annie Ernaux

Michel RENARD

 

J’ai lu aujourd’hui le livre d’Annie Ernaux, Années (Gallimard, 2008).

On en sort, évidemment, dominé par la nostalgie de ce tracé de vie d’une femme qui sent la vieillesse la séparer du monde qui bouge.

Mais aussi étrangement troublé par la distance qu’elle instaure entre ses sentiments et le lecteur par son procédé narratif, un peu sociologique (je le dis sans malveillance ; l’influence de Georges Perec, Les choses, est perceptible) consistant à décrire une «elle» insérée dans le tourbillon des événements et des métamorphoses d’un peu plus d’un demi siècle… Comme un garde-fou contre les effusions d’une sensibilité, de ses passions et de ses regrets.

«Ce ne sera pas un travail de remémoration, tel qu’on l’entend, visant à la mise en récit d’une vie, d’une explication de soi. Elle ne regardera en elle-même que pour y retrouver le monde, la mémoire et l’imaginaire des jours passés du monde, saisir le changement des idées, des croyances et de la sensibilité, la transformation des personnes et du sujet, qu’elle a connus…» (p. 239). Y est-elle parvenu ?

L’ambition était vaste. Elle fournit un enchevêtrement des deux : le récit fragmentaire de sa vie et celui des «jours passés du monde», en tout cas de son monde.

Oui, tout est vrai. On s’y retrouve, mais pas en entier puisqu’il s’agit des indices du monde tel qu’ils se sont imprimés en elle.

J’ai aimé la justesse de nombreuses formulations. Parlant de son jeune amant : «Il m’a arrachée à ma génération. Mais je ne suis pas dans la sienne. Je ne suis nulle part dans le temps. Il est l’ange qui fait revivre le passé, rend éternel» (p. 203).

Ou encore : «…elle sait que la question n’a pas de sens, qu’aucune question n’a de sens s’appliquant aux choses du passé» (p. 177).

À propos des repas de familles à la fin des années 1970 et de leurs sujets de discussion : «Le temps des enfants remplaçait celui des morts» (p. 136).

Et cette confidence d’une grande mélancolie presque mystique : «…plus que tout, maintenant, elle voudrait saisir la lumière qui baigne des visages désormais invisibles, des nappes chargées de nourritures évanouies, cette lumière qui était déjà là dans les récits des dimanches d’enfance et n’a cessé de se déposer sur les choses aussitôt vécues, une lumière antérieure» (p. 241).

Les lycéens y trouveront la fresque vécue d'une séquence historique qui va des années d'après-guerre jusqu'à 2006/2008. L'évocation d'événements historiques, d'auteurs, de livres, de personnages connus.

Michel Renard

 

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lien

- entretien avec Annie Ernaux

- http://newsletter.paris-sorbonne.fr/spip.php?article2304

 

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30 juillet 2012

l'histoire de Damiens n'est pas une affaire de moeurs

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réalité ou fiction ?

à propos d'un livre de Marion Sigaut

Mourir à l'ombre des Lumières. L'énigme Damiens

 

Robert-François Damiens (1715-1757), domestique parisien de son état, est connu dans l'histoire pour avoir commis un "attentat" contre le roi Louis XV le 5 janvier 1757 à Versailles alors que le souverain allait monter dans son carrosse. Il suffisait simplement de toucher le roi pour que cela soit qualifié "d'attentat". Il fut jugé et condamné à mourir de manière atroce. Son supplice fut le dernier écartèlement de l'histoire de France. (voir aussi : enfance et supplice d'un régicide).

 

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gravure évoquant le supplice de Damiens, le 28 mars 1757


L'époque est un peu compliquée. La monarchie a perdu de son aura. Elle est soutenu par un courant de l'Église catholique, l'ordre des Jésuites, mais combattu par un autre, les jansénistes, qui ont de solides positions dans le Parlement, c'est-à-dire dans le milieu judiciaire.

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Christophe de Beaumont, archevêque de Paris de 1746 à 1781, ennemi des jansénistes

Ce conflit dura des dizaines d'années, notamment à propos de la bulle (décision religieuse) Unigenitus édictée par le pape Clément XI en 1713 qui condamnait les thèses des jansénistes. Le roi Louis XV laissait gouverner son ministre Fleury. Il mena deux guerres, assez impopulaires.

