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Profs d'Histoire lycée Claude Lebois
2 mai 2009

le génocide des juifs dans l'histoire

EG4
un groupe de tuerie mobile (Einsatzgruppe) en action
source : site de l'université de Pembroke, Caroline du Nord





die Endlösung der Judenfrage

la "solution finale" de la question juive

la politique génocidaire de l'Allemagne hitlérienne

Le terme allemand Endlösung signifie "solution finale". Au départ, son sens est tout à fait anodin. Mais par suite de son emploi dans la langue des nazis comme euphémisme d'extermination des juifs, il est devenu , à lui tout seul, synonyme de ce phénomène.

Dans le cadre de la Seconde Guerre mondiale, la politique hitlérienne a visé le génocide des populations juives en Europe. Le nombre de victimes s'est élevé à 5 ou 6 millions. C'est une partie des nombreuses victimes de ce conflit.

Dans le cas du génocide, cependant, la volonté d'exterminer un peuple en tant que tel a été plusieurs fois exprimée explicitement et le processus d'élimination a été systématiquement mené sous des formes diverses sur une population sans défense. Pourquoi une telle haine homicide ?

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un groupe de tuerie mobile (Einsatzgruppe) en action
source : site de l'université de Pembroke, Caroline du Nord



1) l'antlsémitsme de la société allemande

La vigueur des idées antisémites est largement répandue dans toute la société allemande bien avant l'apparition du N.S.D.AP. (parti de Hitelr) et bien avant l'accession de ce dernier au pouvoir (janvier 1933).

(à suivre)

2) l'extermination des juifs "prophétisée" par Hitler

Le 30 janvier 1939, Hitler déclarait devant le Reichstag :

- «Aujourd'hui, je serai encore un prophète : si la finance juive internationale en Europe et hors d'Europe devait parvenir encore une fois à précipiter les peuples dans une guerre mondiale, alors le résultat ne serait pas la bolchevisation du monde, donc la victoire de la juiverie, au contraire, ce serait l'anéantissement de la race juive en Europe».

hitler_reichstag_30janvier1939
Hitler au Reichstag le 30 janvier 1939

Par la suite, Hitler a plusieurs fois fait référence à ce discours du 30 janvier 1939, en le datant du 1er septembre 1939 (invasion allemande en Pologne).

Le 30 janvier 1942, par exemple :

- «Le 1er septembre 1939, j'ai déjà dit au Reichstag allemand, et je me garde de toute prophétie précipitée, que cette guerre ne tournera pas comme les Juifs se l'imaginent, à savoir que les peuples européens seront anéantis, mais au contraire, que le résultat de cette guerre sera l'anéantissement des Juifs».

Le 24 février 1942 :

- «Ma prophétie s'accomplira, ce n'est pas l'humanité aryenne qui sera anéantie par cette guerre, mais bien le Juif qui sera exterminé. Quoi que ce combat apporte, quelle que soit sa durée, c'est cela qui en sera le résultat final».

Le 30 septembre 1942 :

- «J'ai dit deux choses lors de la séance du Reichstag du 1er septembre 1939 : [...] deuxièmement, que si les Juifs trament une guerre mondiale internationale pour anéantir, disons, les peuples aryens, alors ce ne sont pas les peuples aryens qui seront exterminés, mais les Juifs. [...] Naguère, en Allemagne, les Juifs ont ri de ma prophétie. J'ignore s'ils rient encore aujourd'hui, ou si l'envie de rire leur a déjà passé. Mais à présent, je ne peux aussi qu'assurer : partout, l'envie de rire leur passera. Et avec cette prophétie, c'est moi qui aurai le dernier mot».

Le 8 novembre 1942 :

- «Une autre force, jadis très présente en Allemagne, a entre-temps appris que les prophéties national-socialistes en sont pas des paroles vaines. C'est la principale puissance que nous devons remercier de toutes les infortunes : la juiverie internationale. Vous vous souvenez encore de la réunion du Reichstag dans laquelle j'ai déclaré : "Si la juiverie croit d'une manière ou d'une autre pouvoir provoquer une guerre mondiale internationale pour exterminer les races européennes, il en résultera non pas l'extermination des races européennes, mais l'extermination de la juiverie en Europe". On s'est toujours moqué de mes prophéties. De tous ceux qui riaient alors, beaucoup ne rien plus aujourd'hui. Et ceux qui rient encore aujourd'hui cesseront peut-être eux aussi de le faire d'ici peu».

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exécutions au ravin de Babi Yar (près de Kiev en Ukraine)

3) la mise en oeuvre de l'extermination des juifs

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4) interprétations

Les questions que posent ces discours ont conduit les historiens à différentes interprétations du génocide. On distingue notamment la thèse intentionnaliste et la thèse fonctionnaliste.

Pour la première, le génocide est le résultat des conceptions antisémites de Hitler et de l'impulsion qu'il a donnée, par sa volonté, son autorité, sa détermination, à la réalisation du crime. L'intention de Hitler est le moteur de cette politique. Le génocide sort de Mein Kampf.

Pour la seconde, le génocide est le résultat d'un système impliquant de nombreux agents. Les institutions de mise à mort ne sont pas des machines inertes répondant à la volonté des dirigeants nazis. Elles sont animées par des hommes et des femmes, des Allemands, qui ont participé en toute connaissance de cause au massacre des juifs. Ces individus ordinaires sont les "bourreaux volontaires de Hitler", comme les qualifie l'historien Daniel Jonah Goldhagen dont le travail a été très discuté.

9782020334174FS

vocabulaire

génocide :

shoah :

judéocide :

solution finale (die Endlösung) :

destruction des juifs d'Europe :

guerre d'anéantissement (der Vernichtungskampf) :

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5) quelques livres sur le génocide des juifs


9782070309856FS9782070309849FS9782070309832FS
- La destruction des juifs d'Europe, Raul Hilberg, 1985/2005, éd. Gallimard/Folio, 2006.

résumé du livre

Raul Hilberg n'a pas voulu traiter seulement de la dimension éthique de la catastrophe "indicible", "innommable", "passage à la limite de l'humanité", a-t-on répété, le génocide est d'abord-on l'oublie trop souvent- un fait historique.
En cela il est justiciable des procédures qu'applique l'historien à ses objets d'étude. La première édition en langue française de La destruction des Juifs d'Europe a été établie en 1988 à partir de l'édition en trois volumes publiée à New York en 1985 sous le titre : The Destruction of the European Jews. Elle en reprenait l'intégralité du texte mais également des compléments et rajouts inédits de l'auteur pour la version française.
Cette nouvelle édition mise à jour, complétée et définitive est établie, avec l'aide de l'auteur, à partir de l'édition en trois volumes publiée à New Haven et Londres en 2003 sous le titre : The Destruction of the European Jews Third Edition. Semblablement, elle reproduit l'intégralité du texte mais comporte également des compléments et rajouts inédits de l'auteur pour cette version française. (présentation par l'éditeur)

avis sur ce livre

L'ouvrage de Raul Hilberg, La destruction des Juifs d'Europe (1988, 1ère éd. 1961), est l'ouvrage de référence. Je ferai néanmoins la réserve suivante. Hilberg s'intéresse avant tout à la manière dont fut accompli le génocide. Il propose un modèle : pour tuer les Juifs, il fallait les définir, les dépouiller, les concentrer, les transporter.
C'est vrai logiquement, mais le problème est qu'il présente les choses comme si le développement historique avait suivi ce modèle logique. D'où le rôle moteur qu'il prête à je ne sais quel déterminisme de la bureaucratie qui, une fois lancée dans son travail de persécution, n'aurait pu terminer sa course que dans l'extermination. D'où aussi l'évocation en quelques pages seulement, au début du chapitre sur les déportations, de la politique nazie d'émigration et des plans de réserve juive : comme s'il s'était agi de déviations de courte durée et sans réalité srieuse par rapport à la ligne qui menait au massacre.

Philippe Burin, Hitler et les Juifs, genèse d'un génocide, 1989, éd. Points-Seuil, 1995, p. 179.


9782251380865FS

- Les origines de la solution finale, Christopher R. Browning, éd. Les Belles Lettres, 2007 ;

l'auteur est professeur d'histoire à l'University of North Carolina.

présentation du livre
En 1939, l'Allemagne nazie, qui projette une recomposition démographique de l'Europe centrale et orientale, entreprend d'expulser les populations juives qui y habitent.
À l'automne 1941 est décidée la destruction totale des Juifs. Comment la politique nazie est-elle passée de l'expulsion massive à la destruction massive ? Quels sont les rouages, humains, circonstanciels et intellectuels qui ont mené à la prise de décision ? Quel a été le rôle de Hitler ? Telles sont les questions soulevées dans cette étude magistrale de Christopher R. Browning. Le livre, salué par la communauté scientifique mais aussi par le grand public, est l'étude la plus détaillée et la plus complète de cette période complexe et décisive où la politique raciale nazie a "bifurqué" de la persécution et du "nettoyage ethnique" vers la "solution finale  et le génocide juif.

Articulant son étude autour de deux dates clefs, l'invasion de la Pologne en septembre 1939 et le début des déportations vers les camps de la mort au printemps 1942, Christopher R. Browning montre comment la Pologne a servi de laboratoire à la politique raciale du IIIe Reich et comment, par la suite, l'offensive contre l'Union soviétique a joué un rôle déterminant dans la radicalisation qui a conduit à la "solution finale".
De cette évolution, Adolf Hitler est le chef d'orchestre sinistre : au débat entre fonctionnalistes et intentionnalistes, le livre apporte de nouveaux arguments et met en lumière les liens inextricables noués entre les hommes, leurs idéologies et les circonstances.


extrait 1
En tout juste deux ans, de l'automne 1939 à l'automne 1941, la politique antijuive des nazis connut une escalade, passant de l'émigration forcée en place avant-guerre à la "solution finale" telle que nous l'entendons aujourd'hui, à savoir l'extermination systématique de tous les Juifs tombés dans l'orbite allemande. Le massacre en masse des Juifs soviétiques commença à la fin de l'été 1941 ; à peine six mois plus tard, le régime nazi était prêt à étendre cette politique au reste de son empire et de ses sphères d'influence en Europe. Capitale pour comprendre la genèse de la "solution finale", l'étude de ces trente mois - de septembre 1939 à mars 1942 - est au coeur de cet ouvrage. Trente mois durant lesquels le IIIe Reich se prépara à commettre un crime qui allait marquer une véritable rupture dans l'histoire de l'humanité. Mais pourquoi, après deux millénaires d'antagonisme judéo-chrétien, dont mille ans d'un antisémitisme spécifiquement européen, ce crime sans précédent se produisit-il en Allemagne au milieu du XXe siècle ? (p. 15)

extrait 2
À la fin octobre 1941, la conception des la solution finale" a pris forme. Les Juifs d'Europe doivent être déportés dans des camps secrets conçus, pour perpétrer des assassinats de masse par gaz toxique, bien que d'autres méthodes ne sont pas exclues. Cependant, ce programme ne peut être totalement mis en route avant le printemps 1942 car ni les "usines de la mort", ni le "système d'approvisionnement" - l'appareil administratif et logistique nécessaire pour fournir les victimes - ne sont en place.

Entre octobre 1941 et mars 1942, le régime nazi s'emploie à remédier à ces déficiences. C'est la raison pour laquelle, il s'agit d'une période de préliminaires, d'expérimentations et de préparatifs. Près de 60 000 juifs et Tsiganes sont déportés du troisième Reich. Quelque 6 000 de ces Juifs allemands déportés sont assassinés à leur arrivée à Kaunas [en Lituanie] et à Riga [Lettonie] par des pelotons d'exécution. Le premier camp d'extermination - équipé de camions à gaz - commence à fonctionner à Chelmno et des camions à gaz sont également envoyés sur d'autres sites, notamment à Semlin (Sajmiste) dans la banlieue de Belgrade en Yougoslavie.

La construction des premières chambres à gaz fixes à Belzec est terminée et, à Birkenau, une cabane de paysan (Bunker I) est convertie en chambre à gaz. Finalement, la connaissance du programme d'assassinats de masse imminents se propage dans la bureaucratie et un éventail de plus ne plus large d'organismes gouvernementaux sont inclus dans le processus de destruction. En mars 1942, suite à ces préparatifs et ces expérimentations, le régime nazi est prêt à commencer la mise en oeuvre à grande échelle de la "solution finale". (p. 397)

14207
une foule contemple le résultat du massacre du garage Lietukis, où des nationalistes
lituaniens pro-allemands tuèrent plus de 50 Juifs. Les victimes furent battues,
arrosées, puis achevées à coups de barres de fer. Kovno (aujourd'hui Kaunas),
Lituanie, 27 juin 1941
(source)



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6) articles et points de vue



notes de lecture de l'ouvrage d'Arnö Mayer (1988-2002)


La «solution finale» (1) dans l’histoire :

questions de lecture (2)

Didier BUTZBACH

La lecture du livre d’Arno Mayer, La «solution finale» dans l’histoire, place le lecteur dans la nécessité de mettre en perspective ses recherches, sa réflexion et l’historiographie de ce  sujet. Les pages qui suivent tentent de vous en proposer un éclairage d’autant plus indispensable que les polémiques qui ont suivi la publication de sa version originale furent particulièrement vives et que la réflexion sur cette béance tragique du XXe siècle nourrit régulièrement notre actualité internationale.

«Pourquoi les cieux ne se sont-ils pas obscurcis et les étoiles n’ont-elles pas cessé de briller, pourquoi le soleil et la lune n'ont-ils pas recouvert d'ombre leur face ?» (3).

L’auteur de cet ouvrage est, comme il se présente lui-même, juif, issu de la classe moyenne luxembourgeoise et d’instruction militaire américaine ce qui l’a amené, dans l’immédiate après-guerre, à utiliser les prisonniers allemands pour obtenir des renseignements sur l’Armée rouge et à encadrer les savants allemands au profit de la défense états-unienne.

En nous rappelant le titre d’une des œuvres du philosophe Adorno Peut-on penser après Auschwitz ?, nous ne pouvons que souscrire à sa volonté, présente dès les premières pages de son ouvrage, «d’évaluer l’étendue et la profondeur du bouleversement qui disloquait la civilisation occidentale dans la première moitié du XXe siècle» (4). D’emblée il place ses exigences d’historien à une hauteur particulièrement ambitieuse.

D’une part, il s’agit de rendre compte de l’«indicible tourment» que constitue ce massacre méthodique et donc, à l’instar de ses prédécesseurs, de s’essayer à une mémoire de l’impensable. D’autre part, il s’agit de faire œuvre d’historien, c’est-à-dire de pratiquer le grand écart entre les impasses conceptuelles auxquelles nous accule l’énormité et la nécessaire froideur rationnelle du discours de l’analyste.

