Marius Granjon
Les 51 anciens élèves de l'École pratique de Saint-Chamond, morts pour la France
Marius GRANJON
mort pour la France
Marius Jacques Granjon est né le 4 décembre (et non "septembre" comme indiqué par erreur sur la fiche matricule) 1890 à Saint-Chamond.
Il était menuisier ébéniste. Le 3 mai 1916, il épouse Marie Antoinette Élise Labèche, à Saint-Chamond.
La fiche matricule nous apprend que Marius Granjon a été incorporé pour son service militaire en octobre 1912 mais que le 13 janvier 1913 il a été déclaré "manquant à l'appel" et "déserteur" le 29 janvier. Pour quelles raisons ? On l'ignore.
Cette mesure a été suspendue le 10 août 1914 lorsqu'il s'est présenté volontairement au bureau de recrutement de Saint-Étienne. Il a alors été affecté à la 14e section de C.O.A., Commis et ouvriers miltaires d'administration (l'ouvrier était le nom de l'ensemble des personnels servant dans la branche Exploitation de l'Intendance) ; la 14e section était rattachée au 14e corps d'armée basé à Lyon.
Le 1er février 1917, il passe au 111e régiment d'Infanterie puis le 11 juillet 1917 au 346e régiment d'Infanterie.
Il est mort le 8 octobre 1918 au cours de la seconde bataille de Champagne. Il avait vingt-sept ans.
l'état civil de Marius Granjon
acte de naissance de Marius Granjon
lettre de Marius à ses parents, 13 avril 1916
Marius Granjon est hospitalisé. Il évoque son mariage et se préoccupe de la publication des bans qui doit être assuré par M. Rivat, employé de mairie.
Le 13 avril 1916
Chers Parents,
Cher Frère, et Chères sœurettes,
Je viens de recevoir la lettre que ma petite Maria m’a écrit et je la remercie bien de penser à son parrain, mais en récompense elle aura une jolie petite bague ; elle est déjà faite et elle lui ira juste. Maintenant, je vais en faire une pour la Marruet [?] et comme la Mamois [?] est jalouse je lui en ferai une aussi et puis, vous savez, elles sont bien faites e cet [pour : et c’est] moi qui suis encore le maître dans la salle pour trouver les modèles et les bien finir. Aussi j’espère que vous serez tous content.
Pour le moment, je vais très bien et j’espère que mon séjour à l’hôpital touche à sa fin. Ce n’est pas que l’on soit mal mais le temps me dure d’aller en permission. J’aime mieux tenir qu’attendre car il peut toujours arriver des désagréments, et tâcher moyen d’activer M. Rivat : je pense que je dois être affiché sans ça s’il faut que je reste 11 jours je ne pourrai pas me marier. Enfin, j’espère qu’il va bientôt me rendre réponse et en attendant, je vous embrasse tous bien fort.
Votre fils et votre frère qui pensent bien à vous.
Marius
Marius Granjon et Élise (mariés le 3 mai 1916)
le parcours militaire de Marius Granjon
fiche matricule de Marius Granjon
Marius Granjon, 14e section C.O.A.
en mai 1916, il se trouve en permission à Lyon
Il se marie le 3 mai 1916. Une lettre du médecin Léon Dolardn daté du 6 mai, certifie qu'il est atteint d'une bronchite a frigore et qu'il devrait rester huit jours à l'hôpital.
Le Dr Dolard déclare avoir visité à domicile, 16 rue Notre-Dame à Lyon, le soldat permissionnaire Granjon Marius, et constaté qu’il était atteint de bronchite a frigore avec température de 38°5.
Le malade n’a pu en raison de la fièvre rejoindre son corps à l’expiration de son congé permissionnaire.
Il aurait besoin d’être hospitalisé 8 jours à Lyon.
Lyon, 6 mai 1916
J. Léon Dolard
Marius Granjon était en Champagne, en octobre 1918
en octobre 1918, le régiment de Marius Granjon opérait en Champagne, secteur de Sommepy à l'est de Reims
le régiment de Marius Granjon (346e R.I.) appartient à la 73e Dvision et au 21e corps d'armée
il a combattu à la Ferme de Médéah, Sommepy (Marne)
La Ferme de Médéah n'existe plus aujourd'hui. Elle se trouvait en lisière nord du territoire de Sommepy (Marne), à la limite du département des Ardennes.