 

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audience au Châtelet (l'un des lieux du Parlement) sous Louis XV

Damiens mena une carrière de domestique très apprécié à Paris. Passé un court temps chez les Jésuites, il côtoya surtout les milieux des parlementaires (juges) jansénistes dans lesquels il entendait très souvent critiquer le roi. Malheureusement, en juillet 1756, il déroba à son nouvel employeur, la somme importante de 240 livres et s'enfuit dans sa région d'origine (l'Artois). La mort était le sort promis aux domestiques qui volait leur maître.
Peut-être est-ce pour cela que, perdu pour perdu, il se résolut à ce geste contre le roi.

Un livre intitulé Mourir à l'ombre des Lumières. L'énigme Damiens, est paru en 2010, écrit par une "historienne" et romancière, Marion Sigaut, qui, par ailleurs s'est exprimé dans plusieurs vidéos sur internet.

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J'ai lu cet ouvrage d'une traite, un samedi de fin juillet 2012. Bon récit, palpitant, mais ce n'est pas un livre d'histoire. Marion Sigaut n'a "percé" aucun "mystère" comme on le prétend.

L'hypothèse d'un Damiens agissant, par l'attentat contre Louis XV en 1757, comme père vengeur des outrages infligés à sa fille relève de la fiction pure et simple.

Marion Sigaut affirme avoir trouvé l'existence d'une fille de Damiens dans l'ouvrage de l'historien américain, Dale Van Kley (1984), auteur par ailleurs du savant Les origines religieuses de la Révolution française (Points-Seuil, 2006).

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Or, la mention d'une épouse et d'une fille de Damiens figure dans les "Pièces originales et procédures du procès..." datant de 1757...!
(Books-Google sur internet : http://books.google.fr/books?id=JvRCAAAAcAAJ&printsec=frontcover&hl=fr&source=gbs_ge_summary_r&cad=0#v=onepage&q&f=false, voir p. 308-360).

Ses recherches semblent donc assez superficielles.

J'ai interrogé moi-même, au lendemain de ma lecture, l'historien américain Dale Van Kley (Ohio State University) qui, lui, a effectué des investigations longues et rigoureuses.

Dale Van Kley m'a répondu, immédiatement, avoir passé de nombreuses semaines aux Archives à propos des enlèvements d'enfants et avoir dépouillé les papiers de TOUS les commissariats parisiens pour l'année 1750 (année supposée de l'enlèvement et du viol de la fille de Damiens selon Marion Sigaut).

Or, aucun enlèvement de fille n'est signalé. Et aucun enlèvement de fille ou garçon n'a eu lieu rive gauche, où Damien habitait, rue Étienne-des-Grès...!

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Damiens a agi pour des raisons de convictions religieuses (il en avait peu en fait) et politiques surtout. Ce n'est pas une affaire de moeurs, même si l'époque n'en manquait pas, et même si le roi Louis XV est connu pour ses turpitudes.

Marion Sigaut a écrit un bon roman historique. Mais il ne faut pas le faire passer pour un travail historien. On ne peut jouer sur les deux registres. Sinon cela relève de l'imposture.

Qui n'a tout fait pour la vérité n'a rien fait (paraphrase de Robespierre qui disait : "si vous ne faites tout pour la liberté, vous n'avez rien fait", Sur la nécessité de révoquer le décret sur le marc d'argent, avril 1791).