Cette tension amène ainsi l’auteur à nous présenter une courte autobiographie témoignant de son souci d’éclairer au mieux le lecteur pour lui permettre d’exercer la plus forte acuité de son sens critique. Or l’absence de toute note infrapaginale, paraît une démarche pour le moins étonnante aux yeux de la tradition universitaire européenne qui exige de toute recherche la présentation d’un appareil de preuves qui permette d’en vérifier la validité à chaque étape (5). Tentons malgré tout d’apprécier ici la démarche d’A. Mayer en interrogeant ses hypothèses à l’aune du débat historiographique tel qu’il nous est présenté par François Bédarida et Pierre Vidal-Naquet.

Quels enjeux ?
Évoquons dans un premier temps les enjeux de la réflexion autour du plan nazi de Endlösung. Une question de sémantique tout d’abord : «solution finale», «génocide», «Shoah», «Holocauste» ou «holocauste», quel terme choisir ? Cette hésitation traduit bien ce sentiment d’être face à «une sorte d’énigme pour la raison historique» (6). A. Mayer refuse ces termes pour leur préférer celui de «judéocide», revendiquant, dès ses premières pages, «la critique et la remise en question des certitudes (…) fondements de la réflexion et de la recherche historique» (7).

En effet, selon lui, la recherche est surdéterminée par les présupposés générés par la guerre froide qui empêchent d’étudier le lien entre anticommunisme et antisémitisme dans l’idéologie nazie, comme par une lecture providentialiste de l’histoire qui gêne l’élaboration d’un modèle d’interprétation global : «la crise générale du XXe siècle, notre guerre de Trente Ans» (8).

La nature des camps d’extermination, l’absence de résistance juive et le rôle des Judenräte (9), la nature des victimes – malades mentaux, Juifs, Tziganes, Slaves - et ses correspondances avec la reconnaissance d’autres génocides (10), le degré de responsabilité de l’état vichyste, le nombre et ses calculs, le langage codé du génocide et l’usage méthodique de l’euphémisme dans des documents pourtant déjà marqués du timbre geheime Reichsache (11), le rôle des Einsatzgruppen (12) dans le massacre des Juifs sur le front Est, l’interprétation du comportement non-interventionniste des Alliés, tous ces problèmes sont autant d’éléments qui justifient la sensibilité exacerbée que suscite l’approche d’un tel sujet.

Cette émotion se double d’une controverse concernant la genèse du plan de Endlösung-: «programme ou engrenage (13)» ? Pour les uns, manifestant ainsi une vision «hitlérocentrique (14)» c’est la responsabilité personnelle d’Hitler qui est à l’origine de cette politique, déterminée. Qualifiés d’ «intentionnalistes» ces historiens voient dans Mein Kampf l’annonce du Judenrein (15) c’est-à-dire d’un plan d’anéantissement appliqué progressivement. Les «fonctionnalistes», quant à eux, préfèrent analyser les processus de décision à travers la structure et le fonctionnement du système nazi ce qui les amène à élargir le cercle des responsabilités dans la conception et l’application du plan de Endlösung. Parmi eux, certains attachent une importance primordiale aux circonstances voyant dans l’évolution de la «question juive» une «spirale de radicalisation» (16).

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Mémoire et commémoration
La volonté d’A. Mayer d’historiciser le phénomène le range dans cette dernière catégorie. De nombreux reproches lui ont été, par ce fait, adressés qui ont affecté son travail d’un parfum de scandale précédant sa publication en France. La plupart de ses détracteurs distribuaient en fait les accréditations, échaudés qu’ils sont, il est vrai, par l’irruption du négationnisme. Ils dessinent cependant en filigrane une histoire officielle célébrant l’unisson de la mémoire et participant en fait plus du sacré que de la recherche historique.
Pierre Vidal-Naquet trace parfaitement la frontière entre ces deux démarches : «L’historien sait reconnaître le sacré, comme objet d’étude ; il ne saurait, sous peine d’imposture, y participer. Tout discours fermé sur lui-même relève du mythe, non de l’histoire» (17).

La violence des propos de ses détracteurs (18) a conduit A. Mayer à rédiger une postface dans laquelle il renvoie dos à dos les dogmatiques, qui affirment que le «judéocide» n’a eu aucun précédent dans l’histoire et rejettent toute éventualité d’imprécision dans les données existantes, et les sceptiques qui contestent la validité même de ce malheur juif singulier préférant parler de guerre exceptionnellement meurtrière. Non seulement leur dualisme est contraire à la démarche de l’historien «qui est de penser et de dépeindre la réalité dans sa diversité et sa complexité déconcertantes» (19), mais ces «pseudo-positivistes» sont également responsables de «la perpétuation de polémiques stériles et souvent venimeuses» (20).

À cette typologie, A. Mayer ajoute deux autres profils : celui des «réductionnistes» et celui des «extentionnalistes» (21). Les premiers voient dans le caractère immanent de l’antisémitisme propre à l’idéologie nazie la source du «judéocide», faisant ainsi preuve d’un «déterminisme  idéologique absolu et mécanique». Leur défaut majeur, selon notre auteur,  est de négliger la complexité «instable» de cette idéologie, «amalgame syncrétique» où  «l’antisémitisme coexistait avec un darwinisme social raciste, avec l’anticommunisme et avec un expansionnisme territorial dirigé contre l’Europe orientale».

Quant aux seconds, ils croient en débusquer la cause absolue dans l’acuité des conflits de classe, de statut et de pouvoir que connut l’Allemagne contemporaine sans voir la cohérence générale, la logique interne de l’idéologie nazie. C’est donc au moyen de ce qu’il nomme, avec un humour provocateur inhabituel pour de tels travaux, «des lunettes trifocales» (22), qu’il convient de dessiner le cadre analytique du «judéocide» sous la prudente rigueur de la narration des événements. L’exposé minutieux de sa démarche est l’occasion pour A. Mayer de présenter la question cruciale au centre de sa réflexion : quel a été le premier moteur de la radicalisation du désastre juif après le milieu de 1941 ?


La combinaison de la durée et de la simultanéité
Selon cette belle expression de Pierre Vidal-Naquet, A. Mayer s’attache à étudier comment la longue durée, la durée moyenne et le temps court interagissent pour produire cette «indicible souffrance physique et mentale endurée par les Juifs au cours de la nuit la plus noire qu’ait connue l’Europe chrétienne» (23). Pour en rendre compte, il partage sa réflexion en trois parties précédées de 35 pages où, sous le titre «repères historiques», A. Mayer précise la figure de l’analogie qui fonde son étude : la guerre de Trente ans et la conjonction particulière qu’elle a développée entre guerre et religion.

Par un parcours vertigineux, il traverse ainsi la guerre sainte des croisés et les massacres contre les Juifs perpétrés à Jérusalem (15 juillet 1099) et à Mayence (mai 1096), pour s’intéresser aux persécutions commises par les Espagnols (massacres contre les Juifs dès 1391, politique de l’Inquisition dès le XVè siècle et expulsion par l’édit de 1492), jusqu’à la croisade interne contre les Cathares, sans négliger l’adoption par les protestants «[de] l’idée et [de] la pratique de la violence sanctifiée» (24), cette guerre sainte nécessaire à la défense et à la propagation de la foi.

Cette longue mise en perspective appuie l’hypothèse centrale selon laquelle le mythe et la tradition de la guerre sainte, la guerre de croisade, sont restés latents pour être exploités lors de ce qu’A. Mayer désigne sous les expressions apposées «crise générale du XXe siècle» et «notre guerre de Trente Ans» (25). La première croisade, parce qu’elle conjugue violence extrême, meurtre de masse et meurtre des Juifs et essentiellement parce qu’elle sacralise les armes et les méthodes de destruction, offre des similitudes remarquables avec la croisade d’Hitler contre le régime et l’idéologie bolcheviques : «ce n’était pas déguiser mais bien sanctifier ses propres ambitions géopolitiques et ses armes» (26).
C’est d’ailleurs, comme le note également Pierre Vidal-Naquet, un des apports importants de cet ouvrage, que l’étude systématique et littérale de la sémantique de la croisade et de ses soldats sanctifiés dans le discours nazi. C’est à l’analyse du déroulement de cette «guerre-et-croisade» que s’attelle A. Mayer dans la suite de son livre.

La première partie couvre la période qui précède la fondation du régime nazi et qu’A. Mayer désigne par l’expression «âge d’or» (27). La population juive dont les 3/4 des actifs vivaient du commerce, de l’artisanat, des professions libérales et de la banque (28), achève ici, en effet, son émancipation commencée dès les Lumières. Dans l’Allemagne weimarienne acculturante et assimilatrice, dans la France du Front Populaire ou dans l’Angleterre des quartiers juifs pauvres, mais aussi dans les Soviets ou chez les conservateurs italiens, les Juifs acquièrent des droits civils et politiques et accèdent à un plus grand nombre de carrières. En cela ils diffèrent des Juifs orientaux, les plus nombreux, mais les plus pauvres et ceux qui subissaient l’exclusion la plus forte.

Cependant la modernisation économique les amène à se fixer en zone urbaine et à y fondre leurs traditions dans le milieu environnant. A. Mayer souligne dans ces pages la dépendance étroite de leur condition à deux facteurs : «un fragile compromis à l’intérieur du pays, une fragile tranquillité à l’extérieur.» Rien d’étonnant à ce que ce chapitre s’ouvre donc sur une étude de la place de la prophétie antijuive lancée par Hitler dans Mein Kampf. Selon l’analyse d’A. Mayer, la Weltanschauung nazie est le produit d’une pratique politique novatrice : un «syncrétisme» entre l’antisémitisme et l’antimarxisme, né d’une haine ancienne de la modernité (29) dans laquelle se reconnaissaient les élites allemandes traditionnelles, les dirigeants nazis et les petits bourgeois qui constituaient leur électorat. 

La deuxième partie s’ouvre sur «la dynamique de la désémancipation» et se clôt sur le chapitre central de l’échec de l’opération Barberousse, temps de la guerre, temps court présidant au massacre des Juifs : ce n’est pas dans l’exaltation de la croisade victorieuse, nous dit A. Mayer, mais dans l’amertume de l’échec, que se décide le plan de endlösung, en automne 1941.

De la mise en place d’une coalition de «concentration nationale» à la création des sites d’extermination dans les territoires sous l’autorité suprême de l’armée régulière, des Waffen-SS et de leurs exécuteurs, les Einsatzgruppen, notre auteur s’interroge durant 170 pages sur le passage à l’acte dans le cheminement de l’idéologie hitlérienne. Ainsi, qu’il s’agisse des conditions de recrutement des SS sous les symboliques conçues par Himmler (30) et plus largement de la période31 durant laquelle sont élaborées les lois de Nuremberg (32) et au moment où les Juifs perdent leurs droits civiques, qu’il s’agisse de l’expansion territoriale des années 1938 à 1940 catalysant l’émigration forcée, les ghettos et les déportations, ou qu’il s’agisse encore de la conception de la croisade pour éliminer le «judéo-bolchévisme» (33), A. Mayer y perçoit une gradation dans laquelle la campagne anti-juive n’était pas un but en soi.

«S’il y a jamais eu dans le IIIe Reich un développement organique en vue d’un but préétabli, c’est sans doute la croissance inévitable d’un Béhémoth conçu pour la guerre et la conquête, fruit de la collaboration de Hitler avec les élites traditionnelles» (34), tel est le premier des arguments qui étayent sa thèse. Le deuxième concerne la naissance du «judéocide» à imputer aux «convulsions d’une guerre inouïe, dont le but était de conquérir un Lebensraum dans l’Est européen, d’anéantir le régime soviétique et de détruire le bolchevisme international» (35) car c’est bien à l’automne 1941 que la décision du massacre des Juifs a été prise (36).

La troisième et dernière partie traite de l’évolution de la stratégie hitlérienne après l’échec de l’opération «typhon», l’assaut contre Moscou (37) : engluement et désarroi face à l’insuccès de ce défi, Hitler utilise l’expression «Sein oder Nichtsein» (38).  Ce brusque passage à la guerre de position et d’usure provoque un changement fondamental dans l’organisation de l’économie du IIIe Reich : Hitler mobilise toutes les ressources en homme (recrutement d’une main d’œuvre «alternative» dans trois foyers-: les prisonniers de guerre, la population civile des pays occupés, la population des camps de concentration et des ghettos) et en matériel (39), modifiant ainsi la place des SS dans l’économie allemande en leur accordant une importance encore plus grande. Mais cette guerre ne peut être qualifiée de «totale», c’est le noyau de la thèse soutenue par A. Mayer,  que par la définition d’un ennemi suprême que l’on puisse tuer.

La réflexion sur la conférence de Wannsee, initiée par Goering et Heydrich, est l’occasion pour A. Mayer de s’interroger sur les objectifs poursuivis par les nazis au moment de sa préparation : les termes de Gesamtlösung (solution globale), de Endlösung (solution finale) et l’expression zur Entführung (pour mener à bonne fin) n’indiquent pas nécessairement qu’il s’agissait de préparer l’élimination physique massive de millions de Juifs (40). Ces locutions apparaissent dans une lettre (41) qui fut de plus écrite, souligne notre auteur, au moment où une solution territoriale au «problème juif» se dessinait à nouveau avec l’invasion de la Russie.

En revanche, ces instructions de Goering «furent discutées, précisées et mises en pratique dans un contexte qui, depuis juillet, s’était entièrement modifié» (42). «Nous sommes bien conscients que la guerre ne peut se terminer que par l’extermination des peuples aryens ou par la disparition de la juiverie en Europe.  Le 1er septembre 1939, déjà, j’ai affirmé devant le Reichstag allemand (…) que le résultat de cette guerre serait l’anéantissement de la juiverie. Ainsi sera appliquée pour la première fois la loi bien juive : œil pour œil, dent pour dent» (43), A. Mayer date de cette période le procès interminable qu’Hitler a mené contre les Juifs.

Himmler mena à la suite de la conférence une double politique qui combinait les objectifs économiques et la volonté de «châtiment» pourtant opposés. Les rivalités entre le général SS Oswald Pohl, responsable du WVHA (44), et le directeur du RSHA (45) Reinhard Heydrich témoignent bien de la contradiction entre la logique de production, c’est-à-dire l’exploitation «rationnelle» et optimale de la main d’œuvre des camps et des ghettos pour la production de guerre, et la logique de meurtre, le plan d’extermination nazi. Tous cependant s’accordaient à instrumentaliser les détenus. Mais l’enlisement dans les défaites de la campagne de Russie renforça dramatiquement l’aspect le plus meurtrier de la «prophétie» hitlérienne.