De nos jours, les surfaces boisées et les haies ont disparu. Il ne reste que les champs dépourvus quasiment de toute végétation arbustive.
la Ferme de Médéah est située au nord de Sommepy (carte IGN 1950, Géoportail)
l'extrémité nord de Sommepy où se trouvait la Ferme de Médéah (image, mai 2016)
la journée du 8 octobre 1918
Le combat du 8 octobre 1918 est relaté dans le J.M.O. (journal des marches et opérations) du 346e régiment d'infanterie (celui de Marius Granjon) mais également dans le J.M.O. du 21e corps d'armée qui détaille l'action de la 73e Division d'infanterie dont dépend le 346e (le J.M.O. de la 73e DI contient les mêmes informations que celui du 21e corps).
Sur les croquis de situation pour la journée du 8 octobre, tirés du J.M.O. du régiment, on repère le n° des compagnies engagées à la Ferme de Médéah ; celle de Marius Granjon était la 15e.
J.M.O. du 346e régiment d'infanterie, 8 octobre 1918, début du compte rendu
J.M.O. du 21e corps d'armée dont relève la 73e Division, 8 octobre 1918
Transcription partielle du J.M.O. du 21e corps d'armée :
À gauche où la préparation d’artillerie avait été plus faible et malgré l’appui des chars d’assaut, la droite du 346e n’a pu dépasser la lisière nord du bois au nord de la route d’Orfeuil à Saint-Étienne-à-Arnes. Il s’est heurté à une ligne tenue par de nombreuses mitrailleuses et par de nombreux fusils et canons anti-tanks. Tous les chars d’assaut ont été mis hors de combat et l’infanterie a subi de lourdes pertes. Le bataillon de gauche du 346e, qui avait d’abord pu progresser sous bois sans rencontrer trop de résistance, est contre-attaqué et ramené à hauteur du bataillon de droite.
(…)
À 17 h 30, une attaque est exécutée par le 346e en liaison avec la 2e Division U.S. après une préparation d’artillerie d’une demi-heure exécutée par toute l’artillerie de la Division, moins deux groupes de 75. Cette attaque se heurte à une contre-attaque ennemie qui est brisée par le feu de nos mitrailleuses. En fin de journée, le front du 346e R.I. se trouve à hauteur du point 83.34 (liaison avec la 2e Div. U.S.).
En résumé, malgré la très vive résistance opposée par l’ennemi, le front de la 73e Division a été avancé à l’ouest et à l’est d’environ 500 m. Au centre, la poche que formait la ligne allemande au nord-est de Médéah a été réduite et notre ligne avancée d’environ 1 km.
J.M.O. du 346e régiment d'infanterie, 8 octobre 1918, croquis à 10 heures
J.M.O. du 346e régiment d'infanterie, 8 octobre 1918, croquis à 10 heures
la mort de Marius Granjon, 8 octobre 1918
extrait du J.M.O. (8 octobre 1918) mentionant la mort de Marius Granjon
inhumé dans la nécropole de Sommepy (Marne)
avis de transfert d'inhumation de la dépouille de Marius Granjon
cimetière militaire national de Sommepy (Marne)
où Marius Granjon a été réinhumé en décembre 1920 (tombe n° 850)
nécropole nationale de Sommepy (Marne), avril 2018
nécropole nationale de Sommepy (Marne), avril 2018
nécropole nationale de Sommepy (Marne), avril 2018
nécropole nationale de Sommepy (Marne), avril 2018
photo fournie par René Granjon, petit-fils de Marius, mai 2022
photo fournie par René Granjon, petit-fils de Marius, mai 2022
photo fournie par René Granjon, petit-fils de Marius, mai 2022
Marius Granjon, décoré de la Médaille militaire
Marius Granjon, décoré de la médaille militaire à titre posthume
une des dernières lettres reçues par Marius Granjon
lettre de R. Cauzard à Marius Granjon, 30 août 1918
Le 30 août 1918
Mon cher Marius
Je viens de recevoir avec plaisir ta babille du 26.
Par le journal j’ai appris que l’offensive était déclenchée dans le secteur et je pensais bien aux poteaux [potes] me demandant si vous alliez y prendre part. Je suis heureux de constater que vous n’êtes pas engagés et vous souhait qu’on vous laisse tranquilles.
Pour ce qui est de ma citation, je te remercie de m’en avoir fait part et vais envoyer un mot à G… qu’il me l’envoie. Deux jours sont toujours bons à prendre. Al… Banne est passé pied [sergent], il doit être bien heureux.
Pour mon colis, pas encore de nouvelles. J’ai écris au copain mais j’attends sa réponse.