Michel Renard
professeur d'histoire
Saint-Chamond (Loire)

 

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Paris au XVIIIe s., devant le Louvre

 

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portrait de Damiens peu avant son supplice
(on a exagéré la "méchanceté" de ses traits)

 

____________________________

 

la différence entre les Jésuites et les jansénistes

 

L'odre des Jésuites fut créé en 1540... Grâce suffisante

Les jansénistes, grâce efficace

 

à suivre

 

 

 

 

 

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2 juillet 2012

Une langue constitue aussi une manière de penser, une façon de voir le monde, une culture

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Claude Hagège : "Imposer sa langue,

c'est imposer sa pensée"

 

 

lundi 02 juillet 2012 à 13h38

Pour le grand linguiste Claude Hagège, le constat est sans appel : jamais, dans l'histoire de l'humanité, une langue n'a été « comparable en extension dans le monde à ce qu'est aujourd'hui l'anglais » (1). Oh ! il sait bien ce que l'on va dire. Que la défense du français est un combat ranci, franchouillard, passéiste. Une lubie de vieux ronchon réfractaire à la modernité. Il n'en a cure.

Car, à ses yeux, cette domination constitue une menace pour le patrimoine de l'humanité. Et fait peser sur elle un risque plus grave encore : voir cette «langue unique» déboucher sur une «pensée unique» obsédée par l'argent et le consumérisme. Que l'on se rassure, cependant : si Hagège est inquiet, il n'est pas défaitiste. La preuve, avec cet entretien où chacun en prend pour son grade.

 

Claude Hagège

Claude Hagège © Yann Rabarier pour Le Vif/L'Express

 

Le Vif/L'Express : Comment décide-t-on, comme vous, de consacrer sa vie aux langues ?
Claude Hagège :
Je l'ignore. Je suis né et j'ai grandi à Tunis, une ville polyglotte. Mais je ne crois pas que ce soit là une explication suffisante : mes frères, eux, n'ont pas du tout emprunté cette voie.

Enfant, quelles langues avez-vous apprises ?
À la maison, nous utilisions le français. Mais mes parents m'ont fait suivre une partie de ma scolarité en arabe - ce qui montre leur ouverture d'esprit, car l'arabe était alors considéré comme une langue de colonisés. J'ai également appris l'hébreu sous ses deux formes, biblique et israélienne. Et je connaissais l'italien, qu'employaient notamment plusieurs de mes maîtres de musique.

Combien de langues parlez-vous ?
S'il s'agit de dénombrer les idiomes dont je connais les règles, je puis en mentionner plusieurs centaines, comme la plupart de mes confrères linguistes. S'il s'agit de recenser ceux dans lesquels je sais m'exprimer aisément, la réponse sera plus proche de 10.

Beaucoup de Français pensent que la langue française compte parmi les plus difficiles, et, pour cette raison, qu'elle serait «supérieure» aux autres. Est-ce vraiment le cas ?
Pas du tout. En premier lieu, il n'existe pas de langue «supérieure». En France, le français ne s'est pas imposé au détriment du breton ou du gascon en raison de ses supposées qualités linguistiques, mais parce qu'il s'agissait de la langue du roi, puis de celle de la République. C'est toujours comme cela, d'ailleurs : un parler ne se développe jamais en raison de la richesse de son vocabulaire ou de la complexité de sa grammaire, mais parce que l'Etat qui l'utilise est puissant militairement - ce fut, entre autres choses, la colonisation - ou économiquement - c'est la «mondialisation». En second lieu, le français est un idiome moins difficile que le russe, l'arabe, le géorgien, le peul ou, surtout, l'anglais.

L'anglais ? Mais tout le monde, ou presque, l'utilise !
Beaucoup parlent un anglais d'aéroport, ce qui est très différent ! Mais l'anglais des autochtones reste un idiome redoutable. Son orthographe, notamment, est terriblement ardue : songez que ce qui s'écrit «ou» se prononce, par exemple, de cinq manières différentes dans through, rough, bough, four et tour ! De plus, il s'agit d'une langue imprécise, qui rend d'autant moins acceptable sa prétention à l'universalité.

Imprécise ?
Parfaitement. Prenez la sécurité aérienne. Le 29 décembre 1972, un avion s'est écrasé en Floride. La tour de contrôle avait ordonné : «Turn left, right now», c'est-à-dire «Tournez à gauche, immédiatement !» Mais le pilote avait traduit «right now» par «à droite maintenant», ce qui a provoqué la catastrophe. Voyez la diplomatie, avec la version anglaise de la fameuse résolution 242 de l'ONU de 1967, qui recommande le «withdrawal of Israel armed forces from territories occupied in the recent conflict». Les pays arabes estiment qu'Israël doit se retirer «des» territoires occupés - sous-entendu : de tous. Tandis qu'Israël considère qu'il lui suffit de se retirer «de» territoires occupés, c'est-à-dire d'une partie d'entre eux seulement.