C’est à cette démonstration que les quatre derniers chapitres s’attardent sur 150 pages.  Après avoir décrit ce qu’il nomme «la mise à sac de l’Europe» c’est-à-dire les spoliations, le pillage des ressources, l’enrôlement des travailleurs, période durant laquelle «le pouvoir nu institutionnalisait la violence brutale» en réaction à son «irrémédiable perte de contrôle» (46), A. Mayer consacre deux chapitres à Auschwitz et aux quatre sites d’extermination : Chelmno, Belzec, Sobibor et Treblinka.

Pour chacun d’entre eux, notre auteur tâche d’en caractériser l’évolution à travers l’étude de la réorganisation et du développement du système concentrationnaire. Là encore, il relie directement les circonstances créées par les opérations du front russe à la mise en place de cette «ineffaçable infamie» toute en récusant l’accusation qui pourrait lui en être faite d’en minimiser l’horreur. C’est en ce sens qu’il examine les procédures de Umsiedlung (47) des populations juives des ghettos mais aussi l’ampleur des massacres perpétrés dans tous ces camps parce qu’il ne veut permettre à aucun sceptique de s’appuyer sur les zones d’ombre ou les incertitudes occultées et refuse donc d’affirmer là où les corrélations et les rapports sont peu sûrs et controversés.

Pierre Vidal-Naquet voit dans cette attitude «un exemple appelé à devenir classique d’hypercritique historique» (48) insistant sur les travaux archéologiques rendus nécessaires par le négationnisme et désormais effectués : la recherche de Jean-Claude Pressac (49) n’autorise plus une telle prudence en ce qui concerne les chambres à gaz d’Auschwitz.
De même, tout en étant en accord avec A. Mayer lorsque ce dernier réfute l’idée que le gazage changerait la nature du crime parce qu’il en augmenterait la souffrance (la vie dans les ghettos démontre le contraire) ou encore celle qui insiste sur la nature industrielle de la technique utilisée, il ne souscrit pas en revanche à son appréciation globale car, selon lui, c’est l’anonymat des bourreaux face à l’anonymat des victimes et donc l’innocence du meurtre qui en fait un élément particulier du «judéocide».

Des pages particulièrement éclairantes examinent minutieusement l’évolution dans les ghettos, notamment celui de Lodz et les atermoiements d’Himmler entre les productivistes et les «exterminationnistes» (50). À cette occasion, A. Mayer étudie les relations entre le programme T4, le principe d’utilité qui le fonda, propice à l’extension de l’euthanasie, et la réflexion des nazis réunis à Poznan en juillet 1941 ou celle du Dr Wetzel, conseiller de Rosenberg pour les affaires juives envisageant de créer des camps pour Juifs à Riga et à Minsk :  «Vu la situation, il n’y a pas d’objection à ce que les Juifs inaptes au travail soient éliminés grâce aux remèdes de Brack (51)» (52). «La débâcle finale» (53) «déchaîna [alors] la violence du régime agonisant» (54).


Ce n’est pas aux théologiens de s’emparer de cette question
C’est ainsi que Pierre Vidal-Naquet conclut sa préface marquant son soutien à A. Mayer pour avoir tenté de reprendre à son compte la question formulée dans la chronique de la première croisade relatant le massacre des juifs à Mayence : «Pourquoi les cieux ne se sont-ils pas obscurcis ?».
Car les accusations furent vives, notamment celles qui lui ont reproché «de relativiser la logique d'une vision du monde qui faisait effectivement du juif cet ennemi à tuer», et de privilégier «une théorie des circonstances qui ne fait de la terreur qu’un sous-produit d'une banale fuite en avant expansionniste» (55).

Le même censeur utilise l’argument d’autorité pour ôter toute légitimité à la démarche raisonnée de l’historien : «Comprendre ne signifie pas dénier ce qui est révoltant, ni déduire de précédents ce qui est sans précédents, ni expliquer des phénomènes par des analogies et des généralités telles que les atteintes du réel, le choc de l'expérience soient effacés» (56).

Cette appréciation est d’autant plus curieuse (57) que nombreuses sont les pages de l’ouvrage d’A. Mayer qui nomment avec les qualificatifs les plus extrêmes et les plus clairs la barbarie et l’antisémitisme nazis et qu’il utilise à de très nombreuses reprises les termes de singulier ou de singularité pour définir le «judéocide». Et bien loin de faire preuve d’ambiguïté quant à son sujet, il pondère le concept de «totalitarisme», dans son acception ahistorique qui donnait de la réalisation politique de ce «système» l’image erronée d’indestructibilité, faisant ainsi preuve d’un déterminisme regrettable.

En revanche, il est vrai qu’aucune place n’est accordée à la question de l'adhésion populaire et de la cécité collective face à l’«abjecte monstruosité». Mais A. Mayer se défend d’avoir voulu mener une étude complète du «judéocide» et ce serait lui intenter un procès d’intention que de lui en faire le reproche comme c’en est un que de le soupçonner de déni de l’absolue barbarie parce qu’il aurait rendu ce massacre «en quelque sorte «utile» fût-ce à la logique monstrueuse d'une guerre absurde» (58).

«N'est-ce pas un peu concéder à l'horreur que de prétendre à tout prix en rendre raison-?». En s’interrogeant ainsi, P. Bouretz prive tout historien de sa liberté, celle qui permet à A. Mayer d’écrire à la mémoire de Marc Bloch en invoquant le droit à rechercher «ce qui fut non seulement singulier mais aussi universel dans l’indicible souffrance physique et mentale endurée par les Juifs au cours de la nuit la plus noire qu’ait connue l’Europe chrétienne» (59).

Didier Butzbach
Didier_Butzbach

professeur de Lettres-Histoire-Géographie,
académie de Créteil
source de ce texte

notes

1 - «Endlösung».
2 - Notes de lecture établies à partir de la réédition en format poche du livre d’Arno Mayer, La «solution finale» dans l’histoire, La Découverte/Poche, 2002 (édition originale : 1988), 566 p. Merci à Philippe Marbach, enseignant dans l'académie  de Besançon, de nous avoir mis sur la piste de ce grand livre.
3 - Extrait de la Chronique de Salomon bar Simson, relatant le massacre des Juifs de Mayence par les croisés, en 1096 ap. J.-C., lors de la première croisade. Citation placée en exergue au livre d’Arno Mayer.
4 - A. Mayer, op.cit., «avant-propos» p.7.
5 - A. Mayer s’en défend par deux arguments : il destine son ouvrage à un large public et ne souhaite pas de ce fait en alourdir la lecture; il confirme que son travail n’apporte rien de neuf du point de vue factuel mais consiste à réinterroger les documents existants et les faits incontestés pour formuler des interprétations différentes.
6 - Expression de François Furet.
7 - A. Mayer, op.cit., p.13.
8 - A. Mayer, op.cit., p.15.
9 - «conseil juif» : voir ceux des ghettos de Lodz et Varsovie, notamment un rapport de la Gestapo locale constatant : «malgré la nourriture insuffisante, les Juifs s’efforcent de fournir un travail irréprochable et donnant toute satisfaction.» cité par A. Mayer, op.cit., p.440.
10 - cf. le danger de La concurrence des victimes, Michel Chaumont, La Découverte, 1997
11 - «Très secret»
12 - (ou Einsatzkomandos) «groupes d’intervention»
13 - Philippe Burin, Hitler et les Juifs : genèse d’un génocide, Le Seuil, 1989
14 expression de François Bédarida : le nazisme et le génocide, histoire et témoignages, Presses Pocket, 1992. Cet ouvrage présente plus de 180 pages témoignages regroupés après l’analyse de l’auteur.
15 - «purifiée du “poison” juif» selon la terminologie biologiste de parasitologie chère à Hitler. A. Mayer en propose une étude particulière, op. cit., chapitre IV, «le syncrétisme de Mein Kampf», particulièrement les pp.124 à 127.
16 - F. Bédarida, op. cit., p.68.
17 - «Préface», in A. Mayer, op. cit., p.I.
18 - Le magazine New Republic critique A. Mayer en parlant de « révisionnisme américain»
19  - C’est nous qui soulignons, A. Mayer, op. cit., “postface” p.501.
20 - ibid.
21 - A. Mayer,
op. cit., p.503
22 - A. Mayer,
op. cit., p.505
23 - A. Mayer,
op. cit., p.514. Cette longue citation, magistrale, marque à quel point le projet d’A. Mayer est sans ambiguïté.
24 - A. Mayer,
op. cit., p.49
25 - A. Mayer, op. cit., p.50
26 - A. Mayer,
op. cit., p.54
27 - Titre du chapitre II de son ouvrage.
28 - Elle ne pèse pourtant qu’un poids minime dans l’ensemble de l’économie allemande.
29 - «Le désir de nier la raison, la science et le progrès pour leur préférer l’intuition, l’irrationnel  et le retour à un passé idéalisé» A. Mayer, op. cit., p.115
30 - Le noir de l’uniforme, l’insigne à tête de mort, le culte germano-aryen, autant d’éléments de séduction «pour inspirer au novice le sentiment d’entrer dans une sorte d’ordre de chevalerie, réservé aux seuls élus», A. Mayer, op. cit., p.169.
31 - L’inquiétude des nazis face à l’émergence des fronts populaires en Espagne et en France dont sont responsables les démocraties bourgeoises d’Europe aveugles au fait que la politique du Komintern mènerait sans compromis à la domination mondiale.
32 - Lire à ce propos le récit de la session extraordinaire du Reichstag convoquée par Hitler à Nuremberg au moment et à l’endroit même où se tenait le 7e congrès du parti nazi le «congrès de la liberté» (pp.174 à 180). Lire également la narration de la séance inaugurale du Parlement, le 21 mars 1933 à Postdam (pp.148 à 150) et le rôle central du Kronprinz dans la cérémonie et l’allégeance à Hitler.
33 - L’opération «Barberousse» : A. Mayer conclut ce chapitre particulier (pp. 261 à 268) en revenant à sa figure analogique, la première croisade médiévale, guerre sainte, archétype des suivantes.
34 - A. Mayer, op. cit., p.189
35 - A. Mayer, op. cit., p.269
36 - «Au niveau le plus élevé la juiverie a été désignée avec la plus grande vigueur comme l’incendiaire responsable en Europe, qui, en Europe, doit disparaître définitivement.» (lettre de Heydrich, directeur du RSHA –voir supra, du 6 novembre 1941). Le travail de Philippe Burrin, Hitler et les Juifs. Genèse d’un génocide, Le Seuil –coll.XXe siècle, 1989, utilise la même chronologie qu’A. Mayer.
37 - Lire sa description (pp. 280 à 284).
38 - «La survie ou la mort».
39 - Directive «Armement 1942».
40 - Cette affirmation a fait l’objet de polémiques car on a voulu y voir (cf Esprit, n°178, janvier 1992, pp.170-173) une volonté délibérée de réduire la portée du sens des mots.
41 - Lettre du 31 juillet 1941, signée par Goering et adressée à Heydrich.
42 A. Mayer, op. cit., p.332
43 - Discours d’Hitler au palais des sports de Berlin , le  30 janvier 1942, cité par A. Mayer, op. cit., p.348.
44 - Office central de l’économie et de l’administration
45 - Office central de sécurité du Reich.
46 - A. Mayer, op. cit., p.354: «ce rêve fracassé les conduisit à enfreindre la plupart des règles traditionnelles de la politique, de la morale, de la religion et surtout les notions d’humanité qui en découle»
47 - «Réinstallation», euphémisme de «déportation».
48 - «Préface», in A. Mayer, op. cit., p.IX.
49 - J.-C. Pressac, Auschwitz : technique and operations of the gaz chambers,  the Beate Klarsfeld Foundation, New-York, 1989.
50 - A. Mayer, op. cit., pp. 434 à 448.
51 - Colonel SS assistant de Boulher (Reichsleiter du parti) et responsable du programme d’euthanasie des enfants anormaux et des adultes malades mentaux, programme initié dans le plus grand secret dès 1938.
52 - Lettre du Dr Erhard Wetzel au Gauleiter Heinrich Lohse du 25 octobre 1941
53 - Titre du dernier chapitre.
54 - A. Mayer, op. cit., p.454
55 - Pierre Bouretz, article paru dans le n°178 de la revue Esprit.
56 - Hannah Arendt, Nature du totalitarisme, Payot, 1990.
57 - Rappelons, à la suite de Pierre Vidal-Naquet, qu’Hannah Arendt elle-même a subi les calomnies contre son livre Eichmann à Jérusalem.
58 - Pierre Bouretz, op. cit.
59 - Dernières lignes du livre d’A. Mayer, op. cit.

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29 avril 2009

Considérez si c’est un homme

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Si c'est un homme

Primo Levi

                                      Vous qui vivez en toute quiétude
                                      Bien au chaud dans vos maisons,
                                      Vous qui trouvez le soir en rentrant
                                      La table mise et des visages amis,
                                      Considérez si c’est un homme
                                      Que celui qui peine dans la boue,
                                      Qui ne connaît pas de repos,
                                      Qui se bat pour un quignon de pain,
                                      Qui meurt pour un oui ou pour un non.
                                      Considérez si c’est une femme
                                      Que celle qui a perdu son nom et ses cheveux
                                      Et jusqu’à la force de se souvenir,
                                      Les yeux vides et le sein froid
                                      Comme une grenouille en hiver.
                                      N’oubliez pas que cela fut,
                                      Non, ne l’oubliez pas :
                                      Gravez ces mots dans votre cœur.
                                      Pensez-y chez vous, dans la rue,
                                      En vous couchant, en vous levant ;
                                      Répétez-les à vos enfants.
                                      Ou que votre maison s’écroule,
                                      Que la maladie vous accable,
                                      Que vos enfants se détournent de vous.


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Primo Levi en 1986

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le Mémorial de Carpi à proximité de Fossoli, un des camps d’internement italien
où fut emprisonné Primo Levi avant d’être déporté à Auschwitz


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24 avril 2009

textes et écrits sur le féminisme dans l'histoire

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17 mai 1908


le féminisme dans l'histoire

du XIXe siècle




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la figure de Flora Tristan (1803-1844)

Flora Tristan a sa place en histoire de France dans le même compartiment que sa contemporaine George Sand, celui des femmes que leurs déboires privés, aggravés par les injustices propres à la condition féminine d’alors, ont amenées à une sorte d’anticipation du féminisme, en même temps qu’à une insertion inattendue dans les combats politiques de leur siècle. Combats de la gauche bourgeoise, pourrait-on dire, pour George Sand, qui devient libérale puis républicaine, combats de l’extrême-gauche pour Flora Tristan, qui demeure comme un acteur trop peu connu du «mouvement ouvrier».