Pour te parler un peu de moi, ça va assez bien et je me la coule douce ; ma jambe n’a aucune amélioration ; je prends de l’aspirine mais c’est comme un cautère sur une jambe de bois ; mais tu sais, je ne demande pas la guérison immédiate. Je vais faire mon possible pour tuer un moment ici car quoi que ce ne soit pas fou comme distractions, je me sens mieux que là-haut.
La table est très bonne, le pajot aussi, les pieds au sec et pas de zinzins [projectiles d’artillerie].
Hier dimanche, j’ai eu un peu chaud car le pinard est très bon ici ; c’est le beaujolais et à force de bouteilles et bouteilles, quoique elles soient petites, mais on y revient plus souvent ; enfin, il n’y avait pas de bobo mais ça commençait surtout avec quelques gnioles.
J’ai bu aussi du vin nouveau et qu’il est fameux ; ne me plains pas trop mon pauvre vieux, il y a aussi de belles gosses mais on ne sort pas assez souvent.
J’ai reçu une lettre de Lassarrade, il est en perme mais ne me dit pas combien.
Rien d’autre, cher Vieux, et pensant te savoir en bonne santé et te souhaitant une petite évacuation.
Je t’en sers cordialement cinq.
R. Cauzard
Hôpital de Mongré, salle 2
Villefranche-sur-Saône
Bonjour aux copains de ma part.
- J'ai retrouvé la trace de l'auteur de cette lettre : il s'agit de René Cauzard qui appartenait au même régiment que Marius Granjon (le 346e).
Il a été blessé le 16 juillet 1918 dans le secteur de Monthurel (Aisne). Marius Granjon a très probablement participé, lui aussi, à ces combats.
J.M.O. du 346e régiment d'infanterie, 15 juillet 1918
secteur où se trouvait le 346e et où fut blessé René Dauzard, ami de Marius Granjon,
le 16 juillet 1918 (carte : Les Armées françaises dans la Grande Guerre)
autour de Monthurel (Aisne), carte IGN 1950 (Géoportail)
- René Cauzard, le correspondant de Marius Granjon, séjournait à l'hôpital auxiliaire n° 7 de Mongré (collège jésuite avant la guerre) à Villefranche-sur-Saône.
Même si on n'a pas retrouvé de photos de la salle n° 2, R. Cauzard figure peut-être sur ces clichés... qui donnent, en tout cas, une idée de l'endroit d'où écrivait René à son ami Marius.
hôpital de Mongré, Villefranche-sur Saône pendant la guerre
hôpital de Mongré, Villefranche-sur Saône pendant la guerre
hôpital de Mongré, Villefranche-sur Saône pendant la guerre
hôpital de Mongré, Villefranche-sur Saône pendant la guerre
une lettre d'Élise à Marius Granjon, probablement 1918
Mon cher petit Belou,
Je t’expédie un paquet en même temps que cette lettre et il y a quelque chose qui te fera plaisir dans la petite bouteille, mais attention de ne pas l’avaler d’un coup car ça se boit avec de l’eau. Mon chéri, tu me parles de la grippe espagnole mais il y a déjà quelques jours qu’elle est en règne ici, car nombreux sont les malades et aussi grand nombre qui sont morts. Mais il paraît qu’il n’y a rien à faire pour l’éviter.
Enfin, jusqu’à présent on [n’] a pas à s’en plaindre. Ton gosse est toujours en bonne santé, c’est le principal.
Et toi mon chérie, j’espère te savoir toujours en bonne santé malgré toutes ces atrocités et, en attendant, je t’envoie mes meilleurs baisers et mes plus tendres caresses et ton fils ses plus gros mimis.
Ta petite gosse pour la vie.
Mon petit papa chéri
Je te fait des groses bises. Tatanais.
Élise qui signe sa lettre à son mari : "Ta petite gosse pour la vie"
Antoine, le fils de Marius Granjon
carte reconnaissant le statut de pupille de la nation à Antoine Granjon, fils de Marius mort pour la France
demande de titre de transport rédigée par Antoine Granjon pour se rendre sur la tombe de son père ;
mais il ne fit jamais le voyage ; son fils, René l'a effectué en mai 2022
- le portrait de Marius Granjon ainsi que l'extrait du JMO, l'avis de transfert d'inhumation, la lettre reçue de Élise (1918), le certificat du médecin (1916), la lettre reçue en août 1918 et la carte de pupillle de la nation proviennent de son petit-fils, René Granjon. Qu'il en soit vivement remercié.
- René Granjon écrit que Marius : "s'est marié à Saint Chamond le 3 mai 1916 et mon père est né la même année le 15 août 1916. Il n'a pas eu d'autres enfants et mon père ne l'a jamais connu".