Est-ce une raison pour partir si violemment en guerre contre l'anglais ?
Je ne pars pas en guerre contre l'anglais. Je pars en guerre contre ceux qui prétendent faire de l'anglais une langue universelle, car cette domination risque d'entraîner la disparition d'autres idiomes. Je combattrais avec autant d'énergie le japonais, le chinois ou encore le français s'ils avaient la même ambition. Il se trouve que c'est aujourd'hui l'anglais qui menace les autres, puisque jamais, dans l'Histoire, une langue n'a été en usage dans une telle proportion sur les cinq continents.

En quoi est-ce gênant ? La rencontre des cultures n'est-elle pas toujours enrichissante ?
La rencontre des cultures, oui. Le problème est que la plupart des gens qui affirment « Il faut apprendre des langues étrangères » n'en apprennent qu'une : l'anglais. Ce qui fait peser une menace pour l'humanité tout entière.

À ce point ?

Seuls les gens mal informés pensent qu'une langue sert seulement à communiquer. Une langue constitue aussi une manière de penser, une façon de voir le monde, une culture. En hindi, par exemple, on utilise le même mot pour «hier» et «demain». Cela nous étonne, mais cette population distingue entre ce qui est - aujourd'hui - et ce qui n'est pas : hier et demain, selon cette conception, appartiennent à la même catégorie. Tout idiome qui disparaît représente une perte inestimable, au même titre qu'un monument ou une oeuvre d'art.

Avec 27 pays dans l'Union européenne, n'est-il pas bien utile d'avoir l'anglais pour converser ? Nous dépensons des fortunes en traduction !
Cette idée est stupide ! La richesse de l'Europe réside précisément dans sa diversité. Comme le dit l'écrivain Umberto Eco, «la langue de l'Europe, c'est la traduction». Car la traduction - qui coûte moins cher qu'on ne le prétend - met en relief les différences entre les cultures, les exalte, permet de comprendre la richesse de l'autre.

Mais une langue commune est bien pratique quand on voyage. Et cela ne conduit en rien à éliminer les autres !
Détrompez-vous. Toute l'Histoire le montre : les idiomes des Etats dominants conduisent souvent à la disparition de ceux des Etats dominés. Le grec a englouti le phrygien. Le latin a tué l'ibère et le gaulois. À l'heure actuelle, 25 langues disparaissent chaque année ! Comprenez bien une chose : je ne me bats pas contre l'anglais ; je me bats pour la diversité. Un proverbe arménien résume merveilleusement ma pensée : «Autant tu connais de langues, autant de fois tu es un homme.»

Vous allez plus loin, en affirmant qu'une langue unique aboutirait à une « pensée unique »...
Ce point est fondamental. Il faut bien comprendre que la langue structure la pensée d'un individu. Certains croient qu'on peut promouvoir une pensée française en anglais : ils ont tort. Imposer sa langue, c'est aussi imposer sa manière de penser. Comme l'explique le grand mathématicien Laurent Lafforgue : ce n'est pas parce que l'école de mathématiques française est influente qu'elle peut encore publier en français ; c'est parce qu'elle publie en français qu'elle est puissante, car cela la conduit à emprunter des chemins de réflexion différents.

Vous estimez aussi que l'anglais est porteur d'une certaine idéologie néolibérale...
Oui. Et celle-ci menace de détruire nos cultures dans la mesure où elle est axée essentiellement sur le profit.

Je ne vous suis pas...
Prenez le débat sur l'exception culturelle. Les Américains ont voulu imposer l'idée selon laquelle un livre ou un film devaient être considérés comme n'importe quel objet commercial. Car eux ont compris qu'à côté de l'armée, de la diplomatie et du commerce il existe aussi une guerre culturelle. Un combat qu'ils entendent gagner à la fois pour des raisons nobles - les États-Unis ont toujours estimé que leurs valeurs sont universelles - et moins nobles : le formatage des esprits est le meilleur moyen d'écouler les produits américains. Songez que le cinéma représente leur poste d'exportation le plus important, bien avant les armes, l'aéronautique ou l'informatique ! D'où leur volonté d'imposer l'anglais comme langue mondiale. Même si l'on note depuis deux décennies un certain recul de leur influence.