Elle était d’éducation très bourgeoise, étant fille d’un noble et riche Péruvien marié en Espagne à une Française. Le mariage ayant été béni par un prêtre en exil mais n’ayant pu être enregistré civilement fut considéré comme nul et, après la mort de son père, Flora, malgré un voyage au Pérou, ne put obtenir la moindre part d’héritage de la famille américaine. Donc, retour à Paris, et vie dans la précarité, tantôt dame de compagnie, tantôt ouvrière d’art (gravure, lithographie). Un patron la séduit, l’épouse, ils ont des enfants ; puis c’est la séparation, échange sordide de procès et de coups. Le poumon percé d’un coup de pistolet en 1838, Flora Tristan, la santé ébranlée, mourut «poitrinaire» six ans plus tard. Les enfants survécurent, et l’une des filles devait devenir la mère de Paul Gauguin.

Assez proche du peuple pour en subir et en sentir les misères, et assez lettrée pour connaître le monde foisonnant des artistes, écrivains et théoriciens des années 1830 et 1840, Flora Tristan devient l’une des plus authentiques et des plus complètes figures du socialisme dit utopique, précurseur de la Révolution de 1848. Un roman, Memphis, une autobiographie, Pérégrinations d’une paria, une enquête sévère dans le pays phare du capitalisme industriel, Promenades dans Londres, enfin un essai de programme et d’appel à la constitution d’une association ouvrière réformatrice, l’Union ouvrière.

Pour prolonger le succès parisien de ce dernier écrit, elle se lance dans un «Tour de France» de plusieurs mois qu’elle n’aura pas le temps d’achever, mourant épuisée à Bordeaux où sa tombe, érigée en 1848, est visible au cimetière Bordeaux-Chartreuse. La mémoire de Flora Tristan nous aide utilement à enrichir l’histoire d’un «mouvement ouvrier» réel, qu’on ne saurait réduire aux noms évocateurs et symboliques de Karl Marx, d’Auguste Blanqui ou d’Agricol Perdiguier.

Maurice Agulhon
professeur honoraire au Collège de France
membre du Haut comité des célébrations nationales


Flora Tristan

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sand

une lettre de l'écrivain George Sand (1804-1876)

On évoque souvent le "féminisme" de George Sand, sa volonté de liberté et d'autonomie (notamment financière, grâce à ses talents, et à ses revenus, d'écrivain). Mais la question de la participation durable des femmes à l'activité politique n'est pas possible selon elle.

à Édouard de Pompéry
Paris, 23 décembre 1864

Cher Monsieur,

Je n'ai pas encore pu lire votre livre (1). je ne fais pas de mon temps ce qui me plaît ; mais j'ai lu l'article de la Revue de Paris et je ne serai pas parmi vos contradicteurs. Je pense comme vous sur le rôle que la logique et le coeur imposent à la femme. Celles qui prétendent qu'elles auraient le temps d'être députés et d'élever leurs enfants ne les ont pas élevés elles-mêmes ; sans cela elles sauraient que c'est impossible. Beaucoup de femmes de mérite, excellentes mères, sont forcées, par le travail, de confier leurs petits à des étrangères ; mais c'est le vice d'un état social qui, à chaque instant, méconnaît et contrarie la nature.

La femme peut bien, à un moment donné, remplir d'inspiration un rôle social et politique, mais non une fonction qui la prive de sa mission naturelle ; l'amour de la famille. On m'a dit souvent que j'étais arriérée dans mon idéal de progrès, et il est certain qu'en fait de progrès, l'imagination peut tout admettre. Mais le coeur est-il destiné à changer ? Je ne le crois pas, et je vois la femme à jamais esclave de son propre coeur et de ses entrailles. J'ai écrit cela maintes fois et je le pense toujours.

je vous fais compliment des remarquables progrès de votre talent, la forme est excellente et rend le sujet vivant et neuf, en dépit de tout ce qui  été dit et écrit sur l'éternelle question.

Bien à vous.

George Sand

(1) La femme dans l'humanité, sa nature, son rôle et sa valeur sociale, Hachette, 1864.Lettres_d_une_vie

in George Sand, Lettres d'une vie, choix et présentation de Thierry Bodin,
Folio-classique, 2004, p. 1048.





le féminisme de George Sand


De son vivant, George Sand fut considérée comme trop féministe par les uns, pas assez selon d’autres. La question reste posée de nos jours, comme le démontrent les titres de quelques-uns des articles publiés dans Le Magazine Littéraire de mai 2004 déjà cité : «Femme ? La question inévitable» de Christine Planté, et de Michelle Perrot «George Sand n’a pas trahi le féminisme» (17). Pour ces deux auteurs, si la baronne Dudevant ne fut pas à la pointe des premiers combats féministes, ses romans ont à l’évidence posé clairement les problèmes, et à titre personnel, elle a su préserver ses droits en obtenant une séparation d’abord amiable, puis judiciaire d’avec son mari Casimir Dudevant. Grâce à ses talents d’écrivain, elle démontre qu’une femme peut obtenir son autonomie financière, chose rare à l’époque.

L’accueil réservé fait par George Sand aux mouvements féministes peut s’expliquer par des motifs conjoncturels, d’une part, et par les lacunes que comportait l’éducation des femmes à cette époque. Il n’est pas sans intérêt de noter que les relations de George Sand et de Flora Tristan, dont les idées étaient proches des siennes à bien des égards ne furent pas toujours cordiales.

En 1837, Flora Tristan, dans les Pérégrinations d’une paria, reproche à George Sand la prudence qui l’amène à formuler ses critiques de la condition féminine sous le voile de la fiction romanesque, et à l’abri d’un pseudonyme masculin (18). Cette divergence de points de vue n’empêche pas les deux femmes d’entrer en relations. Mais George Sand aura une attitude de plus en plus réservée à l’égard de Flora, à qui elle reproche son exaltation de propagandiste, ainsi qu’un excès de confiance dans ses idées qu’elle qualifie d’«enfantillages» (19). La controverse de George Sand avec Eugénie Niboyet, en 1848, est mieux connue et amène George Sand à préciser ses positions.

Le 16 avril 1848, Eugénie Niboyet proposait dans le journal La voix des femmes, la candidature de George Sand aux élections de l’Assemblée Constituante. Celle-ci répond par un désaveu le 8 avril suivant dans une lettre au rédacteur de La Réforme et à celui de La Vraie République. Elle regrette que son nom ait été avancé sans qu’elle ait été consultée : «Je ne puis permettre que, sans mon aveu, on me prenne pour enseigne d’un cénacle féministe avec lequel je n’ai jamais eu la moindre relation, agréable ou fâcheuse» (20).

Pour George Sand, les femmes ne peuvent, en l’état, participer à la vie politique, en raison du type d’éducation qui leur est donnée, et de leur statut matrimonial. Cette situation n’est peut-être pas définitive, mais il faudra pour qu’elle évolue que les structures de la société se modifient en profondeur. Le héros du roman Isidora, Jacques Laurent se donne pour tâche de «régler les rapports de l’homme et de la femme dans la société, dans la famille, dans la politique» (21).

L’éducation, les mœurs, les coutumes sont à l’origine du statut actuel des femmes. Si ces facteurs étaient modifiés, il se pourrait «que les aptitudes de l’un ou de l’autre sexe fussent complètement modifiées» (22).
Au fil des années, les idées de George Sand en ce qui concerne les femmes se modifieront peu. Elle indique dans sa correspondance que l’amour maternel prévaudra toujours sur n’importe quelle considération, notamment dans une lettre à Édouard de Pompéry en date du 23 décembre 1864 : «Je vois la femme à jamais esclave de son cœur et de ses entrailles» (23).

Marie-Reine Renard
"Les idées religieuses de George Sand", article paru dans
Arch. de Sc. soc. des Rel., 2004, 128, (octobre-décembre 2004), p. 25-38

George Sand

 

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maison de George Sand à Nohant, village paisible de l'Indre à côté de Chateauroux

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9 avril 2009

bilan guerres mondiales

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plaque des "morts pour la France",
lycée Claude Lebois à Saint-Chamond



pertes humaines et bilan matériel

des guerres mondiales



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cliquer sur le tableau pour l'agrandir, le lire correctement et l'imprimer

 

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26 mars 2009

à propos de "Désert" de J.M.G. Le Clézio

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les contextes et espaces

de Désert, roman de J.M.G. Le Clézio



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Le livre est composé de deux récits qui s'intercalent celui de Nour et des nomades (hommes bleus) du désert de la Seguiet el Hamra en 1909-1910, avec la figure du cheikh soufi Ma el Aïnine (1838-1910) ; et celui de Lalla dans les années 1960-70, sans que ces dates soient précisées.

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la Saguiet el Hamra

La Seguiet el Hamra est la province du nord du Sahara occidental. Ce dernier a été espagnol au temps de la colonisation.

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sirocco au campement saharoui de Smara, photo © Eleleku (source)


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carte du Sahara occidental (légende en langue espagnole)

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le Sahara occidental



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le désert du Sahara

Le Sahara s'étend sur tout le nord de l'Afrique.

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Sahara algérien, oasis de Tamentit

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village saharien : carte postale ancienne colorisée





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histoire du Sahara marocain

La France a conquis l'Algérie à partir de 1830. Mais le Maroc voisin est dirigé par un sultan appelé Moulay. Au XIXe siècle, plusieurs puissances s'intéressent à cette région-: l'Angleterre, l'Espagne, l'Allemagne, et la France bien sûr. Le sultan Moulay Hassan (1873-1894) parvint à maintenir l'indépendance de son pays en jouant des rivalités entre ces puissances.

Il n'en va pas de même de son successeur, Moulay Abdellazziz (1894-1907) très attiré par les innovations occidentales et qui désorganisent l'administration traditionnelle.





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12 février 2009

droit de suffrage électoral

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«Ça c'est pour l'ennemi du dehors, pour le dedans, voici
comme l'on combat loyalement les adversaires...»

L'urne et le fusil, gravure de M.L. Bosredon, avril 1848



évolution du droit de suffrage électoral

de 1790 à 1851


                                                                       hommes de + 21ans
                                              électeurs               (en millions)            en %

1790                          4 500 000               8,2            55        suffrage indirect

1792                          7 000 000               8,2            85        suffrage indirect

1795                          6 000 000               8               75        suffrage indirect

1800                          6 000 000               8,1            74        suffrage indirect

1815                            110 000                8                 1,4

1815 (15 mai)                66 500                8                 0,8

1825                             89 000                8,8               1

1830                           166 000                9,2               1,8

1845                           241 000              10,3               2,3

1848                        9 600 000              10,7             90

1850                        6 800 000              10,7             64        loi du 31 mai 1850

1851                        9 800 000              10,7             92


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5 mars 1848, décret du Gouvernement provisoire
sur les élections prévues pour le 9 avril
(cliquer sur l'image pour l'agrandir)




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10 février 2009

Louis XIV

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4 février 2009

crises politiques de 1870 à 1940 - devoir à la maison (DM)

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février 1934


qu'est-ce qu'une "crise politique"

sous la IIIe République ?



 

Qu'entendons-nous par "crises politiques" ? (...) Ce sont les grandes perturbations qui ont mis en danger le système de gouvernement républicain. De ce fait, on a éliminé une série de tensions et de commotions politiques (séquence anarchiste des années 1891-1893, "Panama", mouvement social de 1919-1920, Front populaire, "Munich"...), dans la mesure où elles n'ont pas exercé une véritable menace sur l'organisation des pouvoirs.

Les crises retenues sont en rapport direct avec la forme gouvernementale du pays remise par elles en question. Il s'agit :
1) de la Commune de Paris, dont une des causes est le danger de restauration monarchique ;
2) du 16 mai 1877, dont l'enjeu est la prééminence disputée entre l'exécutif et le législatif ;
3) du boulangisme, protestation contre la prépotence de la Chambre au préjudice du suffrage universel ;
4) de l'affaire Dreyfus, nouvelle offensive contre la souveraineté parlementaire sous les couleurs nouvelles du nationalisme ;
5) du 6 février 1934, qui traduit le ralliement d'une partie des classes moyennes aux solutions d'autorité contre le système parlementaire ;
6) du 10 juillet 1940, qui clôt, à la faveur de la défaite, la IIIe République.

Michel Winock, La fièvre hexagonale.
Les grandes crises politiques, 1871-1968
,
Points-Seuil, 1987, p. 10-11
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Devoir à la maison

Exposez, pour chacune de ces crises : a) le contexte politique (la situation générale, les rapport des forces, qui gouverne...), économique et sociale (crise ou pas crise...) ; b) les protagonistes des événements (qui affronte qui..., les positions et programmes des uns et des autres...) ; c) les principaux épisodes et le dénouement de chaque conflit.

 

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Base documentaire

Plusieurs documents évoquent les mêmes faits, ou une partie des mêmes faits, mais ne proposent pas toujours une interprétation identique. Ils doivent être comparés. Et sont à utiliser partiellement ; il ne faut pas les recopier, même en extraits...

 

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barricade parisienne, 18 mars 1871

1) une chronologie des années 1870 et 1871

 

1870
4 septembre : Chute du Second Empire. Proclamation de la République.
5 septembre : Formation de comités de Salut public en Province.
6 septembre : Étienne Arago est nommé maire de Paris par le gouvernement.
7 septembre : Le gouvernement annonce qu'il ne cédera pas face à la Prusse.
12 septembre : Soulèvement à Lyon.
15 septembre : Échec de l'entrevue de Ferrière entre Bismarck et le gouvernement.
19 septembre : Les troupes prussiennes assiègent Paris.
21 septembre : Rejets des conditions exigées par Bismarck pour un armistice.
27 septembre : Capitulation de Strasbourg à Koenigshoffen.
28 septembre : Insurrection lyonnaise sous l'impulsion de Bakounine.
2 octobre  : Gambetta s'échappe de Paris en ballon.

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le légendaire départ de Gambetta en ballon

5 octobre : Guillaume II s'installe à Versailles.
7 octobre : Garibaldi arrive à Marseille pour apporter son soutien contre la Prusse.
8 octobre : Les Prussiens entrent dans Orléans.
9 octobre : Arrivée de Gambetta à Tours.
9 octobre : Gambetta propose à Garibaldi, le commandement des corps francs.
13 octobre : Arrivée de Garibaldi à Dôle, où il installe son quartier général.
21 octobre : Entrevue entre Gambetta et Thiers à Tours.
26 octobre : Échec d'une offensive prussienne contre les troupes de Garibaldi à Lantenay.
27 octobre : Bazaine capitule à Metz.
30 octobre : Les troupes du général Fauconnet repoussent l'attaque prussienne sur Dijon.
31 octobre : Insurrection à Paris.
31 octobre : Capitulation de Dijon ; les armées prussiennes sentrent dans la ville.
3 novembre : Forte abstention des Parisiens appelés à un plébiscite.
7 novembre : Reprise d'Orléans par les troupes françaises.
8 novembre : Giuseppe Garibaldi à la tête de l'armée des Vosges s'intalle à Autun.

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19 novembre : Attaque de la IVe Brigade de Riciotti Garibaldi contre les Prussiens à Châtillon-sur-Seine.
26 novembre : Échec d'une offensive des troupes garibaldiennes sur Dijon.
1 décembre : Échec de l'offensive prussienne contre Garibaldi à Autun.
2 décembre : Échec de l'offensive française à Patay.
8-9 décembre : Transfert du gouvernement à Bordeaux.
13 décembre : Les Prussiens s'emparent de Tours.
18 décembre : Échec de l'offensive prussienne sur Nuits-Saint-Georges.
27 décembre : Les armées prussiennes évacuent Dijon.

1871
5 janvier : Bombardement de Paris par les armées prussiennes.
6-12 janvier : Bataille du Mans.
7 janvier : Garibaldi s'installe avec l'armée des Vosges à Dijon.
9 janvier : Défaite françaises à Villersexel.
10 janvier : Échec d'une tentative de sortie des armées parisiennes.
18 janvier : Guillaume Ier, roi de Prusse est couronné empereur d'Allemagne dans la galerie des glaces de Versailles.
21 janvier : Attaque de armées prussiennes contre Dijon repoussée par les combattants garibaldiens.
22 janvier : Manifestations devant l'hôtel de ville à Paris.
22 janvier : Négociations à Versailles entre Bismarck et le gouvernement.
22 janvier : Nouvel échec d'une offensive prussienne sur Dijon.
23 janvier : Nouvel échec des troupes prussiennes sur Dijon ; capture du drapeau du 8e Poméranien par la IVe brigade Riciotti Garibaldi.
28 janvier : Armistice franco-allemand (21 jours), capitulation de Paris.
29 janvier : Les forts parisiens passent sous contrôle des armées prussiennes.
6 février : Gambetta opposé à l'armistice démissionne.
8 février : Élection de l'assemblée nationale.
13 février : Première réunion de l'assemblée nationale à Bordeaux.
15 février : La garde nationale de Paris s'oppose à la paix.
17 février : Thiers devient chef du gouvernement.
26 février : Signature des préliminaires de paix entre la Prusse et la France.
26 février : Transfert des canons achetés par souscription nationale à Montmartre.
1 mars : Les Prussiens entrent dans Paris.
1 mars : L'assemblée nationale accepte les conditions de paix de Bismarck.
2 mars : Les armées prussiennes défilent sur les Champs-Elysées.
3 mars : Constitution de la Fédération républicaine de la garde nationale.
10 mars : Pacte de Bordeaux suspendant toute décision sur la nature du régime.
16 mars : Retour du gouvernement à Paris.
17 mars : Arrestation de Blanqui.
18 mars : Échec de la tentative gouvernementale de s'emparer des canons de Montmartre.
20 mars : Thiers et l'assemblée nationale s'installe à Versailles.
22 mars : Manifestation parisienne place Vendôme.
22 mars : Soulèvement de la Guillotière et instauration de la commune à Lyon.
23 mars : Instauration de la Commune de Marseille.
24 mars : Soulèvement à Narbonne, Saint-Étienne et Toulouse.

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26 mars : Élections de la Commune de Paris.
26 mars : Reddition de la ville de Bitche.
27 mars : Fin de la Commune de Toulouse.
28 mars : Proclamation de la Commune à l'hôtel de ville.
28 mars : Fin de la Commune de Saint-Étienne.
31 mars : Fin de la Commune de Narbonne.
2 avril : La Commune de Paris proclame la séparation de l'élise et de l'état.
2 avril : Attaque des troupes gouvernementales au pont de Neuilly.
3 avril : Échec d'une tentative de sortie contre les troupes gouvernemantales à Versailles.
4 avril : Capture et exécution de Duval chef des troupes communardes.
5 avril : Cluseret prend la tête des armées communardes.
5 avril : Arrestation de 74 otages par les Communards.
1 mai : Création d'un comité de Salut Public à Paris.
1 mai : Cluseret est évincé au profit de Rossel.
5 mai : La commune de Paris interdit sept journaux pro-gouvernementaux.
9 mai : Prise du fort d'Issy par les armées versaillaises.
10 mai : Rossel (démissionnaire) est remplacé par Delescluze.
10 mai : Traité de Francfort instituant la paix avec l'Allemagne en contrepartie de l'Alsace, la Lorraine et d'indemnités.
13 mai : Prise du fort de Vanves par les troupes versaillaises.
16 mai : Les Communards mettent à bas la statue de Napoléon place Vendôme.
18 mai : Ratification du traité de Francfort par l'assemblée nationale.
21 mai : L'armée de Versailles entre dans Paris, début de la semaine sanglante.
23-24 mai : Incendie du palais des Tuileries par les Communards.
24 mai : Exécution de 6 otages par les insurgés.
24-26 mai : Exécution des Fédérés par les Versaillais (424†).
25 mai : Mort de Delescluze, chef des troupes communardes.
26 mai : Exécution de 52 otages par les Communards.
28 mai : Chute du dernier bastion communard.
8 juillet Victoire des républicains aux élections.
31 août : Thiers est élu président de la République et l'assemblée nationale devient constituante.

1872
novembre  : A. Thiers se prononce pour la République.

 

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Communards fusillés

 


2) le programme de la Commune

Élu le 26 mars 1871, le conseil municipal de Paris, dominé par des républicains radicalisés et des socialistes, s'est proclamé Commune de Paris. Ce gouvernement insurrectionnel expose son programme.

" Dans le conflit douloureux et terrible qui menace encore Paris des horreurs du siège et du bombardement, (...) la Commune de Paris a le devoir (...) de préciser le caractère du mouvement du 18 mars, incompris, inconnu et calomnié par les hommes politiques qui siègent à Versailles.
[Paris demande]
- La reconnaissance et la consolidation de la République, seule forme de gouvernement compatible avec les droits du Peuple.
- L'autonomie absolue de la Commune étendue à toutes les localités de la France et assurant à chacune l'intégralité de ses droits.
- Les droits inhérents à la Commune sont : le vote du budget communal, recettes et dépenses;  la fixation et la répartition de l'impôt ; (...) l'organisation de sa magistrature, de la police intérieure et de l'enseignement;  l'administration des biens appartenant à la Commune.
- Le choix par l'élection ou le concours, avec la responsabilité et le droit permanent de contrôle et de révocation des magistrats ou fonctionnaires communaux de tous ordres. La garantie absolue de la liberté individuelle, de la liberté de conscience et de la liberté de travail (...).
- L'intervention permanente des citoyens dans les affaires communales par la libre manifestation de leurs idées. (...)
- L'unité, telle qu'elle nous a été imposée jusqu'à ce jour par l'Empire, la monarchie et le parlementarisme, n'est que la centralisation despotique, inintelligente, arbitraire et onéreuse. L'unité politique telle que la veut Paris, c'est l'association volontaire de toutes les initiatives locales. (...)
La Révolution communale, commencée par l'initiative populaire du 18 mars (...) c'est la fin du vieux monde gouvernemental et clérical, du militarisme, du fonctionnarisme, de l'exploitation, de l'agiotage, des monopoles, des privilèges auxquels le Prolétariat doit son servage, la Patrie ses malheurs et ses désastres."

extrait de l'Enquête parlementaire sur l'insurrection du 18 mars 1871

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3) Victor Hugo et la crise du 16 mai 1877

Aux élections de 1876, les électeurs ont désigné une majorité républicaine, alors que le Président de la République, la maréchal de Mac-Mahon, espérait le retour d’une majorité monarchiste. Il décide le 16 mai 1877 de dissoudre la Chambre des députés pour tenter d’obtenir une majorité conforme à ses attentes.

Victor Hugo s’oppose à cette manœuvre qu’il considère comme attentatoire à la volonté des électeurs.

Finalement, Mac-Mahon échoue : la majorité républicaine est confirmée par les électeurs. Le Président Mac-Mahon doit se soumettre, puis se démettre. Il présentera en effet sa démission en janvier 1879.

Les institutions de la IIIe République exigeaient l’accord du Sénat avant toute dissolution de la Chambre des députés par le Président de la République. Victor Hugo, sénateur, refuse la dissolution de la Chambre des députés lors de la crise du 16 mai :

"Oui, à cette heure, l’esprit de gouvernement est dans l’opposition, et l’esprit de révolution est dans le gouvernement. […] Oui, soyez le gouvernement. Arrêtez net cette étrange insurrection du 16 mai. […] Le Sénat, en rejetant la dissolution, rassure la patrie et prouve qu’il est nécessaire."

Discours contre la dissolution, Sénat, 12 juin 1877

 

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Mac Mahon, Président de la République française
du 24 mai 1873 au 30 janvier 1879

4) présentation de la crise du 16 mai 1877

En 1877 la République instituée par les lois constitutionnelles de février et juillet 1875 n'est pas à l'abri d'un retour offensif des monarchistes.

Le 16 mai, Mac Mahon, président de la République depuis mai 1873 et partisan de la monarchie renvoie le président du Conseil, Jules Simon, qu'il estime responsable devant lui autant que devant la Chambre des députés. Celle-ci est dissoute le 25 juin, avec l'avis conforme du Sénat qu'exigeait la loi du 25 février 1875 (art. 5). Mac Mahon ouvre ainsi une crise politique majeure.

Gambetta prévient : «Quand le pays aura parlé, il faudra se soumettre ou se démettre» (discours prononcé le 15 août 1877 à Lille).

Pendant la campagne électorale, Gambetta déclare voir dans le suffrage universel une loi fondamentale de la démocratie (discours au Cirque du Château d'Eau à Paris le 9-octobre 1877).

Le 20 mai, 363 députés républicains conduits par Léon Gambetta avaient contracté alliance et publié un manifeste invitant les électeurs à combattre «une politique de réaction et d'aventure». 318 d'entre eux furent réélus aux élections législatives des 14 et 28 octobre 1877 (contre 208 conservateurs). La participation fut élevée : 80,6 % des suffrages exprimés. 98 % des sièges sont pourvus dès le 1er tour.

La crise du 16 mai résolue par la victoire du camp républicain puis, quelque temps après, par la démission de Mac-Mahon, a frappé les trois coups de la IIIe République.

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élections de 1877 à Paris : le boulevard des Italiens, soirée du 14 octobre

 

5) dossier chronologique sur la crise du 16 mai 1877

1. chronologie de la crise du 16 mai 1877

20 février et 5 mars 1876 : Élection à la Chambre des députés. Les Républicains remportent 393 sièges sur 533.

23 février au 9 mars 1876 et 9 mars au 2 décembre 1976 : Gouvernements Jules Dufaure III et IV.

12 décembre 1876 : Mac-Mahon nomme Jules Simon président du Conseil (c'est-à-dire 1er ministre).

2. les causes

16 mai 1877 : Le Président de la République, Mac-Mahon, exige la démission du Président du Conseil Jules Simon. Il considère que le Président du Conseil est à la fois responsable devant le Président et le Parlement, dans la lignée de la monarchie Orléaniste ou du régime parlementaire dualiste. Il reproche au Président du Conseil l’abrogation de la loi de 1875 sur la Presse et son manque de fermeté face à la Chambre des députés lors des débats sur les mouvements anticléricaux en Italie.

3. le déroulement

19 mai 1877 : Mac-Mahon nomme Du Broglie (prononcer "Breuille") Président du Conseil.

20 mai 1877 : 363 députés signent un manifeste pour faire savoir qu’ils contestent la démission de Jules Simon et qu’ils n’entreront pas en contact avec le gouvernement De Broglie.

16 juin 1877 : Mac-Mahon sollicité l’avis conforme du Sénat pour prononcer la dissolution de la Chambre des Députés, conformément à l’art. 5 de la loi Constitutionnelle du 25 février 1875.

17 juin 1877 : Le Sénat, encore majoritairement conservateur, approuve le Président à raison de 150 voix contre 130.

25 juin 1877 : Le Décret prononçant la dissolution de la Chambre des Députés est publié. La dissolution est effective. Les élections sont fixées au 14 octobre 1877.

15 août 1877 : Discours de Lille prononcé par Gambetta dans lequel il prévient que "Quand la France aura fait entendre sa voix souveraine, croyez-le bien, Messieurs, il faudra se soumettre ou se démettre"

14 et 28 octobre 1877 : Les élections à la Chambre des Députés sont favorables aux Républicains qui remportent 323 sièges contre 208. Avec une participation estimée à 80,6%, 98 % des sièges sont attribués dès le premier tour.

Mac-Mahon songe à une seconde dissolution, mais le Président du Sénat l’en dissuade.

19 novembre 1877 : Le Gouvernement de Broglie démissionne. Il est remplacé par le Gouvernement de Gaëtan de Rochebouët, proche du Président de la République.

24 novembre 1877 : La Chambre des députés refuse à 325 voix contre 208 de reconnaître ce gouvernement qui est pour elle "la négation des droits de la Nation et des droits parlementaires".

13 décembre 1877 : Mac-Mahon rappelle Jules Dufaure pour former un gouvernement.

 

4. sortie de crise

14 décembre 1877 : Dans un message aux assemblées, il capitule et reconnait que la dissolution n’est pas une règle de gouvernement, contrairement à l’indépendance du gouvernement vis-à-vis du Président et sa responsabilité devant le Parlement. Il se désavoue en revenant de lui-même sur les motifs qui avaient conduit à la démission du Gouvernement de Jules Simon le 16 mai 1877. [battu politiquement, Mac Mahon conserve son poste en 1878, année de la troisième Exposition universelle de Paris, du 1er mai au 31 octobre]

5 janvier 1879 : Renouvellement du 1er tiers du Sénat. Les sénateurs sortant sont principalement conservateurs et son remplacés, suite aux élections, par des Républicains. Le Sénat devient donc Républicain.

janvier 1879 : Le Parlement mène une politique d’épuration dans l’armée et l’administration afin que les fonctionnaires d’Etat nommés par Mac-Mahon ou trop conservateurs soient remplacés par des républicains. Mac Mahon refuse de signer les décrets en question.

30 janvier 1879 :  Sans soutiens, Mac-Mahon est contraint à la démission. Jules Grévy est élu Président de la République.