Pour quelles raisons ?
D'abord, parce que les Américains ont connu une série d'échecs, en Irak et en Afghanistan, qui leur a fait prendre conscience que certaines guerres se perdaient aussi faute de compréhension des autres cultures. Ensuite, parce qu'Internet favorise la diversité : dans les dix dernières années, les langues qui ont connu la croissance la plus rapide sur la Toile sont l'arabe, le chinois, le portugais, l'espagnol et le français. Enfin, parce que les peuples se montrent attachés à leurs idiomes maternels et se révoltent peu à peu contre cette politique.

Pas en France, à vous lire... Vous vous en prenez même de manière violente aux « élites vassalisées » qui mèneraient un travail de sape contre le français.
Je maintiens. C'est d'ailleurs un invariant de l'Histoire. Le gaulois a disparu parce que les élites gauloises se sont empressées d'envoyer leurs enfants à l'école romaine. Tout comme les élites provinciales, plus tard, ont appris à leur progéniture le français au détriment des langues régionales. Les classes dominantes sont souvent les premières à adopter le parler de l'envahisseur. Elles font de même aujourd'hui avec l'anglais.

Comment l'expliquez-vous ?
En adoptant la langue de l'ennemi, elles espèrent en tirer parti sur le plan matériel, ou s'assimiler à lui pour bénéficier symboliquement de son prestige. La situation devient grave quand certains se convainquent de l'infériorité de leur propre culture. Or nous en sommes là. Dans certains milieux sensibles à la mode - la publicité, notamment, mais aussi, pardonnez-moi de vous le dire, le journalisme - on recourt aux anglicismes sans aucune raison. Pourquoi dire «planning» au lieu d'«emploi du temps» ? «Coach» au lieu d'«entraîneur » ? «Lifestyle» au lieu de «mode de vie» ? «Challenge» au lieu de «défi» ?

Pour se distinguer du peuple ?
Sans doute. Mais ceux qui s'adonnent à ces petits jeux se donnent l'illusion d'être modernes, alors qu'ils ne sont qu'américanisés. Et l'on en arrive à ce paradoxe : ce sont souvent les immigrés qui se disent les plus fiers de la culture française ! Il est vrai qu'eux se sont battus pour l'acquérir : ils en mesurent apparemment mieux la valeur que ceux qui se sont contentés d'en hériter.

Mais que dites-vous aux parents qui pensent bien faire en envoyant leurs enfants suivre un séjour linguistique en Angleterre ou aux Etats-Unis ?
Je leur réponds : «Pourquoi pas la Russie ou l'Allemagne ? Ce sont des marchés porteurs et beaucoup moins concurrentiels, où vos enfants trouveront plus facilement de l'emploi.»

Si une seule mesure était à prendre, quelle serait-elle ?
Tout commence à l'école primaire, où il faut enseigner non pas une, mais deux langues vivantes. Car, si on n'en propose qu'une, tout le monde se ruera sur l'anglais et nous aggraverons le problème. En offrir deux, c'est s'ouvrir à la diversité.

Le français pourrait-il être le porte-étendard de la diversité culturelle dans le monde ?
J'en suis persuadé, car il dispose de tous les atouts d'une grande langue internationale. Par sa diffusion sur les cinq continents, par le prestige de sa culture, par son statut de langue officielle à l'ONU, à la Commission européenne ou aux Jeux olympiques. Et aussi par la voix singulière de la France. Songez qu'après le discours de M. de Villepin à l'ONU, s'opposant à la guerre en Irak, on a assisté à un afflux d'inscriptions dans les Alliances françaises.

(1) Contre la pensée unique, par Claude Hagège.
Odile Jacob, 250 p.

PROPOS RECUEILLIS PAR MICHEL FELTIN-PALAS

 

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