 

5. la fin de la crise

6 février 1879 :  Jules Grévy, ennemi déclaré du pouvoir personnel, opposé à l’élection du Président au Suffrage Universel Direct, déclare : «Soumis avec sincérité à la grande loi du régime parlementaire, je n’entrerai jamais en lutte contre la volonté nationale exprimée par ses organes constitutionnels.»

source

 

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Jules Grévy, Président de la République du 30 janvier 1879 à 1885
et de décembre 1885 au 2 décembre 1887


- biographie de Jules Grévy sur le site de l'Assemblée nationale

 



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caricature de Gambetta, 2 décembre 1877


6) Discours de Gambetta à Lille, 15 août 1877


La République sortira triomphante de cette dernière épreuve, et le plus clair bénéfice du 16 mai sera, pour l’histoire, d’avoir abrégé de trois ans, de dix ans, la période d’incertitude et de tâtonnements à laquelle nous condamnaient les dernières combinaisons de l’Assemblée nationale élue dans un jour de malheur.

Messieurs, telle est la situation. Et j’ose dire que les espérances du Parti républicain sont sûres ; j’ose dire que votre fermeté, votre union, que votre activité sont les garants de ce triomphe. Pourquoi ne le dirais-je pas, au milieu de ces admirables populations du département du Nord, qui, à elles seules, payent le huitième des contributions de la France, dans ce département qui tient une des plus grandes places dans notre industrie nationale, aussi bien au point de vue mécanique qu’agricole ? N’est-il pas vrai que, dans ce pays, vous avez commencé aussi à faire justice des factions qui s’opposaient à l’établissement de la République et que vous n’attendez que l’heure du scrutin pour que tous vos élus forment une députation unanime ?

Vous le pouvez si vous le voulez, et vous savez bien ce qui vous manque : ce ne sont pas les populations disposées à voter pour des candidats républicains ; ce sont des candidats qui consentent à sortir définitivement d’une résistance dictée par des intérêts privés et comprennent qu’il s’agit aujourd’hui d’un service public et d’élections d’où dépendent les destinées de la France. Il faut que ces hommes fassent violence à leurs intérêts domestiques pour aborder la plate-forme électorale.

À ce point de vue, des adhésions significatives ont déjà été obtenues et vous avez su trouver des candidats qui vous mèneront à la victoire. Je devais plus particulièrement le dire ici, dans ce département qui, parmi les autres, tient la tête dans les questions d’affaires et de politique. Je devais le dire ici pour vous mettre en garde contre certains bruits qui ont été répandus et dont on alimente la basse presse, à savoir que si le suffrage universel dans sa souveraineté, je ne dirai pas dans la liberté de ses votes, puisqu’on fera tout pour restreindre cette liberté, mais dans sa volonté plénière, renomme une majorité républicaine, on n’en tiendra aucun compte.

Ah! tenez, Messieurs, on a beau dire ces choses ou plutôt les donner à entendre, avec l’espoir de ranimer par là le courage défaillant de ses auxiliaires et de remporter ainsi la victoire : ce sont là de ces choses qu’on ne dit que lorsqu’on va à la bataille ; mais, quand on en revient et que le destin a prononcé, c’est différent ! Que dis-je, le destin ?

Quand la seule autorité devant laquelle il faut que tous s’inclinent aura prononcé, ne croyez pas que personne soit de taille à lui tenir tête. Ne croyez pas que quand ces millions de Français, paysans, ouvriers, bourgeois, électeurs de la libre terre française, auront fait leur choix, et précisément dans les termes où la question est posée ; ne croyez pas que quand ils auront indiqué leur préférence et fait connaître leur volonté, ne croyez pas que lorsque tant de millions de Français auront parlé, il y ait personne, à quelque degré de l’échelle politique ou administrative qu’il soit placé, qui puisse résister.

Quand la France aura fait entendre sa voix souveraine, croyez-le bien, Messieurs, il faudra se soumettre ou se démettre.

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Gambetta



7) résumé de la crise du 16 mai 1877

Crise du 16 mai 1877 : crise politique française survenue sous la IIIe République, opposant le président de la République, Mac-Mahon, conservateur, au chef du gouvernement, le républicain Jules Simon, et qui a entraîné la démission de ce dernier.

Porté à la présidence de la République le 24 mai 1873, le maréchal de Mac-Mahon pratique une politique de rétablissement de «l’ordre moral». Légitimiste et conservateur, il accepte néanmoins la formation d’un gouvernement d’opposition lorsque celle-ci gagne les élections de février 1876. Un premier gouvernement est dirigé par Jules Dufaure ; en décembre 1876, celui-ci est remplacé par Jules Simon. Républicain et anticlérical, Jules Simon procède à une épuration de l’administration et refuse d’intervenir contre le gouvernement italien qui s’oppose au pape.        

Ne pouvant tolérer la politique du gouvernement, Mac-Mahon prend pour prétexte le vote d’une loi sur les délits de presse et adresse à Jules Simon, le 16 mai 1877, une lettre ouverte, dans laquelle il remet en cause son autorité. La lettre est publiée et Jules Simon démissionne sur-le-champ.

Un gouvernement d’«ordre moral» est immédiatement nommé avec, à sa tête, le duc de Broglie. Le 22 juin, les 363 députés républicains votent un ordre du jour de protestation et l’Assemblée est dissoute le 25 juin. Les élections qui suivent cette dissolution apportent une nouvelle majorité républicaine et Mac-Mahon finit par démissionner en janvier 1879.

source : encarta

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cliquer sur l'image pour l'agrandir
 

 

 

8) autre résumé de la crise du 16 mai 1877

Le 16 mai 1877, le maréchal de Mac-Mahon prend prétexte d'un désaccord à propos de la loi sur les délits de presse pour renvoyer Jules Simon et nommer un gouvernement dit de «l'ordre moral» dirigé par le duc de Broglie, en totale opposition avec la majorité républicaine de la Chambre. Le 19 juin 1877, les 363 députés du «Bloc des gauches» votent la défiance. Le maréchal demande l'accord du Sénat pour dissoudre la Chambre des députés. Malgré l'opposition de parlementaires influents tels Victor Hugo et Victor Schoelcher, le président de la République obtient l'autorisation de dissoudre le 22 juin 1877.

source : senat.fr

 

 

9) Mac-Mahon reconnaît sa défaite, décembre 1877

Message de Mac-Mahon aux chambres du 15 décembre 1877 par lequel le Président de la République reconnaît sa défaite électorale et confirme la lecture des institutions que préconisaient les républicains (primauté du législatif sur l'exécutif).

Messieurs les Sénateurs, Messieurs les députes,
Les élections du 14 octobre ont affirmé, une fois de plus, la confiance du pays dans les institutions républicaines. Pour obéir aux règles parlementaires, j’ai formé un cabinet choisi dans les deux chambres, composé d’hommes résolus à défendre et à maintenir ces institutions par la pratique sincère des lois constitutionnelles.
L’intérêt du pays exige que la crise que nous traversons soit apaisée : il exige avec non moins de force qu’elle ne se re­nouvelle pas.
L’exercice du droit de dissolution n’est, en effet, qu’un mode de consultation suprême auprès d’un juge sans appel, et ne saurait être érigé en système de gouvernement. J’ai cru de­voir user de ce droit et je me con­forme à la réponse du pays.
La Constitution de 1875 a fondé une République parlementaire en établissant mon irresponsabilité, tandis qu’elle a institue la responsabilité solidaire et individuelle des ministres.
Ainsi sont déterminés nos devoirs et nos droits respectifs. L’indépendance des ministres est la condition de leur responsabilité. Ces principes, tirés de la Constitution, sont ceux de mon gouvernement.



10) Thiers proclamé "le libérateur du territoire", 16 juin 1877

 

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tableau de Jules Garnier

La scène décrite par ce tableau a lieu au cœur de la crise politique dont l'issue a enraciné la IIIe République. Le 16 juin 1877, quelques heures avant que la dissolution de la Chambre des Députés ne soit décidée par le maréchal Mac Mahon, président de la République, le ministre de l'Intérieur Fourtou remercie la Chambre d'être l'auteur de la libération du territoire après la guerre de 1870. La gauche républicaine rectifie et fait une ovation à Thiers, son chef de file dans le combat qui s'engage : «le véritable libérateur du Territoire, le voici» s'écrient-ils en désignant Thiers. Jules Garnier, contrairement à l'exactitude historique a fait de Gambetta l'auteur de cette phrase célèbre.

source de ce commentaire

 



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11) origines et explication de la la crise boulangiste

En 1885, ont eu lieu des élections, marquées par le passage du scrutin d'arrondissement au scrutin de liste départemental. Contrairement à 1881, la droite participe activement au scrutin et parvient à doubler ses effectifs à la Chambre, tout en restant fortement minoritaire. La gauche républicaine s'est présentée divisée au premier tour et, malgré les alliances du second tour, elle ne parvient pas à constituer une majorité de gouvernement, les radicaux faisant désormais jeu égal avec les opportunistes.

C'est le début d'une instabilité gouvernementale accrue, les ministères se formant tantôt grâce à l'appui des radicaux, tantôt grâce à l'abstention bienveillante de la droite. Clemenceau, leader des radicaux y gagne sa réputation de "tombeur de ministères", mais la République parlementaire y perd son autorité. Le jeu parlementaire échappe de plus en plus dans sa complexité à la compréhension des électeurs, qui n'ont aucune prise sur la nomination du Gouvernement.

C'est dans le contexte d'un antiparlementarisme naissant qu'a commencé l'aventure de Boulanger. Le général, qui proclame son attachement à la légitimité républicaine, rallie d'abord autour de lui une partie des radicaux, les uns par amitié, comme Clemenceau, les autres parce qu'ils voient en lui l'homme capable de mettre fin à cette République opportuniste personnifiée par Ferry qu'ils haïssent ; de plus, comme l'a rappelé l'historien A. Dansette, le radicalisme est indissociable d'un penchant pour l'autorité, que pouvait satisfaire le "général Revanche". L'historien Jean-Marie Mayeur, à la suite de Zeev Sternhell, note que les radicaux ne sont les seuls hommes de gauche à soutenir Boulanger et que celui-ci a eu jusqu'au bout, parmi ses partisans des socialistes comme Lafargue. Selon Zeev Sternhell, l'appui des blanquistes aux candidats boulangistes dans la capitale en 1889 a ét éconsidérable.

On peut être sceptique lorsque cet historien, après avoir qualifié l'idéologie boulangiste de "socialisante, populiste et nationaliste", en fait l'un des prodromes du fascisme à la française, en s'appuyant sur le fait que son implantation correspond aux zones prochaines de diffusion du socialisme ; il n'en demeure pas moins vrai que, comme il le souligne, le boulangisme réussit, par exemple, très bien dans les villes minières du Nord. C'est qu'il bénéficie d'une conjoncture économique défavorable, dont la République opportuniste est rendue responsable. On retrouve ici les dangers d'un régime incapable de dissocier le gouvernement des institutions.

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la duchesse d'Uzès finança Boulanger en faveur
du comte de Paris, le prétendant au trône

Quant à la droite, elle voit, tardivement, en Boulanger l'homme qui peut restaurer l'autorité de l'État, dans la tradition plébiscitaire à laquelle le comte de Paris s'est rallié dans un manifeste de septembre 1887. La duchesse d'Uzès finit par mettre son immense fortune au service d'un général, dont certains milieux royalistes espèrent qu'il jouera au profit des Orléans le rôle d'un connétable restaurateur de la monarchie. Philippe Levillain a montré que le général a su utiliser ces appuis sans jamais s'engager, mais au contraire en maintenant son attachement à la République.

Quoi qu'il en soit, l'épisode marque l'aveuglement d'une droite, qui pense saisir l'occasion de reprendre l'initiative politique en rompant avec la tradition électorale et parlementaire qui était la sienne, pour abattre le régime qui l'en écarte sans être consciente de l'évolution de l'opinion publique, qui recherche, comme l'analyse électorale du scrutin de 1885 menée par Odile Rudelle le révèle de manière lumineuse, en dépit de la progression des extrêmes conservateurs et radicaux, l'apaisement politique. D'ailleurs tous les conservateurs ne devaient pas suivre Boulanger ; en juillet 1888, celui-ci est nettement battu dans l'Ardèche par suite de l'abstention des royalistes.

Cependant, un mois plus tard, Boulanger l'emporte dans trois départements, le nord, la Somme et la Charente-Inférieure, où sa candidature prend sa véritable signification : dans ces trois départements, pour des raisons diverses, dans le Nord, l'insatisfaction à l'égard d'une République socialement trop conservatrice, en Charente-Inférieure, le vieil attachement au bonapartisme déçu par le ralliement à une République modérée où le pouvoir semble se dissoudre dans les arcanes parlementaires, le vote Boulanger correspond à une sanction de la pratique institutionnelle développées par les "opportunistes".

Poussant plus loin l'analyse, Odile Rudelle insiste sur les succès obtenus par Boulanger dans des départements "mixtes", c'est-à-dire qui avaient élu en 1885 une députation de droite et de gauche, marquant à la fois leur désaccord avec la République opportuniste, mais aussi leur volonté de permettre l'apaisement politique en renforçant les positions de la droite, de façon à lui permettre de retrouver une chance de participer à l'alternance. (...)

La défaite finale du boulangisme est la victoire de la République parlementaire. Longtemps considérée par les républicains comme antinomiques, les deux termes s'associent désormais comme synonymes de démocratie. Les élections de septembre-octobre 1889 se font sur ce thème et consacrent le ralliement des radicaux aux opportunistes pour défendre cette conception de la République.

Mais en même temps, l'échec du boulangisme entraîne celui de ses partisans, qui n'ont d'autre solution, s'ils veulent participer à cette République qui sort renforcée de l'aventure, de s'y rallier. C'est la victoire de la "République absolue" (Odile Rudelle), où l'alternance est confisquée par l'association républicains modérés-radicaux. Une partie des royalistes tentèrent purtant de créer les conditions d'une alternance dans le cadre du "Ralliement" préconisée à partir de 1892 par Léon XIII. Mais, solés, ils allaient mesurer les limites de leur tentative à l'occasion de l'Affaire Dreyfus.

Patrick Lagoueyte, La vie politique en France au XIXe siècle,
éd. Ophrys, 1990, p. 41-43.

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12) la crise boulangiste, 1886-1889

La menace qu’a fait peser le général Boulanger sur la République a été brève. Tout commence quand le général Boulanger, l’un des rares militaires à afficher des convictions républicaines, est nommé ministre de la Guerre en janvier 1886, sur la recommandation de Clemenceau.
Lors de la revue du 14 juillet 1886 à Longchamp, Boulanger, qui a amélioré l’ordinaire et l’organisation de l’armée, déclenche l’enthousiasme de la foule. Au printemps 1887, l’affaire Schnaebelé (1) oppose la France à Bismarck. Resté ferme dans un contexte de tension avec l’Allemagne, Boulanger profite du feu nationaliste attisé par Déroulède ou Barrès.
Inquiets de cette nouvelle menace sur le fragile équilibre républicain, les «opportunistes», Ferry en tête, décident d’écarter Boulanger… Rochefort n’hésite pas à appeler à la révolte autour du « général Revanche » dans L’Intransigeant. La scène d’hystérie collective provoquée par le départ forcé de Boulanger pour Clermont, le 8 juillet 1887, oblige Clemenceau à prendre ses distances : «La popularité du général Boulanger est venue trop tôt à quelqu’un qui aimait trop le bruit».
C’est alors que, poussé par Georges Thiébaud, Boulanger se présente en avril 1888 à une élection partielle en Dordogne, puis démissionne et entame un «steeple-chase électoral» (Barrès) à travers la France, qui le conduit au triomphe à Paris, le 27 janvier 1889. Refusant de marcher sur l’Elysée, menacé par la justice, Boulanger fuit à Bruxelles le 1er avril 1889. Il se suicide deux ans plus tard.

source

(1) incident diplomatique entre l’Allemagne et la France en 1887.
Le 20 avril 1887, Guillaume Schnaebelé, commissaire de police d’origine alsacienne qui a pris le parti de la France après la guerre de 1870, tombe dans un guet-apens tendu par les Allemands. Accusé d’espionnage au profit de la France, Schnaebelé est immédiatement arrêté de manière irrégulière par les Allemands. L’affaire est dénoncée par les milieux nationalistes français, sous l’impulsion de Paul Déroulède, Henri Rochefort et surtout du ministre de la Guerre, Georges Boulanger. La presse s’empare du scandale alors que le président de la République Jules Grévy cherche à apaiser la crise politique qui en découle. Le 30 avril 1887, le prince Otto von Bismarck fait libérer Schnaebelé après avoir obtenu, dans son pays, le vote d’une loi militaire.
L’affaire Schnaebelé met en lumière la personnalité du général Boulanger, nationaliste intransigeant. Au lendemain de la libération du fonctionnaire français, le ministre de la Guerre est devenu «celui qui a fait reculer Bismarck», le «général Revanche». Dangereux pour la diplomatie française, il est écarté du gouvernement lors du vote du budget (mai 1887). L’affaire lance l’aventure boulangiste.

source : encycloépdie encarta.fr

 

 

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Jean-Eugène Buland, Scène de propagande boulangiste, 1889

13) analyse d'une image boulangiste, 1889


voies et voix de la popularité de Boulanger

Jean Eugène Buland (1852-1926) a vraisemblablement peint son tableau juste après le dénouement de la crise boulangiste. Cette scène de genre traitée dans un style hyperréaliste, quasi photographique, met aux prises un colporteur d’imprimés et une famille paysanne, comme en témoignent les sabots du chef de maison, au premier plan.
L’étranger, debout et ventru, la main tendue, s’impose aux six personnages assis, les mains croisées ou les poings fermés. De la caisse du colporteur ont jailli trois portraits du général Boulanger : en buste, en plan américain et à cheval.
Les tons sombres des costumes font ressortir les couleurs bien plus claires de l’aîné (vieillard) et de la benjamine (petite fille). Si tous les regards sont concentrés sur le visage du colporteur, le portrait de Boulanger qu’il tient dans sa main gauche regarde bien ces deux personnages. Ce tableau dans le tableau met en abyme le rôle de l’image dans la soudaine popularité de Boulanger.

interprétation : la naissance de l'opinion publique dans la France du suffrage universel et de la liberté de la presse


Si la scène peinte par Buland est une scène de propagande, ni parole ni écrit n’y sont mis en avant. L’artiste soumet trois générations d’hommes et de femmes à la diffusion de l’image de Boulanger, avec un souci exemplaire du détail. Ainsi, à la cocarde tricolore du colporteur répondent le foulard rouge de l’homme mûr et le ruban bleu roi de la petite fille : Boulanger, homme providentiel presque malgré lui, a fédéré sur sa personne et surtout sur son nom et son image des tendances politiques opposées, qui se rejoignaient dans une critique de l’«opportunisme» des républicains modérés, comme Ferry. Cela dit, seuls deux des personnages sont en mesure de voter : quelle peut être l’influence du reste de la famille, et en particulier des femmes, sur ces participants à la démocratie ?

En 1881, par la loi du 29 juillet, furent instaurées des règles de presse et de réunion qui sont toujours en vigueur aujourd’hui. La multiplication des titres de presse et des imprimés en tout genre participe de la constitution d’une opinion publique naissante. Il est difficile de savoir si la chanson de Villemer, plutôt complexe, a vraiment été chantée au cours des manifestations de soutien à Boulanger. Mais nombre d’autres refrains et slogans sont restés et attestent de l’influence de ce mode de diffusion populaire. La mise en image, en mots et en musique de la popularité de Boulanger est de ce point de vue exemplaire. Elle préfigure le déluge d’information et de «propagandes» qui se déchaînera lors de l’Affaire Dreyfus, quelques années plus tard.

source

 

14) socialisme et boulangisme, fin des années 1880

En fait durant cette période de genèse du socialisme, tout opposant politique intellectuel à la République bourgeoise et opportuniste, des années 1880-1890, revendique l’étiquette socialiste... C’est ainsi que Maurice Barrès – principal théoricien des nationalistes français – s’affiche alors socialiste, mais pour un Socialisme “national”, en rupture avec le développement de la société industrielle.

La crise économique, qui sévit à la fin des années 1880, amplifie les revendications populistes et antiparlementaires ; le rejet de la République bourgeoise par les classes populaires urbaines va trouver un évident débouché politique dans la montée du grand Parti National qui se constitue derrière le Général Boulanger. Et si, comme ce le fut démontré rapidement, les milieux monarchistes apportent les fonds nécessaires à la campagne boulangiste, c’est bel et bien à l’extrême gauche et chez les prolétaires parisiens que la "Boulange" recrute ces cadres, ces militants et ces électeurs.

Le boulangisme est un grand mouvement populaire, appuyé à la fois par des organisations de masse et des groupes révolutionnaires. La Ligue des Patriotes de Déroulède – dont certaines sections parisiennes s’intitulent "Comité républicain socialiste national" –, les principaux dirigeants du Comité Révolutionnaire Central (Roche, Granger, Rochefort...), des “socialistes nationaux” comme Barrès, des Radicaux comme Naquet (député du Vaucluse en 1887) se mettent au service du général, dont les discours développent un programme de justice sociale...Longtemps les marxistes français ne sauront que faire ; Lafargue écrivait en 1888 «les socialistes [...] entrevoient toute l’importance du mouvement boulangiste, qui est un véritable mouvement populaire pouvant revêtir une forme socialiste si on le laisse se développer librement.» Brousse et Allemane sont fréquemment mis en difficulté lorsqu’ils essaient de s’opposer aux grèves ouvrières boulangistes...

Et aux municipales, comme aux législatives, ce sont les arrondissements et les communes populaires qui fourniront les contingents boulangistes au détriment des socialistes. Guesde et Vaillant eux-mêmes se laissent tenter quelques temps, préférant jouer sur l’effondrement de la république bourgeoise quel qu’en soit les conséquences plutôt que sur l’éducation politique du prolétariat. Ce n’est que lorsque leur survie politique sera en jeu, que le programme boulangiste fera peu à peu disparaître la justice sociale au profit d’un socialisme national – c’est-à-dire pas de socialisme du tout –, que les collusions avec les réactionnaires seront reconnues, que Vaillant et Guesde se rallieront à l’avis de la Fédération des Travailleurs Socialistes “possibiliste”. Henri Rochefort, d’Ernest Roche et Ernest Granger fondent le Comité Révolutionnaire Socialiste Central, et poursuivent leur dérive antisémite et nationaliste. Guesde et Lafargue reprennent fermement en main tous leurs militants, et Edouard Vaillant avec les derniers Blanquistes rétablit le C.R.C. La rupture est désormais entamée entre la vieille garde communarde, populiste et nationale, et les socialistes…

source

 

lien

- sur ce blog : crise de la République (1889) et général Boulanger

- "le général Boulanger et la République", article de Francis Choisel, Revue de la cavalerie Blindée, n° 128, décembre 1984

 

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dessin de Alfred Le Petit, «Souvenir du 14 juillet», La Charge,
14/7/1888 (Général Boulanger et Jules Ferry)

 

15) proclamation du général Boulanger aux électeurs de la Somme, élection législative partielle du 19 août 1888

 

L'ancien ministre de la Guerre, populaire et donc encombrant, est mis à la retraite d’office, le 26 mars 1888. Rendu à la vie civile, il peut se consacrer à une carrière politique grâce à l'appui d'un véritable syndicat des mécontents de la Troisième République. Lors de deux élections partielles, le 8 avril 1889 en Dordogne puis le 15 avril dans le Nord, le "brave général" est élu avec une très forte majorité.

Le 19 août et grâce au système des candidatures multiples, il se présente de nouveau en Charente-Inférieure, dans ls départements du Nord et de la Somme. Dans cette proclamation, le général Boulanger dénonce la politique coloniale du gouvernement Ferry et des opportunistes, qui éloigne l'armée française de ce qui devrait être l'objectif essentiel, la "ligne bleue des Vosges". Le boulangisme prône également la révision de la constitution.

source : Marc Nadaux

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Le 30 septembre 1891, le général Georges Boulanger se suicide sur la tombe de sa maîtresse, près de Bruxelles.

 

Un fringant militaire
Cinq ans plus tôt, en 1886, le leader du parti radical Georges Clemenceau avait fait de cet officier à la belle prestance un ministre de la Guerre. Le héros est applaudi à la revue du 14 juillet et chacun y va de sa chansonnette.
Par des mesures peu coûteuses et d'un bel effet, comme de faire peindre les guérites en tricolore, Boulanger ravive les espérances des ennemis de la République, des citoyens déçus par le régime des partis et de tous ceux qui rêvent d'une revanche militaire sur l'Allemagne, victorieuse en 1870.
Mais les qualités morales et le sens politique de Boulanger ne sont pas à la hauteur de sa popularité comme il ne tarde pas à le démontrer.
Le chancelier allemand Bismarck ayant fait arrêter un commissaire de police français à la frontière, le ministre tombe dans le piège de la provocation. Il en appelle à une mobilisation partielle. Le président de la République Jules Grévy, inquiet de la tournure des événements, se défait du gouvernement et démet Boulanger de ses fonctions ministérielles le 18 mai 1887.

Popularité au zénith
Le général Boulanger (chromo de l'époque, ci-dessus) Le général Georges Boulanger n'en devient que plus populaire. On ne l'appelle plus que «brave général» ou «général Revanche».
Ses partisans forment une troupe hétéroclite de mécontents, de la gauche radicale à la droite bonapartiste ou monarchiste.
La crise économique dans laquelle est plongé le pays depuis les années 1880 contribue à la popularité du général et au rejet de la gauche dite «opportuniste» qui gouverne la France sans se soucier de réformes sociales. La mise à jour du scandale des décorations, par lequel le gendre de Jules Grévy aurait fait attribuer la Légion d'honneur à ses affidés, aggrave le discrédit des institutions républicaines.
Le poète Paul Déroulède, fondateur de la Ligue des Patriotes, et le journaliste Henri Rochefort, marquis de Rochefort-Luçay, figurent parmi les plus chauds soutiens de Georges Boulanger.
Dans une tentative de se défaire du trop séduisant général, le gouvernement l'expédie à Clermont-Ferrand. Le 8 juillet 1887, à la gare de Lyon où ses admirateurs en délire tentent de le retenir, Boulanger doit monter à la sauvette sur la locomotive.
Il est enfin mis à la retraite des cadres de l'armée, ce qui lui permet de se faire élire dans plusieurs départements dont Paris, le 27 janvier 1889, avec l'appui financier de la duchesse d'Uzès, monarchiste et surtout héritière des champagnes de la Veuve Clicquot.

La fin du boulangisme
Les dirigeants de la IIIe République prennent la menace au sérieux... et ne veulent pas gâcher les fêtes du centenaire de la Révolution, qui doivent consacrer le triomphe de la République avec l'Exposition universelle et la Tour Eiffel.
Le gouvernement fait courir le bruit d'une arrestation imminente du général. Celui-ci, prenant son courage à deux mains, s'enfuit à Londres puis à Bruxelles, où il va rejoindre sa chère maîtresse, Mme Marguerite de Bonnemains, malade de la phtisie. Là s'achève son destin tandis que les leaders barbus de la IIIe République poursuivent leurs petites affaires : scandale des décorations, conquêtes coloniales, escroquerie de Panama, condamnation de Dreyfus,...
À l'annonce de la mort de Boulanger, Clemenceau dira de lui qu'«il est mort comme il a vécu, en sous-lieutenant».

Joseph Savès - source : herodote.net


 

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13 janvier 1898


16) dimensions et conséquences politiques de l'Affaire Dreyfus

 

Nous porterons notre attention sur les reclassements politiques auxquels l'Affaire a donné lieu, principalement à droite, et la façon dont elle a accéléré son exclusion du jeu institutionnel.
C'est la publication de l'éditorial de Zola, "J'accuse", qui favorise la politisation de ce qui n'était jusque-là qu'un drame personnel, en mettant en cause les autorités de l'État.

Avant cela, en effet, elle ne constitue pas un clivage entre la droite et la gauche, pour la bonne raison que la quasi-unanimité des parlementaires, de la droite monarchiste à la gauche socialiste, n'ont aucun doute sur la culpabilité du capitaine et ne se posent guère de questions. même si l'article de Zola provoque quelques reclassements, notamment à gauche, où Jaurès adhère au dreyfusisme, la Chambre des députés n'est pas immédiatement mobilisée. Jusqu'à ce que la menace nationaliste se précise, elle apparaît antidreyfusiste, plus par souci du respect dû à la chose jugée et à l'armée que par conviction profonde. Michel Winock parle à son propos d'un "antidreyfusisme institutionnel" qu'il oppose à un "antidreyfusisme de coup d'État".

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le livre antisémite de Drumont, La France juive

C'ets ce dernier qui nous intéresse ici. À la base, jouant le rôle de dénominateur commun à ses différentes composantes, on trouve l'antisémitisme, en plein essor en France, comme le révèle le succès de La France juive [1886] de Drumont, élu d'ailleurs député au moment où éclate l'Affaire, en 1898. La haine du juif associe les nationalistes héritiers de 1789, comme Déroulède ou Barrès, à ceux héritiers de la contre-révolution comme Maurras, et fait passer définitivement le nationalisme à droite : la sauvegarde de la nation passe par le respect de l'armée nécessaire à sa défense, mais aussi par l'instauration d'un pouvoir fort, seul capable de surmonter les divisions qui affaiblissent le pays. Mais c'est aussi parce qu'il se teinte d'antisémitisme que ce nationalisme reçoit le renfort de la très grande majorité des catholiques et des monarchistes, à l'imitation du duc d'orléans, qui retrouvent le moyen de reprendre le combat contre la République, interrompu par l'échec du boulangisme. Tout contribue donc à faire de ce nationalisme antidreyfusard la "droite révolutionnaire", nationaliste, antisémite et activiste dont Zeev Sternhell s'est fait l'historien.

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dessin de Caran d’Ache publié par Le Figaro le 14 février 1899

La première moitié de l'année 1899 est marquée par une agitation constante des nationalistes, qui tentent à plusieurs reprises de renverser par la force les institutions républicaines, sans d'ailleurs que leurs objectifs soient clairement précisés quant à la forme du gouvernement de substitution. Cette atmosphère de coup d'État finit par déclencher un réflexe de Défense républicaine, alors que Waldeck-Rousseau devient président du Conseil. Celui-ci décide d'accélérer la "républicanisation" du pays, à la fois en remplaçant les cadres militaires les plus compromis dans les aventures nationalistes et en relançant la question religieuse, par le vote de la loi de 1901 sur les associations, dont le titre III soumet à autorisation les congrégations religieuses. Le point d'aboutissement de cette politique fut la séparation de l'Église et de l'État [en 1905].

 

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Pierre Waldeck-Rousseau en 1899

Ainsi, parce qu'ils n'avaient pas pu saisir l'opportunité de Ralliement, parce qu'ils s'étaient encore une fois associés à l'occasion de l'Affaire Dreyfus à la droite la plus extrémiste, celle qui se donnait pour but de renverser la République, les catholiques avaient pris la responsabilité de leur maintien à l'écart des devants de la scène parlementaire.

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Jean Jaurès, 1859-1914

Pour la raison inverse, sous l'impulsion personnelle il est vrai de Jaurès, alors que Jules Guesde traînait les pieds, lui qui s'obstinait à voir dans l'Affaire une querelle entre bourgeois et que le syndicalisme révolutionnaire refuse de le suivre sur cette voie, le socialisme se retrouve dans le camp des défenseurs de la République, trente ans après la Commune.

La gauche n'avait cependant pas encore assez d'atouts pour prétendre à l'alternance, alors que la droite, en finissant par accepter le jeu républicain, comme le relève le succès grandissant de partis comme l'Alliance démocratique, n'avait pas encore renoncé à détenir un jour à nouveau a direction de l'État. C'est finalement un événement extérieur, l'éclatement de la guerre mondiale, qui devait permettre, par les bouleversements et les reclassements qu'il allait entraîner, la pratique d'une véritable alternance, entre une droite nationaliste ralliée et la gauche radicale et socialiste.

 

 

Patrick Lagoueyte, La vie politique en France au XIXe siècle,
éd. Ophrys, 1990, p. 43-45.



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30 janvier 2009

génocide arménien de 1915 : pétition d'intellectuels turcs

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«Nous leur demandons pardon»



Une pétition lancée par des intellectuels Turcs relance un vieux débat douloureux sur le génocide arménien de 1915.

Le 15 décembre 2008, une pétition hors du commun a été mise en ligne sur un site internet turc. ÖzürDiliyoruz.com [ce site est désormais inaccessible, seule une page "cache" est visible] abrite en effet un texte écrit par quatre intellectuels turcs (Cengiz Aktar, Ali Bayramoglu, Ahmet İnsel et Baskın Oran) : «Ma conscience ne peut accepter que l’on reste indifférent à la Grande catastrophe que les Arméniens ottomans ont subie en 1915 et qu’on la nie. Je regrette cette injustice, et pour ma part, je partage les sentiments et les peines de mes frères et sœurs arméniens et je leur demande pardon.»

Le génocide arménien est un des sujets les plus polémiques et sensibles des relations internationales. Le terme «génocide» est en lui-même déclencheur d’âpres débats entre négationnistes convaincus et défenseurs de la cabezas_e_armenioscause arménienne. La Turquie refuse catégoriquement de reconnaître la moindre responsabilité dans les massacres perpétrés contre les Arméniens en 1915.

Pour l’État turc, il n’y a pas eu de génocide. Mais pour mieux comprendre, il faut revenir cent ans en arrière. En 1909, ceux qu’on appelle les «Jeunes-Turcs  veulent coûte que coûte moderniser l’empire Ottoman qui est constitué de nombreuses ethnies et religions. À la fin du XIXème siècle, on compte deux millions d’Arméniens, de confession chrétienne. Les discours des Jeunes-Turcs sont emprunts d’un nationalisme exacerbé. Pour construire un nouvel État, il est nécessaire selon eux de «purifier» la «race» turque. C’est ainsi que commence le génocide des Arméniens d’Asie Mineure. Dans un premier temps, les Jeunes-Turcs font déplacer les populations arméniennes. Les marches se déroulent dans des conditions épouvantables et sont la cause de nombreux morts.

En Occident, ces événements émeuvent l’opinion mais le sultan se justifie en arguant de la nécessité de déplacer les populations pour des raisons militaires. On est en effet en pleine Première Guerre mondiale. C’est pourquoi, encore aujourd’hui, la plupart des Turcs se refusent à parler d’un génocide. Comme l’explique Özge, jeune istanbuliote : «Pour les gens, les morts sont le résultat du déplacement, et non pas d’un génocide. D’ailleurs l’argument est souvent de dire qu’il y a eu des morts chez les Turcs aussi ! Mon mari m’a même demandé : Les Arméniens ont-ils fait une lettre d’excuse, eux ?» Pourtant, les deux tiers de la population arménienne disparaissent pendant l’été 1915.

Les Arméniens n’ont jamais oublié les massacres et se battent depuis lors pour la reconnaissance de ce génocide. Dans l’actualité récente, ce sont les négociations européennes pour l’entrée de la Turquie dans l’Union Européenne qui ont relancé le débat. En effet, l’UE avait envisagé la reconnaissance du génocide comme une condition pour l’intégration de la Turquie. Pour les Turcs, c’est une condition hypocrite : «Les Européens se servent de cette condition comme excuse pour ne pas accepter la Turquie dans l’Europe. Ils savent très bien que le gouvernement turc ne reconnaîtra jamais le soi-disant génocide.» S’exclame Bahar,  Française d’origine turque.

Question brûlante : pourquoi la Turquie s’obstine t-elle à nier le génocide, alors que des historiens et des rescapés ont pu prouver catégoriquement son existence ? Tout d’abord, si l’État turc reconnaissait le génocide, il serait contraint de verser des «dommages et intérêts» aux Arméniens (comme l’Allemagne après la Shoah), ce qui représenterait un coût très lourd pour le pays. Ensuite, et c’est plus grave, le pays serait sans doute amené à restituer des territoires à l’Arménie, territoires qui avaient été promis aux Arméniens avant le génocide. Enfin, la négation de ce génocide est un moyen de garder intacte «l’identité nationale  turque, déjà malmenée ces derniers temps par le conflit entre laïcs acharnés et islamistes convaincus.

Le génocide arménien reste donc un sujet plus que tabou pour la Turquie ainsi que pour les puissances internationales. Celles-ci hésitent encore à reconnaître officiellement le génocide, de peur de froisser leurs relations avec l’État turc. A noter qu’Israël a toujours refusé de reconnaître le génocide afin de conserver les relations privilégiées qu’elle entretient avec cet État, dont la population est majoritairement musulmane.

Cette pétition est donc une première pour la Turquie. Première qui ne semble pas bien vécue par la majorité des Turcs. La classe politique estime qu’une telle initiative sabote la paix nationale. Malgré tout, il semble que l’impact de cette pétition soit moindre sur la population. Özge le confirme : «Je ne pense pas que la pétition va faire bouger les choses, il faudrait plutôt former un groupe de réflexion, composé de personnes des deux côtés. Ici, les gens s’en fichent plutôt, ce n’est pas vraiment d’actualité.» Selon le site Internet d’Europe 1, la pétition a tout de même recueilli 27 000 signatures à ce jour. Rappelons que la Turquie ne fait pas figure d’exception. D’autres génocides n’ont malheureusement jamais été reconnus par les États fautifs.

Elsa Ray, journaliste, source
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Cengiz Aktar, Ali Bayramoglu, Ahmet İnsel et Baskın Oran
les quatre intellectuels qui ont lancé la pétition


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pendaison à Constantinople d'un Arménien
du parti Hentchak le 2 juin 1915



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29 janvier 2009

«la pauvreté n’est pas une cause de l’immigration»

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décembre 2007* : au large du Sénégal 


Aperçu sur les  migrations sénégalaises

Tierno DIALLO

Le Sénégal compte une forte population d’émigrés en Europe. La plupart de ces personnes reviennent au pays, selon une étude partielle du programme Migration Afrique-Europe (Mafe) sur les migrations sénégalaises qui a aussi dressé le profil de l’émigré sénégalais qui n’est pas toujours celui du clandestin adepte des pirogues de la mort.

par Tierno Diallo

ImageAprès un an d’enquête, l’équipe du programme Migration Afrique-Europe (Mafe) a tenu sa première séance de restitution, la semaine dernière à Paris. Il s’agit de «résultats préliminaires», indique Chris Beauchemin, chercheur à l’Institut national d’études démographiques (Ined), qui montrent que les émigrés sénégalais «retournent» de plus en plus dans leur pays. «On nous parle beaucoup d’immigration en Europe comme s’il n’y avait jamais de sortie d’Europe. En réalité, il y a très peu de pays qui ont des données statistiques sur les sorties de leur territoire. Il y a une proportion importante de gens qui ont quitté le Sénégal et qui reviennent dans un temps relativement court. Dix ans après leur départ, il y a quand même un quart des personnes qui revient, ce qui n’est pas mal», soutient le chercheur.

Aussi, il ressort de l’étude que «la pauvreté n’est pas une cause de l’immigration». Car, pour le chercheur, «n’importe qui ne peut pas décider de partir, il faut pouvoir payer les frais de voyage. Elle n’est donc pas donnée à n’importe qui, aux pauvres en particulier. La plupart des recherches partout dans le monde montre que les migrations internationales n’affectent pas du tout les plus pauvres, mais au contraire ceux qui ont déjà un certain niveau de richesse». Autre élément de l’enquête en cours : les retours au pays seraient motivés par des «raisons familiales», telles que les décès, la polygamie, le divorce. Il y a aussi la féminisation de l’émigration, même si sur trois migrants on ne note qu’une seule femme. En outre, la destination de l’argent des émigrés a attiré la curiosité des enquêteurs, selon qui, le souci premier des expatriés est «l’immobilier».

Par ailleurs, lors des débats, les intervenants ont relevé des «failles» dans le travail présenté par les chercheurs. D’après le député Amadou Ciré Sall, «l’étude n’est pas complète parce que certaines questions n’ont pas été prises en compte, comme les migrations du Sénégal en Afrique». «Je me suis demandé pourquoi ils ont choisi Dakar, alors que les régions périphériques sont des régions d’émigration. On aurait pu fouiller dans ces régions pour permettre de comprendre le phénomène de l’émigration aujourd’hui, et surtout son utilité», poursuit M. Sall.
Le sociologue des migrations, Mamadou Dème, fustige, quant à lui, le fait de réduire l’ambition des expatriés au seul investissement dans l’immobilier. «Comme si avoir un toit était une raison essentielle d’émigrer, alors que le toit reste un élément de l’ensemble. Ce n’est pas une immigration de construction d’habitats, c’est ça qui n’apparaît pas dans leur travail. Ils ont cherché à voir en quoi l’influence de l’immigration, en matière d’apport financier, était susceptible d’apporter un impact important dans le processus d’habitat au Sénégal.»

L’équipe de Mafe a pris acte de ces critiques relevées ça et là. Peut-être qu’eIle en prendra compte pour la suite de leur enquête qui vise à produire des «données et des statistiques fiables sur les migrations entre le Sénégal et l’Europe». Elle rassemble l’Ong Enda Tiers-monde, des instituts de recherche au Sénégal et en Europe et des associations de ressortissants, tel le comité de Suivi du Symposium des Sénégalais de l’Extérieur. Le but étant de donner «un regard plus juste sur les migrations sénégalaises».
D’après Annelaure Wittmann, coordinatrice d’Enda Europe, ces études «doivent permettre aux politiques de mettre en lumière des aspects mal connus ou mal présentés, à la fois par les médias et par les politiques. Des migrations sénégalaises dont on présente essentiellement le côté migration clandestine». Et de préciser : «Nous voulons montrer le côté circulaire des migrations, c’est-à-dire les allers et les retours.
C’est important donc de produire des statistiques pour remettre les idées à leur place et qui permettent de dire qu’il n’y a pas que les pirogues. C’est donc un peu pour démêler tous ces amalgames qu’on a lancé le programme Mafe.» Selon Mme Wittmann, la particularité de cette enquête est «d’interroger principalement des ménages à Dakar (afin) de pouvoir faire une comparaison entre les ménages qui ont des migrants, les ménages qui n’en ont pas, les migrants de retour, les gens qui n’ont jamais migré, etc.».

correspondant, 29 janvier 2009
source

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source : BBC news


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* 40 clandestins sénégalais morts en mer. L'embarcation était partie de l'île de Diogué, en Casamance, au sud du Sénégal avec 90 personnes à son bord. Pour une raison encore inconnue, le bateau de fortune a échoué, samedi, à Yoff, au nord de Dakar, après une dizaine de jours en mer. 70 personnes ont pris la fuite avant l'arrivée de la police et 20 autres ont été hospitalisées dans différents centres de soins de la capitale sénégalaise. Le porte parole de la police sénégalaise a affirmé qu'une quarantaine de personnes étaient mortes en mer et avaient été jeté par-dessus bord de la pirogue. Le Sénégal est devenue en quelques années la base arrière de tous les migrants clandestins qui veulent tenter la douloureuse aventure vers l'Europe.

(source)


- lien : l'impact local des revenus migratoires dans le département de Louga (Sénégal) : approche géographique, par Papa Issa Ndiaye (2007)

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une villa d'émigré à Djelerlou Syll (Sénégal) - source

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